Cette table ronde est consacrée à la réponse européenne à l'Inflation Reduction Act américain (IRA). Cette loi américaine a été adoptée par le Congrès américain en août 2022 et prévoit d'allouer près de 370 milliards de dollars aux entreprises qui investissent dans les technologies verte sur le territoire américain, ainsi qu'aux consommateurs achetant des produits verts fabriqués aux États-Unis. Si l'on peut se réjouir qu'après les errements trumpiens, l'administration Biden se range au « Make Our Planet Great Again » défendue en 2017 par le Président de la République, comment ne pas voir les conséquences pour l'Europe de ce néoprotectionnisme américain ?
L'IRA réserve les aides nouvelles aux énergies renouvelables dont les équipements ont été produits aux États-Unis ou aux véhicules assemblés en Amérique du Nord. Ce plan de soutien américain crée un risque majeur de délocalisation des entreprises européennes vers le territoire américain, dans un contexte où ces dernières doivent notamment faire face à l'augmentation des coûts de l'énergie.
La crise de la Covid-19 et la guerre en Ukraine sont venues nous rappeler douloureusement qu'il n'y a pas de puissance souveraine sans industrie sur son sol. Il nous faut absolument gagner la bataille de l'industrie décarbonée. C'est un objectif que nous devons poursuivre en Européens.
Face à cela, il y a une prise de conscience de l'ensemble des acteurs européens, qui s'est concrétisée le 15 décembre 2022, lors du Conseil européen au cours duquel un mandat a été donné à la Commission européenne. Le 16 mars 2023, la Commission européenne a présenté sa stratégie et son déploiement concret. Quand l'Europe veut, elle peut. En l'espace de trois mois, il y a eu une réponse européenne importante, avec des mesures qui sont discutées et débattues et qui doivent permettre de répondre à l'IRA américain.
L'Europe est fortement engagée dans la transition écologique, comme l'a montré l'adoption du projet de loi de relance du nucléaire, qui est un atout pour la France et notre continent. L'Europe doit conserver sur son territoire ses acteurs industriels clés. C'est une question d'emploi et d'avenir pour assurer notre autonomie stratégique et avoir une industrie décarbonée.
Il faut se réjouir des priorités identifiées par la Commission européenne pour répondre à l'IRA. D'une part, avec l'approvisionnement en matières premières critiques, comme le lithium pour la production de batteries électriques. D'autre part, avec la facilitation du déploiement de sites industriels spécialisés, les « Cleantech », dans la production de technologies propres, comme le solaire ou l'hydrogène.
De nombreuses questions restent toutefois en suspens du fait de certaines hésitations parmi les États membres de l'Union. Je pense au Fonds de souveraineté européen, qu'il conviendra très sérieusement d'envisager sur la base de l'analyse d'impact de la Commission européenne. Je pense aussi au prix de l'énergie, qui explique largement l'écart de compétitivité entre les États-Unis et l'Europe. Nous devons avancer rapidement sur la réforme du marché de l'énergie. D'ici à la fin de l'année, le découplage entre le prix du gaz et de l'électricité permettra de lisser les prix.
Notre panel d'invités de ce jour nous aidera à comprendre quelles sont les questions à résoudre et les pistes de solution. Je propose que nous commencions dans l'ordre, avec vous M. de Chalendar. Vous présidez le conseil d'administration de Saint-Gobain, après avoir intégré le groupe en 1989. Vous co-présidez le think tank « La Fabrique de l'industrie ».