Il ne nous revient pas d'interpréter la loi. Cependant, celle-ci est assez claire. Les travaux en cours au niveau du Parlement européen préciseront aussi un certain nombre de choses. Aujourd'hui, nous nous trouvons clairement dans une sorte de disruption ou de transformation du modèle du travail. Pour les populations les moins employables, le statut de salarié est indéniablement une protection. Pour les professionnels du savoir ou les personnes proposant une prestation de sécurité numérique, la capacité à négocier sur le marché – qui de surcroît est en tension – est tout autre que celle d'un livreur à vélo en situation sociale précaire. Au-delà des questions de statuts, il faut analyser les marchés dans lesquels s'opère l'intermédiation.
Il existe des plateformes de livraison qui sont socialement responsables. L'association d'étudiants Memup – Mouvement des étudiants micro-entrepreneurs utilisateurs de plateformes – adhérente à l'Union-Indépendants, a pris par exemple des engagements sur un tarif minimal et d'autres points. Si livreur à vélo est une profession, il est clair que le modèle économique actuel n'est pas soutenable. Le facteur à vélo est soutenu par une structure – La Poste – et ce modèle inclut une aide de l'État. Le modèle des plateformes de livraison n'est pas rentable aujourd'hui mais pourtant Uber et d'autres plateformes persistent et sont des entreprises qui recherchent la rentabilité. Comment ? A travers la collecte et l'utilisation de la donnée (data) qu'elles récupèrent au détriment des travailleurs « intermédiés ». Ce sujet doit être creusé par le législateur. Les indépendants n'ont pas accès aux données du client. Pourtant, un utilisateur qui commande une pizza le soir d'un match de football sur une plateforme recevra vraisemblablement une publicité pour des pizzas chaque soir de match. Or cela démontre qu'il y a bien une gestion des données, qui sont valorisées : un tel ciblage publicitaire n'est pas possible sans collecte de données et sans acte de livraison, à un moment ou un autre, d'un livreur qui sonne physiquement à la porte du client. Il y a donc une création de valeur et il faut un partage de la richesse. Ce débat est généralement évoqué pour les salariés mais il concerne aussi les indépendants, raison pour laquelle nous interpellons systématiquement les plateformes d'intermédiation. Cela est d'autant plus important que dans le secteur de la mobilité, les plateformes ne font pas que de l'intermédiation – contrairement à d'autres plateformes dans d'autres secteurs (graphiste, etc ) – mais gère l'ensemble de la relation client du début jusqu'à la fin et captent ainsi l'ensemble de la valeur. Cette question du partage de la richesse entre les plateformes et les travailleurs est donc essentielle.
Pour ce qui est de la fiscalité, nous avons travaillé avec le ministre Griset sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) qui introduit une distorsion la concurrence en défaveur des VTC par rapport aux taxis. Les taxis ont droit au remboursement de la TICPE contrairement aux VTC. Nous n'avons pas été écoutés sur ce sujet car nous n'avions pas de poids suffisant pour mettre ce sujet en avant. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui, l'outil du dialogue sectoriel est le seul à notre disposition pour pouvoir peser sur les plateformes. En effet, à partir de 30 % de signataires, un accord peut être réputé valide.