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Intervention de François de Rugy

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 20h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

François de Rugy, ancien président de l'Assemblée nationale, ancien ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je vous remercie, monsieur le président, de poser cette question. En effet, j'ai lu dans les comptes-rendus des auditions de cette commission qu'une haute personnalité, M. Bréchet, met en cause les conseillers dans les cabinets ministériels et les ministres en indiquant « Ils sont censés conseiller, sur des sujets qu'ils ne maîtrisent généralement pas, un ministre qui ne se pose même pas la question. », puis à un autre moment « Un zozo dont j'ai oublié le nom », ce qui montre la rigueur du propos. Un grand auteur a dit avant moi « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».

En ce qui me concerne, j'ai passé énormément de temps dans des réunions internes, dans mon bureau de ministre, dans des réunions interministérielles sous la présidence du Premier ministre, du Président de la République, dans différentes instances comme le conseil de politique nucléaire. Nous avons eu énormément de réunions sur les arbitrages pour la programmation pluriannuelle de l'énergie, les choix que nous devions faire, des discussions parfois âpres entre ministres, appuyées sur des données techniques et économiques fournies par les services du ministère. Il existe, au sein du ministère de l'écologie, la direction générale de l'énergie et du climat, autrefois située à Bercy et rattachée au ministère de l'énergie lorsque celui-ci existait. Lorsque M. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République, il a fait le choix – un bon choix à mon sens – de regrouper au sein d'un grand ministère de l'écologie ces différentes fonctions.

Il y a bien sûr le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le réseau de transport de l'électricité (RTE). RTE est en France la source d'expertise permettant de savoir comment assurer le bon fonctionnement du système électrique et la sécurité d'approvisionnement. Il s'agit là de deux sujets un peu différents, mais qui à la fin permettent aux Français d'avoir accès à l'électricité. J'ai donc également passé énormément de temps avec le président de RTE et ses équipes, le président d'EDF et ses équipes, le président d'Orano, le CEA.

Tout cela est tout à fait normal et je ne peux pas laisser dire que des ministres – en tout cas, moi ; peut-être d'autres avant ou après moi, je n'en ferai pas le procès – prendraient des décisions sans se préoccuper de l'expertise technique, scientifique, économique. On ne peut pas faire comme si l'économie, les prix, les coûts n'existaient pas, car à la fin, ce sont les Français qui paient via leur facture d'électricité. Vous avez fait référence au mouvement des gilets jaunes ; on se souvient de l'extrême sensibilité sur la question des prix de l'énergie déjà à l'époque.

J'ai pu constater, ce qui est assez logique quand on observe l'histoire de France, que la plupart des dirigeants politiques, la plupart des dirigeants de toutes ces instances, des entreprises concernées, sont pronucléaires. Je n'ai jamais vu un dirigeant d'EDF antinucléaire. Les Français ignorent sans doute que dans les réunions interministérielles sont présents le ministère de la recherche – quand j'étais ministre, la ministre ne s'en cachait pas, elle était pronucléaire – le ministre de l'économie, pronucléaire, le ministre de la défense, pronucléaire, le ministre des affaires étrangères parfois, car certaines notions concernent aussi la diplomatie française.

Mieux vaut donc sortir tout de suite de ce faux débat sur le fait qu'il y aurait les bons et les méchants, les incompétents qui seraient les politiques, et les compétents qui seraient les experts, les scientifiques, les hauts commissaires. Ceux-ci peuvent d'autant plus s'exprimer, y compris devant vous, qu'ils n'ont de compte à rendre à personne pendant toute leur carrière professionnelle – à leur supérieur éventuellement, et encore, car parfois ce sont des autorités indépendantes. En tout cas, ils n'ont pas de compte à rendre aux citoyens qui sont aussi des électeurs et des consommateurs et qui paient par le biais de leurs factures ou le biais de leurs impôts. Quand on est politique, on rend des comptes, d'abord et avant tout aux citoyens qui sont des électeurs et des consommateurs.

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