Je ne dirais pas « qu'ils ne devraient pas l'être ». Nous sommes dans un État de droit, et je ne me prononcerai pas sur la chose jugée. Le problème, ce sont les « sorties sèches », après qu'une peine a été purgée, alors qu'un suivi permet d'assurer la continuité de la prise en charge. De telles situations se produisent. Franck Elong Abé devait sortir en décembre 2023 alors qu'il était éligible à une libération conditionnelle. Partant du principe, comme bon nombre de djihadistes, qu'il ne devait plus rien devoir à l'administration pénitentiaire et à la justice, il avait d'ailleurs refusé d'en faire la demande puisqu'une libération anticipée aurait impliqué un suivi. De plus, en islam, le taghut désigne l'idolâtrie, l'adoration de ce qui n'est pas la loi divine : les djihadistes refusent donc l'application de la loi de la République, réductions de peine comprises, et ne veulent rien lui devoir.
Nous avons rédigé notre stratégie le 31 janvier 2022, mais nous continuons à l'ajuster aux phénomènes nouveaux. À Vendin-le-Vieil, le 20 juin 2022, nous avons créé le centre national d'évaluation de la radicalisation (CNER), en transformant deux QER. Spécialisé dans une évaluation juste avant les sorties, il formule des préconisations sur des mesures judiciaires de sûreté permettant de suivre des personnes après leur sortie. Une ou deux sessions ont été organisées et les prononcés des peines de sûreté interviendront prochainement. Nous organisons également des formations sur l'accompagnement à la sortie et nous procédons à des recrutements.
Enfin, nous avons passé un marché public le 3 octobre 2018 sur un programme d'accueil individualisé et de réaffiliation sociale (Pairs), dispositif en milieu ouvert renforcé permettant de suivre les détenus sortants terroristes d'une manière intensive et pouvant aller jusqu'à vingt heures par semaine. Nous renforçons nos compétences psycho-sociales avec des éducateurs, des psychologues et un médiateur du fait religieux, qui intervient sur les aspects idéologiques.
Un nouveau marché public conclu le 4 octobre 2022 a permis d'augmenter les places en les portant de 125 à 250 de 2018 à 2022 sur le plan national, ce qui devrait théoriquement nous permettre d'absorber tous les sortants. Je ne saurais en revanche vous assurer qu'aucun ne sortira sans bénéficier de ce dispositif : nous formulons des préconisations, nous mettons en place des dispositifs, puis le droit s'applique. La loi du 30 juillet 2021 prévoit certains critères pour en bénéficier et c'est dans ce cadre que la situation évoluera. Je ne sais pas si ces places seront intégralement occupées, mais nous nous sommes donné les moyens nécessaires.