Il faut rappeler tout d'abord que les sujets nucléaires avaient été exclus du champ du Grenelle de l'environnement. Tel était le choix du Président Sarkozy. J'ai fait partie des quelques députés qui ont pu y participer ; c'était d'ailleurs une expérience très enrichissante et très intéressante, qui a débouché sur plusieurs lois avec des effets concrets.
Il n'y a jamais de décision prise en ayant mis autour de la même table des représentants d'ONG, des représentants de syndicats ou autres. Le Grenelle était quelque chose de particulier, qui ne s'est pas renouvelé sous la même forme, qui proposait un certain nombre d'éléments. Ensuite, le gouvernement et le Parlement prenaient leurs décisions. En tout cas, quand j'étais ministre, je n'ai jamais mis sur le même plan les responsables politiques, les responsables techniques et économiques de l'énergie, les syndicats et les ONG. Cela ne signifie pas que les uns et les autres ne sont pas légitimes à exprimer des points de vue, mais je considère que l'on ne doit pas sous-traiter la décision.
Par ailleurs, cela a été public à ce moment-là et est donc aisément vérifiable : je me suis opposé à plusieurs reprises à certaines ONG comme Greenpeace qui a fait un lobbying intense, avec des campagnes médiatiques, des coups d'éclat contre le nucléaire, mais qui n'a jamais rien dit contre les centrales thermiques et n'a jamais salué le fait que nous ayons annoncé la fermeture des centrales à charbon. Cela en dit long sur le fait que sous couvert de vouloir agir pour le climat, d'autres buts sont poursuivis qui sont des symboles, des totems, voire peut-être de l'idéologie, je ne sais pas, par rapport au nucléaire.
En septembre 2018, j'indiquais dans Le Monde « J'aimerais que l'on sorte de la guerre de religion sur le nucléaire ». Cette guerre existe toujours, malheureusement. C'est dommage. Je note en revanche avec intérêt que dans l'opinion, le climat politique a changé depuis deux ou trois ans, et qu'aujourd'hui, en France, on n'oppose plus systématiquement énergie nucléaire et écologie. Quand j'étais ministre, des journalistes me reprenaient dans des interviews pour me dire « vous ne pouvez pas faire de l'écologie si en même temps, vous faites du nucléaire ». Je l'ai dit et écrit, y compris après avoir quitté le ministère – j'ai d'ailleurs évolué sur le sujet et je l'assume totalement – que le nucléaire est une contribution importante pour relever le défi climatique. Pour avoir une énergie décarbonée, le choix, auquel j'ai participé, qui a été effectué entre 2017 et 2022, réside à la fois dans un développement des renouvelables et un maintien et un renouvellement du nucléaire.
C'est assez original dans le monde. Dans de nombreux pays, comme le Japon, et y compris chez nos voisins européens, quand on développe fortement le nucléaire, on a beaucoup de centrales thermiques à côté pour faire la pointe. Dans beaucoup d'autres pays où on développe très fortement le renouvelable, on a beaucoup de centrales thermiques à côté pour faire face à l'intermittence du renouvelable, faute de moyens de stockage de grande échelle pour l'instant. En France, le choix a été fait – il doit être confirmé dans les prochains débats parlementaires, par des lois – de développer les renouvelables et le nucléaire pour que l'un et l'autre se complètent avec les interconnexions européennes afin d'éviter le recours au thermique sachant qu'il est déjà aujourd'hui très modeste.