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Intervention de Sarah Guillou

Réunion du mercredi 22 mars 2023 à 13h40
Commission des affaires européennes

Sarah Guillou, Directrice du Département de Recherche Innovation et Concurrence (DRIC) de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) :

Je développerai mon propos en quatre points.

D'abord, la question des délocalisations ou des menaces de délocalisation a été évoquée à plusieurs reprises. Or, on ne peut parler de délocalisation que s'il y a une substitution d'investissements, par exemple, si un investissement initialement prévu en Europe se fait aux États-Unis. En l'occurrence, nous l'avons suffisamment rappelé avec M. de Chalendar, on n'assiste pas nécessairement à des substitutions mais plutôt à des opportunités d'investissements qui sont offertes sur le marché américain et qui pourraient profiter aux entreprises européennes. Supposons que vous êtes une entreprise dont le siège est européen et qui dispose d'une filiale aux États-Unis : si vous profitez des subventions américaines pour améliorer votre technologie, cela profitera également à votre entité européenne. Les risques de délocalisation, dues au mécanisme de subventions quasi automatiques doivent encore être vérifiés avec les données à venir.

Deuxièmement, nous avons peu parlé du mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières, qui est considéré comme une mesure protectionniste par les États-Unis. Je veux bien que l'on laisse entendre que seuls les États-Unis sont capables d'avoir une politique protectionniste, mais cela me semble peu opportun de vouloir les singer ! Avec ce mécanisme, l'Europe a également une dimension protectionniste qu'il faudrait prendre en compte, car elle est importante et présente une utilité limitée pour les industriels.

Troisièmement, je rappelle que l'élaboration d'une politique publique repose en permanence sur un arbitrage entre l'utilité du consommateur, l'utilité du travailleur et l'utilité de l'industriel. Toute la difficulté de conception des politiques publiques réside dans cet arbitrage. Or la réglementation européenne présente la particularité d'avoir souvent privilégié l'usager plutôt que l'industriel. La position du commissaire Thierry Breton se distingue lorsqu'il affirme qu'il faut aussi tenir compte des industriels car l'avenir en dépend.

Enfin, vous avez justement souligné que nous avons changé de paradigme. Pour autant, les risques d'une course au protectionnisme n'ont pas disparu. En termes de relations internationales, apporter une réponse aux États-Unis sur ce terrain-là n'est pas sans poser un risque géopolitique. Il convient peut-être d'apporter une réponse plus intelligente, sans considérer que refuser de mener une politique symétrique à celle choisie par les États-Unis revient à renoncer ou démissionner.

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