Je dénote une certaine hypocrisie dans le cas des livreurs en situation irrégulière ayant travaillé pour différentes plateformes puisque ces dernières connaissaient très bien l'irrégularité de leur situation. Or elles s'en sont accommodées pendant le confinement comme tout le monde. La police elle-même ne contrôlait pas les livreurs, selon une forme d'accord tacite. Puis, à la suite de la signature de la charte des plateformes, une déconnexion en masse a eu lieu. Chez Frichti cependant, les premières grèves ont eu lieu pendant les premiers confinements avant de s'étendre. Cette mobilisation, que j'ai soutenue, a été massive. Il y a une vraie réflexion à avoir : soit nous pouvons modifier la circulaire Valls pour qu'elle prenne en compte la nature de la relation commerciale du livreur et de la plateforme – et à ce titre, nous obtenons une régularisation par le travail donnant accès aux droits et brisant le dumping social ; soit nous requalifions les livreurs en salariés, lesquels deviendront éligibles à la circulaire Valls de ce fait.
La prochaine loi « asile et immigration » devra trancher ces sujets. Si nous maintenons le critère du métier en tension, il n'est pas sûr que la livraison soit couverte. Un des articles actuels du projet de loi « asile et immigration » interdisant la création d'autoentreprises pour les personnes en situation irrégulière les empêchera de tenter de s'en sortir par leur travail. Elles seront, de fait, plongées dans une situation de précarité absolue. Pendant deux ans, ces personnes ont pris tous les risques, se sont exposées pour livrer les particuliers mais aussi les hôpitaux et d'autres secteurs. La collectivité leur doit une régularisation administrative du fait du travail fourni, qui n'est pas contestable.
L'Union-Indépendants est-elle amenée à aider des travailleurs « intermédiés » autres que les VTC et livreurs ? De nombreux métiers sont l'objet d'une ubérisation – les guides-conférenciers, les aides à domicile, les agents de nettoyage, etc –. Pour moi, il n'y a pas à avoir de débat entre salariat et indépendance. En revanche, il faut savoir si les indépendants utilisant une plateforme restent réellement indépendants. Par exemple, un médecin utilisant Doctolib reste maître de sa relation avec sa patientèle : il est indépendant. La relation clients et le suivi des tarifs sont des critères clés. Se pose aussi la question du partage des données. Quel est l'accès du travailleur aux données clients ? J'aimerais aussi avoir votre avis sur les questions de fiscalité. Les indépendants paient la TVA, y compris sur la commission perçue par les plateformes.