Intervention de Stéphane Chevet

Réunion du jeudi 9 mars 2023 à 9h30
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Stéphane Chevet, ancien président de l'Union-Indépendants :

Votre dernière question porte en elle tout le sujet. Si vous achetez du café, vous pouvez choisir entre une marque de distributeur, un produit « marketé » en utilisant un célèbre acteur américain, un produit écoresponsable, etc. En l'occurrence, le consommateur fait le choix d'un prix mais aussi d'une certaine vision de la société. J'ai participé il y a quelque temps à une conférence à Sciences Po au sujet des livreurs à vélo. Les étudiants ont naturellement commencé par dénoncer le modèle social de la livraison à vélo. Je leur ai demandé qui utilisait les plateformes de livraison à domicile. Il est apparu qu'une majorité des étudiants utilisaient ces plateformes. Notre objectif n'est donc pas de transformer la société mais de faire en sorte que les acteurs économiques en présence, et notamment ces travailleurs indépendants, aient toute leur place et soient justement rémunérés. Nous n'avons pas à opérer des choix de société, que nous n'aurions de toute façon pas les moyens d'imposer. De la même manière, alors que de nombreuses personnes ont une certaine vision des conditions de travail chez Amazon mais ne se privent pas d'en utiliser les services. La question est donc de savoir si la personne qui décide d'être indépendante fait un vrai choix. Livreur à vélo : est-ce un métier, ou plutôt un « job » complémentaire, comme tendent à le démontrer les chiffres publiés par l'IGAS ? Les travailleurs sont-ils informés sur leurs droits, les risques qu'ils courent, y compris au niveau des cotisations retraite, etc. ? En théorie, l'activité d'un indépendant est régie par des contrats commerciaux mais, dans la réalité, cette source est secondaire par rapport aux conditions générales d'utilisation. Or ces conditions générales d'utilisation peuvent évoluer à tout moment sans aucune négociation et celui qui les refuse n'a alors plus aucun accès à la plateforme. La question du contrat commercial est donc importante.

À l'Union-Indépendants, nous ne nous sommes pas posés la question de savoir si nous relevions d'un syndicat de travailleurs ou de « patrons ». Nous avons simplement constaté que des personnes dans certains métiers (graphisme, santé, etc.) glissaient vers un statut d'indépendant sans avoir personne pour les représenter. Nous nous sommes alors tournés vers elles et avons créé une association en lien avec la CFDT et avec l'Union des autoentrepreneurs. L'idée était de réunir les compétences des uns et des autres pour porter la voix de travailleurs isolés voire malmenés. Il y a aussi parmi nos adhérents, en dehors des professions de livreurs et de VTC, des personnes gagnant très bien leur vie mais rencontrant divers problèmes quant à la réglementation de leur activité, la protection de leurs créations, etc.

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