Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mardi 28 mars 2023 à 15h00
Reconnaissance et condamnation de l'holodomor comme génocide — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

C'était un antisémite, vous avez raison, cher collègue ; mais en vous parlant de ces deux figures, je souhaitais évoquer une question de méthode. La liberté des peuples peut se défendre par la violence – la violence légitime de ceux qui ripostent à une attaque. Néanmoins, le remède ne doit pas devenir pire que le mal : au fond, la seule chose qui importe est l'objectif que nous devons tous partager, c'est-à-dire la paix. Or le nationalisme, c'est la guerre, de même que l'impérialisme.

Par ailleurs, j'entends ici et là des discours suivant lesquels nous ne serions pas concernés par ce qui se passe en Ukraine et n'aurions pas à prendre parti. À cela, je répondrai que défendre notre démocratie, nos valeurs, ne constitue pas un choix, mais une question de survie pour nous tous. Aucune tergiversation n'est possible en la matière. Alors que certains aspects de cette situation, y compris une influence russe grandissante, se reproduisent désormais en Afrique, il convient de nous interroger sur notre rapport au monde et de descendre de notre piédestal. La fin de la guerre, autrement dit la victoire de l'Ukraine, ne devra pas ouvrir un nouveau terrain de chasse à des investisseurs plus intéressés par leurs bénéfices personnels que par ceux des peuples. Tout en faisant en sorte que la solidarité internationale s'amplifie, gardons-nous de répéter les erreurs du passé.

Venons-en maintenant au cœur de la question : l'Holodomor, autre épisode sombre de l'histoire ukrainienne. Cette famine orchestrée par le régime stalinien en 1932 et 1933 aura causé la mort de millions de personnes, victimes d'une politique répressive de confiscation des récoltes. Nombre de pays et d'organisations internationales l'ont d'ores et déjà reconnue comme un crime de génocide ou un crime contre l'humanité : il est honorable que la France s'engage dans cette voie. Ceux qui ont souffert ou péri au cours de l'Holodomor méritent notre respect, notre souvenir. En adoptant cette proposition de résolution, nous exprimerons notre solidarité avec le peuple ukrainien et notre engagement en vue d'un monde plus humain, plus juste.

La connaissance de l'histoire est primordiale pour que les générations futures en saisissent les enjeux, les enseignements. En intégrant l'Holodomor aux programmes éducatifs, en soutenant la recherche, nous contribuerons à avertir nos enfants des dangers du totalitarisme, de ses possibles résurgences, à une époque où l'instantanéité supplante trop souvent la mémoire. N'oublions jamais ce qu'écrivait la philosophe Hannah Arendt : « C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal ».

L'Ukraine continue de subir l'oppression ; les Russes tentent de démanteler ses institutions, sa cohésion, son système éducatif, sa société, mais son peuple résiste. L'Holodomor perpétré au XXe siècle par les forces soviétiques réapparaît au XXIe siècle comme l'expression la plus brutale du totalitarisme. N'ayons pas peur des mots : la guerre actuelle, elle aussi, revêt un caractère génocidaire. La population de Boutcha, hommes, femmes et enfants, a été victime de crimes de guerre, de déportations massives. Les enlèvements et déportations d'enfants, constatés avant même février 2022, se sont intensifiés ; le site childrenofwar.gov.ua, créé par les autorités de Kiev, recense plus de 16 000 cas. Un mandat d'arrêt à l'encontre de Vladimir Poutine a été délivré par la Cour pénale internationale (CPI) : la place de ce tyran est dans une cellule de La Haye. En s'en prenant aux lieux culturels, ce dont témoignent le pillage et la destruction de plus de quarante musées, les Russes cherchent à atteindre les racines mêmes de l'histoire ukrainienne, pourtant étroitement liée à la leur. Poutine décrivait Kiev comme la « mère des villes russes » : s'il avait réussi à y pénétrer, qu'aurait-il fait, sinon la saccager ? Nous touchons ici au paradoxe d'une propagande dont l'impérialisme est le mot d'ordre.

Enfin, chers amis, au centre de tout cela, il y a la question des peuples. Poutine est un barbare ; cela ne fait pas de l'Ukraine et de la Russie des ennemies. L'amitié repose sur la reconnaissance mutuelle : en dénonçant, à voix aussi haute que possible, les crimes passés comme présents, ce n'est pas le peuple russe que nous attaquons, mais les criminels qui l'ont dirigé et le dirigent, l'entraînant dans une guerre qu'ils ne pourront heureusement jamais gagner. C'est pourquoi, au nom du groupe Écologiste, je vous invite à voter en faveur de ce texte.

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