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Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 20h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

François de Rugy, ancien président de l'Assemblée nationale, ancien ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

J'allais le dire. J'espère que les citoyens français qui partagent vos options politiques ou qui se trouvent dans votre territoire sont bien conscients du travail que vous menez sur ce sujet, car il est acharné et de longue haleine. Même si je ne partage pas totalement votre analyse ni vos conclusions, je dois saluer cette continuité dans l'engagement et l'expertise que vous avez développée.

Je vais tout d'abord formuler une remarque générale. Il est vrai que ce secteur est un peu oublié en France, parce que cela fait partie du paysage. Cela fonctionne, cela produit de l'électricité, cela sert à l'équilibrage de notre réseau, y compris au fonctionnement des centrales nucléaires avec un élément sur le refroidissement en été. Cela ne constitue donc pas tellement un sujet quand on parle de l'avenir, des investissements à réaliser, des choix. C'est un peu dommage, car c'est un secteur intéressant, qui présente un potentiel, qui n'est pas énorme dans la mesure où il s'agit en effet d'améliorer la production, mais sur les installations existantes. En général, on considère dans les hypothèses les plus optimistes qu'il s'agit de 10 à 15 %.

Quand j'étais ministre, j'avais proposé au gouvernement d'avoir une négociation globale avec la Commission européenne, sur l'Arenh – je souhaitais relever le prix – le projet Hercule, et la question des barrages. Je n'ai pas été suivi. Dont acte. On n'est pas toujours suivi. On peut toujours continuer à agir en segmentant les choses. Je constate que cela n'a pas abouti sur Hercule, sur l'Arenh à la marge, et sur les barrages, c'est le statuquo.

Le Président de la République et ses différents gouvernements se sont toujours engagés pour défendre le fait que pour l'instant, il n'y avait pas de remise en concurrence à la fin des concessions des barrages hydroélectriques français.

Point de désaccord que nous avons avec Mme Battistel, ce n'est pas d'abord et avant tout une obligation européenne. C'est d'abord et avant tout le droit des concessions. Le principe d'une concession est qu'elle est accordée pour une certaine durée. Par exemple, lorsque les élus locaux font une concession pour un parking, ils la font pour 25, 30 ans. De même, pour une station d'épuration, ils la font pour 15, 20 ou 25 ans. À un moment donné, la collectivité remet en jeu la concession ; soit elle reprend la gestion en propre, soit elle la confie à un opérateur, le même ou un autre.

La France a d'ailleurs inventé le droit de la concession. Il faut en être fier, car c'est ce qui permet de financer, par des investissements privés, des équipements d'intérêt général qui restent dans le domaine public.

Dans le même temps où les gouvernements successifs, y compris celui auquel j'ai appartenu, ont résisté à l'application de la loi française et européenne sur le droit des concessions, EDF a acheté un barrage dans d'autres pays. Il ne s'agissait pas de concession, mais de l'achat de l'infrastructure. Ceci est peut-être quelque peu technique, mais il est tout de même aisé de comprendre que dans un cas, on vous confie l'exploitation d'un équipement pendant x années – généralement une longue durée pour amortir des investissements et produire de l'électricité – et dans un autre cas, on vous vend l'équipement. En France, il n'a jamais été question de privatiser les barrages, contrairement à ce qu'indiquent certains syndicalistes ou responsables politiques de gauche. Il a toujours été question de savoir si l'on remettait en concurrence la concession des barrages ou non.

Ensuite, à un moment donné, un choix doit être fait, ce que vous savez fort bien, madame Battistel, nous en avons discuté quand j'étais ministre.

Soit, sur un certain nombre de barrages, on ne veut plus jamais faire de remise en concurrence à l'échéance des concessions et on place les barrages dans une société publique (régie) d'État, séparée d'EDF. EDF ne pourrait plus jouer de la synergie, de la complémentarité entre l'exploitation des barrages et le reste de ses outils de production, notamment les centrales nucléaires. Je pense que ce ne serait pas dans l'intérêt d'EDF ni dans celui du système électrique français.

Si l'on ne veut pas séparer totalement les barrages du reste, il vaudrait mieux que les concessions soient renouvelées « au fil de l'eau ». EDF pourrait concourir. Le gouvernement comme les gouvernements précédents ont toujours été sur la position selon laquelle EDF pouvait concourir, alors qu'elle est en situation dominante sur les barrages. Je rappelle que la France compte d'autres acteurs : la Compagnie nationale du Rhône et la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM). On ne parle donc pas que d'éventuels investisseurs étrangers ou d'autres groupes privés.

Pour l'instant, c'est le statuquo. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il présente un immense inconvénient : il empêche de lancer les investissements. C'est tout à fait dommageable. Je pense que le Parlement devrait se saisir de ce sujet dans les prochaines lois sur l'énergie pour qu'une option soit prise : soit tout est placé dans une société publique séparée d'EDF, soit un renouvellement normal est effectué au fil de l'eau selon le droit de la concession.

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