L'État a selon vous vocation à être l'investisseur de premier rang dans les secteurs non rentables, dont il doit se dessaisir une fois leur rentabilité assurée afin d'investir dans l'industrie décarbonée. Pourquoi consentirait-il à se priver des fruits de son investissement ? Les autoroutes sont rentables selon le rapport de l'IGF ; l'État pourrait donc se verser des dividendes afin d'investir dans des industries décarbonées. De plus, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit que l'État doit posséder les monopoles et les constituants souhaitaient à mon avis qu'il en perçoive les bénéfices.
Vous reconnaissez la mauvaise négociation des contrats, puisque la différence de 1 à 4 points entre la rentabilité prévue et celle mesurée par l'IGF représente plusieurs milliards d'euros supplémentaires au bénéfice des concessionnaires. En dépit des nombreuses raisons pouvant justifier une telle rentabilité, il est possible que les concessionnaires d'autoroutes aient mieux négocié les termes du contrat que l'État, lequel n'a pas prévu de rétrocession de cette rentabilité en réduisant la durée des contrats.
Le plan de relance autoroutier de 2015, dont les négociations ont été signées par Emmanuel Macron et Ségolène Royal – Alexis Kohler et Élisabeth Borne étant leurs directeurs de cabinet respectifs –, organisait l'engagement de dépenses de relance en matière de bâtiment et travaux publics (BTP) par des sociétés concessionnaires sur leur réseau en échange de la prorogation de la durée de leur concession d'un peu plus de trois ans en moyenne. La Cour des comptes a indiqué qu'il s'agissait pour les actionnaires d'une très bonne affaire, puisque ce plan représentait une manne de 15 milliards d'euros de dividendes supplémentaires. L'an dernier, d'après L'Obs, les sociétés concessionnaires d'autoroutes ont versé 3,3 milliards d'euros de dividendes, soit une augmentation de près de 40 % par rapport à 2020. Cette rentabilité continue donc de croître.
Vous envisagez de réduire la durée des concessions, mais je m'interroge plutôt sur leur viabilité, d'autant que j'ai l'impression que vous conseillerez aux prochains dirigeants de les renouveler. En outre, ces concessionnaires possèdent souvent des filiales dans le BTP réalisant les travaux des autoroutes – j'aimerais qu'on analyse un jour cette relation.
Vous confirmez qu'il existe un contentieux concernant la TAT, dont l'État avait toujours compensé la hausse liée à son indexation sur l'inflation par une augmentation du tarif des péages. Cette mesure à laquelle il n'était pas tenu a occasionné une perte de 1,3 milliard d'euros. Le tribunal administratif de Paris a donné raison à l'État en établissant que la compensation demandée n'était pas prévue par la loi et n'avait pas à être automatique. Pouvez-vous préciser jusqu'à quand cette compensation a eu lieu et nous en expliquer la raison ?
J'aimerais enfin que vous nous expliquiez votre optimisme quant au risque de contagion à la France des faillites bancaires qui viennent de survenir aux États-Unis et des difficultés rencontrées par une grande banque suisse.