Nous nous réunissons de nouveau pour continuer à traiter un sujet fondamental, qui nous a déjà occupés en novembre dernier : la protection du logement et de la propriété des personnes contre les squats et les occupations illicites.
Nous avons déjà largement évoqué l'importance de ce sujet en première lecture. C'est une question primordiale, puisqu'il s'agit d'assurer la jouissance de ces droits fondamentaux que sont la propriété et la vie privée, et d'assurer la santé économique du secteur du logement, en améliorant les rapports locatifs et en rassurant les bailleurs quant à la sécurité de leur investissement.
La première lecture du texte nous a donné l'occasion d'adopter plusieurs mesures importantes qui viendront renforcer, s'agissant de leur domicile, les droits de nos concitoyens.
Dans la foulée de notre examen, le Sénat a souhaité inscrire rapidement le texte à son ordre du jour. Il faut en remercier les sénateurs, qui prennent à bras-le-corps cette problématique depuis plusieurs années, notamment le président François Patriat et le groupe RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), qui ont inscrit la proposition de loi dans une de leurs niches parlementaires.
Les deux commissions saisies au Sénat, celles des lois et des affaires économiques, ont effectué un travail solide et précieux, qui a permis de sécuriser et de renforcer les dispositions proposées ou, parfois, de rétablir certains équilibres. Je veux saluer les deux rapporteurs de ce texte, Dominique Estrosi-Sassone et André Reichardt, pour leur engagement sur ce sujet et la qualité de leur travail.
Le chapitre Ier de la proposition de loi, vous vous en souvenez, aborde la question des squats, lesquels reviennent régulièrement dans l'actualité et suscitent une forte indignation collective chez nos concitoyens. Ce volet du texte s'est largement enrichi lors de son examen par notre commission, puis au Sénat.
Je me réjouis en particulier que nos collègues aient adopté conforme l'article 1er, qui prévoit le triplement de la peine encourue en cas de squat du domicile : elle sera désormais de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende. C'est une avancée importante, qui avait été précédemment refusée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, dans le cadre de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), et qui émet le signal clair que nous ne tolérons pas ces invasions inacceptables dans l'intimité des personnes.
Au-delà du squat pur du domicile, nous avons adopté en commission, lors de la première lecture, un article 1er A qui, prenant acte de situations se produisant régulièrement, intègre dans le code pénal un nouveau délit relatif au squat de locaux – logements, locaux économiques – qui ne constituent pas des domiciles. Je veux saluer le travail de notre collègue Annie Genevard, qui s'est beaucoup investie sur cette question.
L'article 1er A apporte une réponse indispensable à un vide juridique qu'il était devenu urgent de combler, tant des professionnels du squat multiplient les occupations illégales. Le Sénat a amélioré la rédaction de cet article et a sécurisé l'échelle des peines, en veillant à ce qu'elles soient proportionnées à celles que nous avons adoptées pour l'occupation du domicile. Je vous proposerai de reprendre, sans la modifier, la rédaction adoptée par le Sénat.
Nos collègues sénateurs ont aussi approuvé les dispositions de l'article 1er bis A, qui concerne le délit d'incitation au squat. Je salue le groupe Horizons qui est à l'origine de cet article punissant la publicité et la propagande en faveur du squat, notamment les publications par voie électronique qui pullulent sur internet – quelques exemples en ont été donnés en première lecture.
Les dispositions qui tendent à punir les marchands de sommeil, à l'article 1er bis, et à pérenniser le mécanisme utile de mise à disposition des locaux vacants pour les associations d'insertion et d'hébergement, à l'article 2 ter, ont fait l'objet de modifications qui les renforcent sans les dénaturer. Moyennant quelques ajustements d'ordre légistique, je vous proposerai donc d'adopter ces articles dans la rédaction issue du Sénat.
Quelques dispositions, en revanche, pourraient devoir évoluer encore. Je pense notamment à l'article 2, qui porte sur le dispositif prévu par l'article 38 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « Dalo ». Cet outil, qui permet une expulsion administrative accélérée des squatteurs et que nous avons déjà renforcé dans la loi Asap en 2020, a été clarifié au Sénat et je partage, dans l'ensemble, les orientations choisies. Toutefois, pour sécuriser juridiquement le dispositif, je vous proposerai, en commission et en séance publique, quelques adaptations.
Le deuxième chapitre du texte est relatif à la sécurisation des rapports locatifs. Les dispositions proposées visent à améliorer la rapidité et la fiabilité des processus contentieux, afin de rassurer les petits propriétaires. Dans l'ensemble, les sénateurs ont partagé notre diagnostic et leurs travaux ont conforté les nôtres.
Il en va ainsi pour l'article 5, qui réduit certains délais contentieux, extrêmement longs. Cet article diminue en particulier les délais cumulés qui peuvent être octroyés à un locataire après la résiliation judiciaire du bail : ils passeront de trois ans à un an. Nos collègues du Sénat ont globalement préservé les avancées prévues et il faut s'en réjouir.
Les sénateurs ont souhaité renforcer le texte en ce qui concerne l'accompagnement des locataires en difficulté. Nous avions déjà décidé à l'article 5 – je salue le MoDem qui avait déposé des amendements en ce sens – d'avancer le début du travail de diagnostic social et financier qui permet d'accompagner le locataire dans un litige locatif : ce travail commencera dès la transmission du dossier à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex), en début de procédure.
En ajoutant un chapitre III à la proposition de loi, et plus particulièrement l'article 7, la commission des affaires économiques du Sénat a accentué le suivi réalisé, dans l'intérêt des locataires comme des bailleurs, grâce à un renforcement des compétences des Ccapex et de leur capacité à faciliter une reprise rapide du paiement du loyer. Je vous proposerai d'adopter ce chapitre sans modification.
Je me réjouis de l'ajout de l'article 6, qui renforce l'obligation de l'État d'indemniser les propriétaires qui ne perçoivent plus de revenus locatifs, dès lors que le concours de la force publique ne leur a pas été apporté en vue de récupérer leur logement.
S'agissant de l'article 4, qui concerne les pouvoirs du juge en matière d'octroi de délais de règlement de la dette locative et de suspension de l'effet de la clause de résiliation du bail, je vous proposerai une rédaction susceptible, me semble-t-il, de répondre au souhait d'une évolution qui s'est exprimé au sein des commissions du Sénat sans abandonner l'esprit de responsabilisation qui nous avait inspirés en première lecture.
Dans l'ensemble, après un travail de qualité des deux commissions compétentes, le Sénat a réussi à adopter rapidement un texte enrichi, qui permet une véritable consolidation de la proposition de loi que nous avions votée en première lecture. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter la plupart des dispositions que nous examinons, moyennant quelques modifications ciblées qui ne remettent pas en cause les grandes lignes du texte.
Nous ferons œuvre utile en contribuant à renforcer la lutte contre les squats et les autres occupations illicites, conformément à la mission que nous nous étions fixée lorsque nous avons commencé à examiner ce texte du groupe Renaissance il y a quelques mois.