M. Pradal a raison : certaines appréciations sont parfois un peu caricaturales.
Nous sommes dans un État de droit, avec un droit des contrats et de la propriété privée. À moins de payer, il n'est pas possible d'interrompre brutalement un contrat conclu entre une société concessionnaire et l'État parce que cela vous chante.
Des solutions de facilité ont été utilisées en 2015 par Mme Royal. Le gel des tarifs ? Très bien ! La popularité est assurée pendant quelques semaines mais, ensuite, il faut passer à la caisse parce que, Dieu soit loué, nous sommes dans un État de droit. Cette décision a en effet été payée par une surcompensation des tarifs et par l'introduction dans les contrats de mesures de renforcement du paysage fiscal pour que l'État ne puisse pas « se récupérer » par une augmentation des taxes portant spécifiquement sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Joli résultat ! Ne comptez pas sur moi pour sacrifier le long terme au profit d'une popularité de court terme !
Ce modèle de concession s'applique à de nombreuses activités économiques parce que c'est le meilleur. Il est préférable de faire payer une infrastructure par ceux qui l'utilisent plutôt que par tous. C'est une question de bon sens, de justice et d'efficacité. Il est préférable qu'une piscine municipale ou que le Tunnel sous La Manche soient mis en concession, l'immense majorité de nos compatriotes n'ayant aucune envie de payer pour un train qu'elle ne prend jamais. De ce point de vue, je suis en total désaccord avec François Bayrou.
La concession a été faite au bon moment. J'ai reconnu que des erreurs de calcul avaient pu être commises, ici ou là, même si nous avons besoin de confirmations. Nous avons cédé les sociétés concessionnaires d'autoroutes au moment où les sociétés privées avaient intérêt à investir quand l'État, lui, avait tout intérêt à valoriser ses infrastructures afin qu'à terme on lui rende des autoroutes en meilleur état et modernisées, par exemple équipées de bornes de recharge électrique.
De plus, les SCA sont obligées de mettre en concurrence les travaux réalisés dès lors que l'investissement est supérieur à 500 000 euros afin qu'elles ne soient pas juges et parties puisqu'elles sont aussi des sociétés de BTP.
Pouvons-nous arrêter les concessions dès maintenant ? Une loi d'expropriation est en effet possible mais, parce que nous sommes dans un État de droit, une « juste compensation » serait nécessaire, laquelle est évaluée par mes services entre 40 et 50 milliards d'euros. Si vous voulez les mettre dans le rachat des sociétés concessionnaires d'autoroutes, vous le pouvez mais, comme nous ne sommes pas en Union soviétique, aucune nationalisation ne sera possible sans compensation. Selon moi, il s'agirait d'une décision absurde qui reviendrait à jeter l'argent du contribuable par les fenêtres.
Pouvons-nous raccourcir la durée des concessions ? Oui, à une réserve juridique près : le Conseil d'État doit établir la sur-rentabilité des concessions. Pour l'évaluer, faut-il se fonder sur le TRI-projet ou sur le TRI-actionnaire ? C'est au juge administratif de trancher. Si le Conseil d'État, sur le fondement de l'un de ces deux critères, estime que la sur-rentabilité est effective, nous raccourcirons la durée d'exploitation des concessions de manière à ce que cela ne coûte rien au contribuable. Je ne le ferai que sur le fondement d'une analyse juridique solide, claire et confirmée par la plus haute juridiction administrative. Je ne prendrai pas le risque, pour être populaire, qu'une décision de l'État soit attaquée par les concessionnaires d'autoroute puis invalidée par le juge administratif et que le contribuable, à la fin, soit contraint de payer.