Le projet Hercule est mort. Cela dit, il est intéressant de l'évoquer, car cela a un lien très étroit avec le sujet de votre commission.
Je pense qu'il est utile de rappeler quelques éléments qui ont peu été explicités aux Français parce qu'il s'agissait de fait d'un sujet entre le gouvernement, EDF et les syndicats au sein d'EDF. Le projet Hercule a été envisagé pour une raison dans le fond assez simple et aisée à comprendre.
D'une part, c'était une façon d'une part de remettre le parc nucléaire dans une société 100 % publique. Depuis, cela a été fait sous une autre forme, mais c'était déjà l'ambition du projet Hercule et, je peux le dire sans risque d'être démenti, l'ambition de M. Emmanuel Macron. Il m'en avait parlé avant que de me nommer ministre et que j'accepte d'être nommé ministre.
D'autre part, il s'agissait de financer le nouveau nucléaire. Il ne faut pas « tourner autour du pot ». C'était une façon de mettre la partie nucléaire à « l'abri » des risques de la cotation boursière. Je ne sais pas si vous avez auditionné M. Clamadieu, président d'Engie, mais je crois que vous avez auditionné la directrice générale. J'ignore s'ils vous l'ont indiqué, mais Engie a souffert et souffre beaucoup d'avoir un petit parc nucléaire et d'avoir un parc nucléaire en Belgique. Chaque fois que quelque chose de délicat se présente, soit du point de vue de la sûreté, soit du point de vue de décisions, cela le fragilise inutilement.
Par ailleurs, cela était financé par un montage un peu compliqué. Il ne venait ni de moi ni du ministre de l'économie. Ce dernier s'est exprimé à plusieurs reprises avant même que le projet soit abandonné pour faire comprendre qu'il n'y était pas très favorable. En l'occurrence, il était question de la vente d'un certain nombre d'actions d'une entité dans laquelle il y aurait eu Enedis et les énergies renouvelables, ce qui était un peu baroque à mon sens, pour financer le nouveau nucléaire.
Il s'agit vraiment de mon point de vue, je n'y ai pas du tout travaillé quand j'étais ministre, le projet Hercule étant à l'époque l'orientation, mais je pense qu'il serait plus sain d'aller au bout de la séparation de la production, du transport et de la distribution. Ce ne sont pas les mêmes métiers ni les mêmes exigences. RTE et Enedis font vivre un réseau qui doit absolument être national et qui est à la disposition de tous les producteurs, du plus petit qui pose des panneaux solaires sur son toit au plus gros qui installe des éoliennes en mer. Je plaiderais pour que ce soit des entités publiques, non cotées en bourse, et pour le fait d'avoir une entité pour la production, EDF, qui bénéficie à plein des éventuelles synergies entre les différents modes de production.
D'autres entreprises – il y en a déjà – Engie, Total, éventuellement de plus petite taille comme Enercoop, continueront à produire de l'électricité en France, investiront davantage dans les années à venir dans de nouveaux moyens de production. Un élément que l'on a complètement oublié est qu'à une époque, Total avait envisagé d'investir dans le nucléaire. D'ailleurs, le pouvoir politique, notamment le Président Sarkozy, le souhaitait et que le groupe Bouygues s'investisse dans le nucléaire. Le groupe Bouygues avait d'ailleurs été appelé à la rescousse par rapport à Areva. Ces groupes privés ont finalement opéré le choix stratégique de ne pas le faire, parce que c'est compliqué, risqué, y compris économiquement. Par conséquent, de fait, c'est EDF qui, en France, le fait et le fera.