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Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 20h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

François de Rugy, ancien président de l'Assemblée nationale, ancien ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Quand j'étais ministre, mon agenda en ferait foi, c'est avec le président d'EDF que j'ai passé le plus de temps par rapport à toutes les entreprises relevant du secteur de mon ministère. Celui-ci était pourtant était bien plus vaste et allait bien au-delà non seulement de l'énergie, mais en particulier de l'électricité et d'EDF. Cela me paraissait normal. C'est une grande entreprise qui assure l'essentiel de la production d'électricité en France.

Par ailleurs, c'est une grande entreprise en difficulté depuis de très nombreuses années. Lors de vos auditions, un ancien PDG d'EDF, M. Gadonneix, a indiqué que quand il était arrivé en 2004, il était assez inquiet – peut-être réécrit-il l'histoire, mais je prends tout de même ses propos comme sérieux – de constater que l'entreprise n'investissait quasiment plus, ni pour développer des capacités de production ni pour l'entretien, la maintenance, la rénovation. Par ailleurs, il indique qu'il se posait déjà un problème d'équilibre entre les coûts et les recettes. Cela était dû selon lui au fait que les prix de l'électricité auraient été baissés par le pouvoir politique au cours des années précédentes ; je vous laisse le soin de vérifier cela. Il rappelle également que quand il était président – j'étais alors député – il mentionne dans la presse son souhait que les prix de l'électricité augmentent de 20 % en quatre ans et qu'à l'époque, cette demande lui a coûté le renouvellement de son poste en 2009. Cela a conduit à énormément de polémiques politiques. Aujourd'hui, 20 % en quatre ans paraissent peu par rapport aux hausses de prix que nous subissons.

Le pouvoir politique doit avoir le dernier mot. Cela ne plaît peut-être pas à certains syndicats, habitués à tout gérer dans une grande maison, qui est par ailleurs une grande maison très opaque, qui comporte des statuts très particuliers. En plus du statut des industries électriques et gazières qui s'applique à tous les industriels du secteur, il y a le statut d'EDF. Un syndicaliste d'EDF indiquait que le régime spécial de retraite d'EDF était équilibré. En effet, une petite ligne sur la facture d'électricité des consommateurs est destinée à payer le régime spécial. C'est tout de même un peu gros. Si l'on faisait cela dans tous les secteurs, ce serait tout de même particulier.

Les relations sont souvent difficiles entre le pouvoir politique et l'entreprise EDF, car celle-ci a été habituée, pendant plusieurs décennies, à ce qu'il n'y ait pas de débat politique sur la politique énergétique de la France, à ce qu'il n'y ait pas de loi en la matière et à ce que l'on défende ses intérêts bec et ongles.

En tant que ministres, nous avons passé beaucoup de temps et pris beaucoup de décisions pour faire en sorte qu'EDF ne fasse pas faillite. Cela a été une préoccupation constante du Président Macron. C'est aussi un sujet dont il m'a parlé avant même de me nommer alors qu'il avait été ministre de l'économie entre 2014 et 2016 et qu'il savait ce qu'il en était. Il avait déjà soulevé la question. À l'Assemblée nationale, dans une réponse au gouvernement, il indique qu'après la signature du contrat Hinkley Point, il faudra qu'EDF fasse des efforts de compétitivité, de productivité, et il cite le coût du statut d'EDF pour la compétitivité de cette entreprise.

Quand j'étais ministre, nous avons à la fois veillé à cela, et considéré que la définition de la politique énergétique de la France, des choix sur la politique électrique de la France relevaient du pouvoir politique, du gouvernement avec le Parlement. Nous avons d'ailleurs proposé une loi en la matière. Il est tout à fait normal que cela se passe ainsi, à l'instar des autres secteurs, mais telle n'était pas l'habitude. Il s'agit d'un héritage du passé très ancien.

Le Président de la République avait proposé une réorganisation d'EDF, le projet Hercule, sur lequel nous avons travaillé, dont EDF ne voulait pas beaucoup et dont les syndicats ne voulaient pas du tout.

Le pouvoir politique agit, comme dans d'autres secteurs, mais particulièrement dans celui-là, sous la menace de conflits sociaux durs, avec la menace de coupures d'électricité, de grèves qui porteraient atteinte à l'alimentation en électricité de la France. Ceci est assez lourd et assez unique. Au sein du ministère de l'écologie, j'avais également la tutelle sur la SNCF, la RATP, Air France, beaucoup de grandes entreprises où se posent aussi des conflictualités, mais jamais à ce niveau.

Il s'agit d'un état de fait. Il ne faut d'ailleurs pas diaboliser. Mon prédécesseur a beaucoup dit que le problème était les lobbies. Dans mon interview dans Le Monde en septembre 2018, j'ai indiqué qu'il valait mieux accepter de considérer que des intérêts particuliers se font entendre et défendent leur point de vue. Cela fait partie du débat, c'est tout à fait normal. En revanche, il ne faut pas laisser croire qu'il s'agit de l'intérêt général. Vous êtes parlementaires, une fois que vous avez débattu et que vous procédez à des votes, vous êtes détenteurs de la définition de l'intérêt général. Ce n'est pas le cas, ni de la direction, ni des syndicats d'EDF.

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