Le texte soumis à notre examen s'articule autour de quatre articles, dont un constitue le gage. L'article 1er crée une plateforme nationale regroupant les aides auxquelles peuvent accéder les jeunes pour le financement de leur permis. L'article 2 étend à toutes les catégories de permis le financement par le CPF. L'article 3 assouplit le recours à des agents publics ou contractuels pour pallier le manque d'IPCRS.
Nous partageons évidemment la volonté de faciliter le passage et l'obtention du permis de conduire, la voiture restant le mode de transport privilégié des Français : un sur deux l'utilise au quotidien pour son usage professionnel ou personnel. Néanmoins, le recours à la voiture individuelle résulte également d'un manque cruel d'ambition en matière de transports publics, au niveau tant national que régional et local.
Nous partageons également le constat que l'absence de permis de conduire de catégorie B constitue un frein à la mobilité professionnelle, mais le coût du permis est discriminatoire. De plus, l'ubérisation du passage de l'examen à travers les plateformes en ligne renforce les inégalités d'accès. Ces pratiques se révèlent non seulement délétères pour la sécurité routière mais elles fragilisent aussi le statut des enseignants.
Nous déplorons l'insuffisance des solutions proposées. De simples mesurettes ne résoudront ni les inégalités financières en matière d'accès au permis ni la fracture entre ruraux et citadins. Vous prétendez que des dispositions ont déjà été prises – investissements dans les transports en commun, plan de vigilance contre le sexisme, recrutement d'agents, etc. – mais elles s'adressent en majorité aux populations urbaines, qui sont celles qui ont le moins recours au véhicule individuel. En parallèle, depuis 2017, vous vous êtes attelés avec méthode au démantèlement du service public dans les zones rurales. Le dernier grand plan de la SNCF, en plus d'ouvrir les lignes à grande vitesse à la concurrence, a entériné la suppression de nombreuses lignes de TER utilisées pour les trajets quotidiens entre la maison et le lieu de travail. C'est incompréhensible, surtout vu le contexte de transition écologique, où chacun est invité à privilégier les transports les moins polluants.
Le programme « 1 jeune, 1 solution », dont vous vous inspirez pour l'article 1er, a été dénoncé par tous les acteurs associatifs comme étant un dispositif inefficace, voire contre-productif, qui marque une forme de renoncement dans l'accompagnement des jeunes vers la formation et l'emploi. Pourtant, vous voulez réitérer l'expérience avec le permis de conduire !
Quant à l'article 2, dans les faits, un nombre très réduit de permis sont finançables par le CPF faute d'harmonisation entre les structures privées. Vous vous contentez d'étendre un dispositif peu utile qui participe d'une bureaucratie kafkaïenne.
Enfin, l'article 3 poursuit la logique de précarisation des inspecteurs sans donner de réels moyens pour augmenter le nombre des places à l'examen du permis de conduire.
Vous dites que le coût du permis de conduire est un frein à l'émancipation des jeunes. Nous sommes d'accord : passer le permis de conduire coûte trop cher, il n'est pas accessible à toutes et à tous alors que sa détention, en plus d'être source d'émancipation, est souvent un prérequis pour obtenir un emploi. Pourtant, aucune des dispositions proposées n'a pour ambition de réduire effectivement son coût. Ce texte relève en réalité de la communication et de l'affichage. Alors que la jeunesse va dans la rue pour exprimer son mécontentement face à l'avenir que vous lui offrez, vous lui jetez des miettes pour qu'elle détourne la tête. Vous modifiez substantiellement des dispositifs existants sans leur donner plus de poids. Nous considérons que cette proposition de loi est bien trop légère au regard des enjeux qu'elle soulève.