Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 30 mars 2023 à 9h00
Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Le langage est un angle mort de la République, qui n'a pas suffisamment investi cette question, la laissant à la sphère privée. Nos débats sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui ont abouti à la directive CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive –, un accomplissement européen, ont montré la nécessité de trouver un langage commun pour dire ce qui est bon et mauvais dans le monde de l'entreprise, notamment dans la publicité.

Les chiffres montrent que les influenceurs ne sont qu'un arbre qui révèle la forêt de l'envahissement de nos vies par la publicité. Le collectif Big Corpo révèle dans son rapport que 31 milliards d'euros sont consacrés, dans une servitude consentie, par notre société à la publicité et donc à la promotion d'un individualisme matérialiste mû par un désir mimétique. Comparons cette somme aux 4,2 milliards consacrés à l'Ademe (Agence de la transition écologique), et donc à la survie des écosystèmes et à notre propre survie, et aux 3,7 milliards consacrés à la santé publique et à la prévention, y compris aux campagnes de vaccination. Nous consacrons trois fois plus à la publicité ! Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Le débat sur les influenceurs emprunte nombre de termes à celui sur les sectes : vérité parallèle, vérité alternative, emprise, influence… Il est heureux que la République pose des limites avec la régulation proposée par ce texte. Toutefois, je souhaite souligner la proximité de ce vocabulaire avec celui du domaine religieux pour m'étonner – dans une parenthèse que cette assemblée permet si peu – de voir le zèle avec lequel la République et les républicains ont combattu tous les signes et toutes les empreintes de la religion dans l'espace public, et de nous voir consentir si facilement à ce que Charles Péguy aurait sans doute appelé l'idolâtrie du marché. Mesurons bien ce paradoxe en nous interrogeant sur ce qui libère et sur ce qui emprisonne.

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