J'entends que le GED n'a pas à apprécier l'action de l'administration pénitentiaire. Cela étant, pour des acteurs politiques enquêtant sur un assassinat, vous comprenez qu'il existe une contradiction entre le fait d'affirmer qu'il faut maintenir un suivi étroit et celui de ne pas s'interroger sur les raisons d'une détention ordinaire ou d'un emploi au service général, s'agissant d'une personne qui était apparemment connue, notamment par la DGSI, comme étant d'une extrême dangerosité.
Vous dites ne pas avoir eu connaissance de certaines évolutions dans le parcours carcéral de l'individu s'agissant de sa gestion pénitentiaire. Le rapport de l'Inspection générale de la justice a mis en évidence le grave problème de l'absence d'affectation en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), à cinq reprises. Les commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) ont relevé que lorsqu'il se trouvait en détention ordinaire, Franck Elong Abé avait affirmé de manière réitérée vouloir mourir par l'islam – propos qui pouvait indiquer l'imminence d'un passage à l'acte. La qualité de cette analyse n'est pas contestable. Le GED était-il informé des conclusions des CPU dangerosité rendues à différents moments de sa détention : en 2019 à Condé-sur-Sarthe mais, surtout, en février et novembre 2020, mai 2021 et janvier 2022 à Arles ?
Quatre TIS étaient détenus à Arles à l'époque, pour 26 TIS, de mémoire, sur le ressort de la direction interrégionale. Nous sommes donc, s'agissant des TIS, sur la loi des petits nombres, même si vous devez également gérer les individus radicalisés. Aviez-vous communication, par la CIRP, des éléments d'observation remontant du renseignement pénitentiaire et du logiciel Genesis des agents de la pénitentiaire concernant M. Elong Abé, par exemple que celui-ci se laissait pousser la barbe, signe avant-coureur d'une possible radicalisation ? On sait aussi qu'il y a eu quatre incidents importants. Un incident avec sanction disciplinaire après une attaque contre un détenu ou un membre du personnel, comme en août 2021, est de nature à empêcher son affectation à un emploi au service général – même si nous avons entendu que de tels actes étaient statistiquement moins nombreux qu'auparavant. D'autres acteurs, comme l'Inspection générale de la justice, pensent comme nous. Étiez-vous au courant de ces incidents et de ces sanctions disciplinaires ?
Aviez-vous connaissance des éléments d'observation relatifs à cet individu classé détenu particulièrement signalé (DPS), comme Yvan Colonna d'ailleurs ? L'instruction ministérielle est très claire concernant la surveillance accrue de ces individus.