J'invite la commission, son président, son rapporteur, à se procurer les documents de l'époque. Si le gouvernement ne souhaitait pas vous les fournir, vous pourriez les obtenir en allant les chercher vous-mêmes selon la règle pour les commissions d'enquête parlementaires, mais je pense qu'il ne serait pas besoin d'aller jusque-là.
Il s'agit d'une négociation entre le gouvernement français et la Commission européenne qui date de 1999. C'est la loi sur l'ouverture à la concurrence pour les clients entreprises puis pour les clients particuliers en 2007. On peut considérer que la concurrence n'apporte jamais rien de bon. Telle n'est pas l'orientation qui a été prise par l'Union européenne.
Je l'ai vécu en tant que ministre, on se rend à des conseils européens à vingt-sept, on négocie. Rien ne se fait jamais facilement, car il y a beaucoup de points de vue et d'intérêts différents, ce qui est normal. On construit donc des compromis.
À une époque, sous le gouvernement de M. Lionel Jospin, il y a eu acceptation d'un marché européen avec de la concurrence. Il importe de se souvenir qu'à une époque, en France, non seulement le consommateur ne pouvait pas choisir son fournisseur d'électricité, à quelques exceptions près, dont l'Alsace, mais de plus, il existait un monopole de la production. Si vous aviez développé une capacité à produire de l'électricité, vous étiez obligé de vendre l'électricité que vous produisiez à EDF. Était-ce bien ? Pourquoi, en France, a-t-on pris tant de retard dans le développement des énergies renouvelables, non pas par rapport à des objectifs chiffrés, mais par rapport à d'autres pays qui ne sont pas passés à côté ? En France, nous avons des filières industrielles, des usines qui produisent des éoliennes.
À un moment, le gouvernement français a donc accepté, dans le cadre d'un compromis européen, l'ouverture à la concurrence. Or, si vous effectuiez l'ouverture à la concurrence en France avec un acteur qui possédait tous les moyens de production, à quelques très rares exceptions près, et que vous attendiez par des investissements d'entreprises dans différents secteurs d'avoir de la concurrence sur la production, vous risquiez d'attendre longtemps. Ce n'était pas de la vraie concurrence : vous aviez le choix entre EDF et EDF, ou des étrangers qui auraient fait venir de l'électricité d'autres pays. Aucun autre opérateur ne serait mis à construire des centrales nucléaires. Par ailleurs, ce ne serait pas souhaitable. D'autres pays, comme l'Allemagne, disposaient de plusieurs entreprises gérant des centrales nucléaires. Imaginez si l'on avait découpé EDF en morceaux à l'époque : personne ne l'aurait souhaité, surtout pas les syndicats.
Le choix a donc été effectué de garder l'unicité d'EDF. Un compromis a été fait selon lequel une part du volume de production devait être mis à disposition des concurrents à un prix devant couvrir les coûts de production d'EDF. Mais comme à l'époque, EDF déclarait que ses coûts de production étaient très bas, elle s'est retrouvée prise à son propre piège, avec un prix à 42 euros qui, objectivement, n'était pas suffisant dans le temps. Il s'agit de 100 térawattheures sur une production nucléaire de 350 en moyenne, pendant 20 ou 30 ans, mais en tout cas depuis la période où l'Arenh a été signée c'est-à-dire depuis à peine 12 ans. Cela correspond à peine à un tiers. Cela a été relevé à 120 au début de l'année 2022. Je pense qu'il s'agissait là de quelque chose d'équilibré, de gagnant/gagnant, par rapport aux opérateurs, mais surtout par rapport aux consommateurs. Je rencontre des entreprises, des hôteliers, des restaurateurs, des boulangers à qui EDF propose actuellement des contrats avec des prix supérieurs à 500 euros.
Ce n'est pas l'Arenh qui est responsable des coûts de production d'EDF. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Il faut que l'on arrête de raconter n'importe quoi. Des responsables politiques ou des syndicalistes, non contredits par les journalistes qui ne peuvent pas connaitre la complexité de l'Arenh, déclarent que l'on oblige EDF à vendre toute sa production à des étrangers, des groupes privés. On est tout de même bien content quand il s'agit d'entreprises florissantes.
La programmation pluriannuelle de l'énergie aurait été plus facile à gérer si EDF faisait des bénéfices tous les ans, plutôt que de devoir vendre les investissements réalisés par le passé à l'étranger pour équilibrer les comptes. Cela s'appelle « vendre les bijoux de famille ».
On tombe toujours sur Total « à bras raccourcis », mais il est tout de même préférable d'avoir des entreprises florissantes que des entreprises en difficultés financières. C'est mieux pour l'économie générale du pays comme pour les salariés de l'entreprise concernée. Les salariés d'EDF seraient peut-être un peu moins inquiets quant à leur avenir et avec leurs syndicats, un peu moins crispés sur un certain nombre de sujets s'ils avaient des perspectives d'avenir florissantes ; s'ils pouvaient se dire : l'Arenh va s'arrêter en 2025, on se déploie, on démontre que l'on est capables de produire de l'électricité de façon compétitive, et on convaincra les Français d'acheter de l'électricité à EDF, mais aussi d'autres pays d'Europe. EDF a vocation à être un leader énergétique en Europe.
Je crois que le sujet de l'Arenh finira assez vite par apparaitre pour ce que c'est, à savoir l'arbre qui a un peu de mal à cacher la forêt des autres problèmes.