Je me suis demandé, en vous écoutant, si vous m'aviez vous-même entendu. J'ai essayé de vous convaincre, en m'appuyant sur des faits, que nous n'avions perdu aucune capacité. Vous me parlez de la centrale de Saint-Avold qui rouvrirait parce que nous avons fermé Fessenheim : ce n'est pas la raison de cette réouverture. Je vous ai expliqué que 130 térawattheures n'avaient pas été produits, pour une série de raisons que je ne vais pas répéter ; Fessenheim représentait 10 térawattheures ; et vous me dites « c'est terrible, on rouvre Saint-Avold » – vos électeurs seront ravis d'apprendre que vous voulez la fermer le plus rapidement possible, ce que je pense également nécessaire… Je ne vais pas reprendre tous mes arguments. Nous n'avons perdu aucun térawattheure au cours de ma présidence. Nous avons fait en sorte de garder le parc tel qu'il était, tout en le renouvelant, l'améliorant, le modernisant.
Quant aux 50 %, j'ai essayé de l'expliquer, je ne veux pas accabler l'accord entre Verts et PS, puisque je ne l'ai pas repris – il va donc falloir, à un moment, que vous arrêtiez de l'invoquer. Les 50 %, je les avais affichés moi-même avant l'accord, au lendemain de Fukushima, non pour dire qu'ils allaient être atteints tout de suite, mais dans l'optique de se laisser du temps ; j'avais évoqué 2025, sachant que cet horizon pouvait être repoussé. Quant au reste de l'accord, je n'ai jamais repris les vingt-quatre centrales ni comme candidat, ni, surtout, comme Président. On peut toujours continuer d'alimenter ce fantasme, mais vous devriez vous en débarrasser assez rapidement, car les fantasmes ne conduisent généralement pas à de bonnes actions.
Y a-t-il eu une étude d'impact des 50 % ? Vous n'êtes pas le seul à soulever cette question. Il est difficile de procéder à des études d'impact quand on est dans l'opposition – et même au Gouvernement : sans tomber dans la polémique, quand M. Emmanuel Macron, comme il en avait bien le droit, a annoncé la retraite à 65 ans, il n'avait pas fait faire d'étude d'impact ; sinon, il en aurait peut-être mesuré les effets… Dans l'opposition, faute de disposer de tous les éléments nécessaires, on peut et on doit travailler avec tous les experts qui peuvent nous fournir des informations, et c'est ce que nous avons fait. J'ai retenu tout ce qui m'était dit, dans l'idée de fixer un objectif politique – car c'est bien de cela qu'il s'agissait.
Comment cet objectif politique se traduisait-il dans la réalité ? En espérant faire monter les renouvelables, en espérant que la consommation électrique allait augmenter pour nous permettre de réduire la part du nucléaire et en pratiquant la sobriété énergétique. C'étaient nos objectifs et je m'y suis tenu.
Ai-je reporté sur mon successeur la fermeture de Fessenheim ? Il l'a reprise, mais elle était suffisamment engagée et j'en accepte tout à fait la responsabilité. Il a voulu ensuite annoncer lui-même qu'il pouvait fermer d'autres centrales, ce qui pouvait se concevoir dans une logique de renouvellement du parc. Dans un contexte différent, marqué par la guerre en Ukraine, il a été décidé – je pense que c'est juste – de lancer un programme de construction d'EPR 2 dans une série, ce que je crois préférable ; ils vont se substituer progressivement aux centrales actuelles – certaines seront maintenues, mais d'autres supprimées.
J'en viens à General Electric, qui était une entreprise, non pas inconnue en France, ni extérieure, malgré ses capitaux américains, mais qui avait des emplois chez nous, qui travaillait avec notre pays, depuis longtemps, et notamment sur la question du nucléaire, avec nos ingénieurs. Ce n'étaient pas des personnes que nous ne voulions pas rencontrer. General Electric a été présenté par le groupe Alstom, propriétaire de l'entreprise du même nom, et on sentait bien que c'était à General Electric qu'allait sa préférence. J'ai fait étudier une seconde option, celle de Siemens, qui – je l'ai dit – ne nous rassurait pas, car l'entreprise n'avait pas nécessairement les compétences que nous souhaitions en matière de nucléaire et voulait absorber tout le groupe Alstom. Nous avons donc préféré General Electric. Il s'est trouvé que l'entreprise, qui était plutôt en bonne santé quand elle s'est présentée à nous, a connu une défaillance ensuite.
S'agissant des emplois, nous avions fixé une règle : si les 1 000 emplois n'étaient pas créés, une sanction financière s'appliquerait. Cela a d'ailleurs été le cas.
Vous me parlez d'espionnage ; très franchement, qu'il y ait eu aux États-Unis une tentative d'intimidation, c'est tout à fait possible, mais – il faut être absolument clair sur ce point – je ne suis pas entré dans je ne sais quelle négociation, discussion ou je ne sais quel échange d'informations avec eux. Je le dis puisque je suis devant une commission d'enquête : dans ces affaires, je n'ai reçu aucun appel, ni, pour General Electric, de M. Barack Obama, ni, pour Siemens, de Mme Merkel. Nous n'avons donc pas pris notre décision sous l'influence de qui que ce soit. Nous l'avons prise en fonction de ce que nous croyions – que l'on peut croire encore – l'intérêt d'Alstom. Cela s'est passé dans un certain contexte, et le contexte a changé. Il est bon que l'on ait pu reprendre ce que l'on avait cédé et qui n'aurait peut-être pas dû l'être si on avait pris une autre direction.
La seule autre option, qui a d'ailleurs été regardée, était la nationalisation pure et simple d'Alstom. M. Arnaud Montebourg a dû vous le dire, cela fait partie des clauses que nous avions introduites en cas de défaillance. Il fallait avoir les moyens de le faire ; nous les avions. Mais si, chaque fois qu'un problème se pose avec une entreprise, il faut la nationaliser, on va retrouver un secteur public assez fort, et je ne sais pas si vous êtes tenant de ce type d'économie…