Intervention de Jean-Yves Frouin

Réunion du jeudi 9 mars 2023 à 14h40
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Jean-Yves Frouin, auteur d'un rapport remis au Premier ministre le 1er décembre 2020 et intitulé « Réguler les plateformes numériques de travail » :

La mission partait d'une hypothèse de travail, prévue par la loi, selon laquelle ces travailleurs sont des travailleurs indépendants ; mais également de la volonté des pouvoirs publics de préserver le statut de travailleur indépendant. En effet, même après l'élargissement de ma mission, les pouvoirs publics voulaient toujours, dans la mesure du possible, préserver ce statut de travailleur indépendant.

À la suite de l'arrêt Uber, je me suis dit que cela ne serait pas possible compte tenu des termes dudit arrêt, qui sont transposables à d'autres cas de figure. Cependant, le temps ayant passé, les pouvoirs publics se sont dit qu'après tout, puisque la loi d'orientation des mobilités leur en faisait l'obligation, il fallait conserver la ligne initiale de la mission. Ils souhaitaient donc mettre en place ce dialogue, dont il était attendu un rééquilibrage des relations contractuelles dans le cadre de la préservation d'un statut de travailleur indépendant pour les travailleurs de plateformes.

J'ignore ce que décidera la Cour de cassation dans les mois à venir mais dans un arrêt rendu le 13 avril 2022, elle a écarté la décision de la Cour d'appel qui avait requalifié le contrat d'un chauffeur en contrat de travail. L'arrêt de la cour d'appel de Paris s'était calé sur les critères posés dans l'arrêt Uber et, pour autant, la Cour de cassation n'a pas confirmé le raisonnement de la cour d'appel pour « défaut de base légale », comme on dit dans le jargon de la Cour de cassation. Certes, cela signifie que la décision n'est pas jugée définitivement mais elle a néanmoins cassé l'arrêt de la cour d'appel qui avait requalifié le contrat du chauffeur en contrat de travail.

Par conséquent, il n'est pas impossible que la modification par les plateformes des contrats qu'elles proposent aux travailleurs aboutisse déjà à une forme de rééquilibrage. Ce rééquilibrage pourrait être complété par le dialogue social, de telle sorte que, à échéance indéterminée, la Cour de cassation ne requalifierait peut-être plus systématiquement en contrats de travail les contrats des travailleurs des plateformes.

Je perçois donc une forme d'évolution, sachant que par ailleurs, la directive de l'Union européenne fait débat aujourd'hui, sans que l'on ne connaisse pour autant le sort définitif qui lui sera réservé.

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