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Intervention de Delphine Lingemann

Séance en hémicycle du mercredi 5 avril 2023 à 15h00
Revalorisation du salaire des enseignants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Lingemann :

« Être enseignant, ce n'est pas un choix de carrière, c'est un choix de vie. » Cette citation de François Mitterrand nous rappelle que l'enseignement est bien un métier d'engagement au service de ce que nous avons de plus cher : l'avenir de nos enfants, mais aussi celui de la France. Or, aujourd'hui, conséquence de décennies d'abandon par les gouvernements successifs, les enseignants sont fatigués. Au printemps 2022, une enquête réalisée par le ministère de l'éducation nationale auprès de 62 000 enseignants donnait la mesure du désenchantement au sein de la profession. Seuls 4 % des enseignants estiment leurs perspectives de carrière attractives, quand 55 % d'entre eux se disent mécontents de leur niveau de rémunération. Force est de constater que le traitement de base des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est en effet inférieur d'au moins 15 % à la moyenne des pays de l'OCDE.

Face à ce constat, il était urgent de réengager une politique volontariste pour redonner toute sa valeur à ce métier. Les mesures prises par le Gouvernement vont dans ce sens. Il s'agit de valoriser le métier d'enseignant et de le rendre plus attractif. C'est dans cette perspective qu'est proposé un socle d'augmentation de 635 millions d'euros en 2023. Cet engagement fort, salué par toutes les parties prenantes, se traduit en moyenne par une augmentation annuelle de 800 euros pour un professeur des écoles et de 744 euros pour un enseignant du secondaire. Le projet actuel serait de favoriser financièrement les personnels en début de carrière, l'attractivité du métier étant au plus bas.

Au-delà de ces premières revalorisations, il serait souhaitable de permettre à des étudiants en troisième année de licence d'effectuer un stage d'un à trois mois dans un établissement scolaire avec un tuteur enseignant. Le tutorat de ces étudiants pourrait entrer dans le cadre des missions du pacte proposé aux enseignants par le ministère de l'éducation nationale.

Ce pacte, qui constitue l'autre volet de la réforme, donne le choix à chaque enseignant d'exercer des missions supplémentaires en lien avec ses compétences. C'est une liberté qui est donnée de « travailler plus pour gagner plus » – principe qui doit guider, me semble-t-il, l'utilisation des deniers publics.

Le dispositif du pacte enseignant représentera une enveloppe de 300 millions d'euros en 2023. Mis en œuvre à compter de septembre prochain, il doit permettre de répondre à deux priorités pour améliorer la qualité des apprentissages : le remplacement rapide du professeur absent, sur une période courte, par des professeurs volontaires en poste dans l'établissement – je rappelle que 15 millions d'heures sont perdues par les élèves chaque année ; la généralisation, dans les classes de sixième, du dispositif « devoirs faits ». Ces deux mesures importantes tendent à assurer la qualité des enseignements et contribueront pleinement à l'égalité des chances dans la réussite scolaire.

Il est question aujourd'hui d'une rémunération de 1 250 euros pour 24 heures de missions supplémentaires ; ce montant est loin d'être négligeable. Il faudra cependant être vigilant sur plusieurs points et faire preuve, là encore, d'équité. Malheureusement, les femmes auront plus de difficultés à signer un pacte car, très souvent, elles sont plus impliquées dans les activités familiales. Le pacte risque donc d'accroître les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, ce qui aurait un impact direct sur les retraites.

En outre, le pacte serait plus facile à appliquer pour les enseignants du second degré, qui donnent 18 heures de cours par semaine, que pour ceux du premier degré, qui effectuent 24 heures d'enseignement. À cela s'ajoute un taux de féminisation supérieur dans le premier degré. On peut donc anticiper un accès d'autant plus difficile au dispositif.

Enfin, les 13 000 enseignants du second degré affectés dans l'enseignement supérieur sont totalement oubliés. Leur rémunération et leur carrière dépendent du ministère de l'éducation nationale, mais ils ne bénéficient d'aucun dispositif, ni de celui du ministère de l'enseignement supérieur – le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec) – ni de celui dont nous débattons cet après-midi. Ces enseignants n'ont bénéficié d'aucune revalorisation salariale. Alors qu'ils enseignent dans le supérieur, ils sont désormais moins payés que leurs collègues qui exercent dans un lycée ou un collège. Il me semble qu'une réflexion doit être engagée afin de leur donner un statut particulier, comme c'est le cas pour les enseignants du secondaire affectés dans les classes préparatoires.

Fille d'un enseignant, sœur d'un professeur des écoles, moi-même enseignante associée à l'université depuis près de vingt ans, je connais ce métier, son utilité pour nos enfants et ses difficultés. Notre politique éducative doit permettre d'attirer les futurs enseignants, de les préparer, de les motiver et de les soutenir dans leurs missions.

Nelson Mandela nous le rappelle : « L'éducation est l'arme la plus puissante que l'on puisse utiliser pour changer le monde. » Les défis sont nombreux. Nos enseignants jouent un rôle essentiel auprès des enfants pour les préparer à les relever. Il est donc de notre devoir, aux côtés du Gouvernement, de les soutenir.

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