Comment ne pas être sensible au problème soulevé par ce texte ? Le droit de se déplacer est fondamental : c'est la condition sine qua non de l'insertion professionnelle, et c'est aussi un moyen incontournable pour créer du lien. La mobilité n'est pas un choix, mais une nécessité. On ne le sait que trop bien en France : l'égalité d'accès à ce droit n'est pas garantie. Trop de territoires éloignés des métropoles ne sont pas desservis par les transports publics. La voiture individuelle y est donc la seule option, et le permis de conduire constitue un passage obligé. Cette situation n'est pas le produit du hasard, elle résulte de choix de société absurdes. L'aménagement du territoire est structuré autour de la voiture, et ce n'est certainement pas le budget pour 2023 qui nous permet de changer de logiciel. La dépendance à la voiture individuelle n'est pas seulement un problème écologique : cela rend aussi vulnérables des millions de ménages dans le budget desquels l'automobile pèse lourd – coût du permis de conduire, achat du véhicule, frais d'assurance, réparations, dépenses imprévues, et je ne parle même pas du prix de l'essence.
Vous vous proposez, monsieur le rapporteur, d'améliorer l'accès de la jeunesse au permis de conduire. C'est un objectif que nous partageons, même si nous défendons un autre modèle de développement à terme. Votre texte va, à première vue, dans le bon sens mais, sous le capot, le moteur tousse un peu, si je puis dire.
D'abord, la proposition de loi manque d'ambition. Elle se borne à organiser le recensement des aides financières existantes, au moyen d'une plateforme numérique nationale. Cela ne permettra pas de compléter l'offre de financement. À l'heure actuelle, seuls 20 % des permis sont subventionnés, ce qui est très insuffisant. Le coût élevé du permis arrive en tête des raisons invoquées par les jeunes pour expliquer pourquoi ils n'en sont pas détenteurs. Cela étant, la mesure proposée n'est pas inutile. Sous réserve de quelques ajustements, mon groupe la soutiendra.
Par ailleurs, ce texte n'apporte une solution qu'à ceux qui ont déjà commencé à travailler. Vous élargissez les possibilités d'utilisation du CPF à toutes les catégories de permis, mais vous ne ciblez pas les plus jeunes, ceux qui souhaitent accéder à un premier emploi. C'est tout de même un problème de taille. Néanmoins, votre mesure va dans le bon sens, et nous la voterons aussi.
S'agissant de l'article 3, en revanche, nous ne pourrons pas vous suivre. La réduction des délais de passage de l'examen du permis de conduire est un objectif que nous partageons, mais il ne doit pas servir de prétexte à la disparition du métier d'inspecteur. Les inspecteurs sont des agents de catégorie B. Recrutés par concours, ils bénéficient à l'issue de leur admission d'une formation exigeante. Leur remplacement par des agents publics ou contractuels doit répondre à une stricte nécessité, d'autant qu'ils sont moins bien formés. Le droit actuel prévoit une dérogation dans les départements où le délai entre deux présentations d'un même candidat à l'examen est supérieur à quarante-cinq jours. En supprimant cette condition, vous choisissez de banaliser ce qui est dérogatoire. C'est une ligne rouge pour le groupe Écologiste, mais nous restons disponibles pour travailler sur un mécanisme plus équilibré.