Le secteur de la pêche en Guyane est sinistré. Pour la pêche côtière, sur 130 bateaux enregistrés, seuls vingt-cinq sont en état de naviguer ; pour la pêche crevettière, il ne reste aujourd'hui que cinq bateaux en opération, alors que la Guyane était le troisième port français dans les années 1980. En conséquence, la majorité du poisson consommé aujourd'hui en Guyane est importée, ce qui est totalement aberrant puisqu'elle exportait avant jusqu'à 70 % de sa production. D'ailleurs, les eaux guyanaises sont toujours poissonneuses : des bateaux viennent illégalement y pêcher, parfois de très loin.
Le poisson considéré comme importé par la Guyane est souvent pêché directement dans les eaux guyanaises mais par des navires battant pavillon étranger sous licences européennes. Ce poisson pêché dans la zone économique exclusive (ZEE) guyanaise est tout de même taxé à hauteur de 15 % !
Il est donc urgent de reconsidérer l'article 4 du règlement portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l'Union européenne pour certains produits de la pêche pour la période 2021-2023. À défaut, une reconduction en 2024 de ce règlement dans les mêmes termes signera à coup sûr la mort de la filière guyanaise. Par ailleurs, l'approvisionnement étant en grande partie réalisé par des bateaux vénézuéliens, les accords bilatéraux historiques entre la France et le Venezuela au sujet de la pêche en Guyane, supprimés depuis le début des années 2000, doivent être rétablis. Il y va de la survie des circuits guyanais de transformation.
Parmi les difficultés rencontrées par le secteur de la pêche en Guyane, on compte depuis plus de trois ans le blocage administratif des dossiers de régularisation des marins pêcheurs étrangers. En effet, ces professionnels, qui travaillent depuis des années en Guyane, ne voient pas leur titre de séjour reconduit, ce qui génère un manque cruel de main-d'œuvre et une chute drastique des débarquements de poisson, avec des répercussions sur l'ensemble de la filière qui se retrouve ainsi fortement ralentie.
En outre, la flottille côtière, obsolète, est dans l'incapacité d'exercer. À cet égard, les entreprises du secteur ont sollicité le rachat de navires d'occasion, notamment de ceux qui sont voués à la destruction à la suite du Brexit, mais elles ont reçu une fin de non-recevoir. Quel gaspillage ! Le comble de l'aberration est que l'attribution des subventions pour le renouvellement et l'évolution de la flotte est conditionnée à une évaluation préalable des ressources, mais l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), chargé de cette évaluation, est incapable de la réaliser.
Vous le constatez, la situation catastrophique de la pêche en Guyane tient à des raisons variées. Cependant, il est possible de résoudre tous ces problèmes grâce à une réelle volonté politique et une bonne coordination interministérielle. La présente interpellation, qui n'est pas la première, doit être la dernière ! Les réunions entre l'autorité territoriale et les différents ministères devraient déjà avoir trouvé des solutions sur ces points ; aurait-on manqué de méthode ? Si le Gouvernement a réellement l'ambition et la volonté de sortir la pêche guyanaise de l'ornière, il est grand temps qu'il le démontre en levant sans plus tarder l'ensemble des freins normatifs et réglementaires qui briment cette industrie locale.