Les assises devraient être lancées d'ici l'été et les parlementaires y seront évidemment associés. Nous avons quelques années devant nous avant l'échéance des premières concessions, en 2031, mais nous devons mettre à profit le temps qu'il nous reste pour la préparer.
Nous n'avons pas commencé à réfléchir à ces questions il y a deux ans. La demande de ce rapport de l'IGF était très bienvenue. Les rapports parlementaires ont certes été nombreux mais un rapport d'inspection est particulier : il est demandé par un ministre à son usage propre. L'administration ne cache pas sa copie, le rapport pouvant être ensuite rendu public dans un cadre défini par la loi. De plus, comme tous les documents administratifs, il est soumis aux prérogatives parlementaires, notamment à celles du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget. Si l'on ne veut pas d'informations précises, il suffit de ne pas signer une demande de rapport. Si elle a été signée, c'est bien qu'un problème se posait aux yeux de mon prédécesseur, de M. Bruno Le Maire et de M. Gérald Darmanin, alors ministre de l'action et des comptes publics. L'administration a d'ailleurs considéré que c'était un rapport préparatoire et que bien des choses devraient être encore précisées, notamment à propos des TRI qui font parfois l'objet d'une légère instrumentalisation.
Les réflexions pour améliorer la situation ont commencé et ont été appliquées très tôt : je pense à la loi de 2015 dite « Macron », avec la création d'une autorité de régulation, aux dix-sept avis publics et aux deux rapports généraux de l'ART, qui sont d'ailleurs équilibrés.
La question de la remise en état du patrimoine concédé est en effet fondamentale. Cette obligation du code de la commande publique, très ancienne, n'était pas appliquée dans les contrats. En janvier 2023, nous avons publié des décrets approuvant des avenants qui prévoient non seulement des investissements supplémentaires – covoiturage, bornes de recharge électrique, etc. – mais aussi l'application de cette obligation d'inventaire. Tout ceci est donc public. Les travaux ont commencé pour que, dans moins de cinq ans, cet inventaire soit effectif. Nous savons que, globalement, notre réseau autoroutier est en bon état, mais il convient de vérifier que tout est bien exécuté. J'ai demandé à mes services de travailler à cette obligation supplémentaire avant que l'État récupère sa propriété. Nous nous engageons à en définir les critères avec le Parlement dans les prochains mois. Nous appliquons ainsi l'une des recommandations du rapport de l'IGF.
À propos des péages, les avis politiques divergent, y compris au sein de la NUPES. Il me semble que certains de vos collègues écologistes, monsieur Guiraud, demandent une augmentation des coûts induits par la voiture. Pourquoi ne pas commencer par les tarifs des péages ? Nous appliquons quant à nous les termes du contrat, mais nous allons au-delà pour protéger le pouvoir d'achat des Français. Je défends la transition écologique mais j'assume qu'à court terme, une aide temporaire soit accordée aux automobilistes qui n'ont pas d'autres choix que de recourir à la voiture. Nous le faisons d'ailleurs de manière ciblée. J'ai ainsi demandé aux SCA de réduire le coût des abonnements, ce qui a été fait. Le Parlement a également voté l'indexation de la TAT sur l'inflation, dans une proportion de 70 %, comme pour les péages, une telle symétrie me paraissant indispensable. En 2018 et 2019, lorsque les tensions sur le pouvoir d'achat étaient déjà palpables, ma prédécesseure Mme Élisabeth Borne avait déjà demandé un effort sur les tarifs des abonnements.
Doit-on modifier les formules d'indexation des péages ? Si nous le faisions, soit les investissements seraient réduits – ce qui ne me paraît pas souhaitable –, soit les sociétés concessionnaires d'autoroutes devraient rogner leurs marges, mais cela s'appelle un impôt. Je préfère une hausse de la TAT ou une augmentation éventuelle des taxes sur ces sociétés : si nous considérons qu'elles bénéficient de surprofits, taxons-les directement ! Nous y réfléchissons, d'où la saisine du Conseil d'État. Je ne suis pas favorable à la subvention budgétaire, ce qui reviendrait à faire subventionner par le contribuable les investissements du réseau autoroutier. Je veux bien que l'on fasse baisser les tarifs des péages – si tant est que cela soit juridiquement possible – mais que sacrifie-t-on ? Mettons-nous au moins d'accord sur un cadre.
Selon la jurisprudence actuelle, les résiliations anticipées ne seraient possibles qu'en cas de sur-rentabilité des TRI-projet et non des TRI-actionnaire, ce que nous ne constatons pas. Nous interrogeons donc le Conseil d'État pour savoir s'il est possible d'aller plus loin que cette jurisprudence car nous devons agir dans un cadre très sécurisé.
La prolongation des concessions a longtemps été une manière de mettre la poussière sous le tapis. Nous voulions – y compris de nombreux élus locaux – des investissements supplémentaires : faites financer tel contournement par les concessions, disait-on, cela ne coûtera rien au contribuable ! Cela a beaucoup été fait mais ce n'est plus le cas depuis 2017. Les concessions vont arriver à échéance, notre modèle doit être questionné et une telle façon de faire relèverait d'une politique de court-terme.
Les SCA se sont engagées à verser la CVE, qui s'élève à 60 millions d'euros par an. Lorsque le Parlement a voté une augmentation de la TAT, ces sociétés nous ont attaqués en contentieux et elles ont suspendu le versement de la CVE. C'est nous qui, alors, avons engagé une procédure de contentieux pour défendre les intérêts de l'État.