Je souhaite revenir en premier lieu sur la stratégie de développement, que j'ai relativement peu évoquée lors de mes propos liminaires. En effet, il s'agit d'un sujet d'importance et, pour répondre à M. Viry, je ne pense pas que nous nous dispersions, bien au contraire.
J'ai longuement évoqué l'accompagnement des publics, dans la mesure où il s'agit de nouveaux programmes financés par l'État. Ces programmes d'accompagnement servent à inscrire des personnes dans les formations qualifiantes, qui restent bien notre cœur de métier principal et que nous vendons à Pôle emploi, aux conseils régionaux et aux entreprises. Nous sommes donc bien dans la sécurisation de notre cœur de métier depuis l'origine. Il s'agit effectivement d'un enjeu de sécurisation des parcours professionnels par une certification. Afin de résoudre ses problèmes d'attractivité, l'Afpa a ainsi essayé de recréer un pilier d'accompagnement des publics vers ces formations qualifiantes.
Ensuite, quand je suis arrivée en 2017, l'Afpa se développait en direction de l'ensemble des secteurs, de manière non discriminée, pour trouver du chiffre d'affaires. Nous avons mené un travail de priorisation, en définissant seize secteurs prioritaires, qui nous permettent d'embarquer l'ensemble de notre force commerciale vers les mêmes objectifs et les mêmes secteurs. Ainsi, ce n'est pas un hasard si nous nous orientons aujourd'hui vers les métiers de l'hydrogène à différents endroits du territoire : nous voulons investir massivement sur des plateaux techniques qui sont mis en place avec des industriels. L'industrie et le bâtiment font partie des secteurs où nous intervenons depuis notre origine, ce qui n'est pas le cas du numérique, auquel nous nous intéressons néanmoins, dès lors que l'on nous sollicite.
Le deuxième développement mis en place dès la fin 2019 porte sur la création de notre propre CFA. Nous sommes ainsi en progression de plus de 20 millions d'euros sur l'apprentissage depuis 2019 ; nous travaillons à la fois pour des commandes, mais également pour des entreprises qui réfléchissent à mettre en place leur propre CFA. Ces grandes entreprises nous demandent fréquemment d'être en sous-traitance de leurs CFA – les CFA « hors les murs » –, pour mettre en place leurs propres dispositifs. Nous travaillons donc avec de nombreux grands comptes qui trouvent dans l'Afpa la capacité de pouvoir installer une même ingénierie de formation à Lille, Bordeaux, Brest ou Toulouse.
Ce développement permet surtout de ne pas rester dépendant d'un seul financeur, ce dont l'Afpa a pu souffrir par le passé. En effet, quand un centre est dépendant à 98 % de la commande d'un conseil régional, le risque est trop grand. Nous travaillons donc de manière très ouverte en multifinancement. Cependant, les conseils régionaux restent nos principaux financeurs aujourd'hui. Nous répondons aux appels d'offres ou nous intervenons en subvention, lorsque nous avons nous-mêmes des propositions à formuler en réponse à des projets de territoire portés par les conseils régionaux.
Nous sommes également « achetés » par Pôle emploi, qui lance fréquemment des appels d'offres. Ainsi, nous avons gagné un appel d'offres important sur les actions en situation de travail, pour établir un lien entre les actions vivier de Pôle emploi et la mise en emploi directe. Nous avons donc, à ce titre, remporté des lots sur l'industrie et le bâtiment.
Par ailleurs, le montant des financements de l'État pour les programmes nationaux – Prépa compétences, Promo 16.18, Hope – s'élèvent aujourd'hui à un peu plus de 100 millions d'euros. Tant que ces financements ne sont pas pérennisés dans nos ressources, nous travaillons évidemment avec des personnes en CDD. À ce sujet, nous œuvrons sur notre stratégie ressources humaines (RH) afin de pouvoir anticiper les problématiques de commandes. Je rappelle en effet qu'en 2015-2016, nous avons souffert de pertes de marchés totaux au profit d'autres opérateurs. À cette époque, l'Afpa n'avait pas préparé de stratégie RH allant dans le sens de la professionnalisation et la polyvalence de nos personnels.
Aujourd'hui, nous mettons en place des formations de professionnalisation qui permettront, dans le temps, de rendre nos formateurs plus polyvalents. Par exemple, un formateur peintre pourrait se former pour devenir un formateur plaquiste. Il s'agit là d'enjeux importants pour nous aider à faire face à des baisses de commandes.
Nous disposons également d'une autre proposition : nous réfléchissons à la mise en place d'un groupement employeurs qui permettrait de faire travailler des formateurs en CDI, pour le compte de l'Afpa, mais également d'autres opérateurs du service public. En effet, alors que l'Afpa et le groupement d'établissements (Greta) se retrouvent souvent en concurrence sur des marchés, nous estimons qu'il serait pertinent que le formateur du Greta ou de l'Afpa soit en CDI. Il serait ainsi porté par une structure et mis à disposition de l'autre, selon des modalités qui sont actuellement discutées avec nos tutelles. Il s'agirait donc d'une manière de sécuriser l'emploi de ces personnels et surtout de leur permettre de se former à différents environnements.
Par ailleurs, le taux de CDD de l'Afpa est aujourd'hui de 27 %. En effet, quand nous avons mis en œuvre le plan social, nous avons dû effectuer un arbitrage. À l'époque, notre chiffre d'affaires devait baisser, ce qui impliquait une diminution des personnels en CDI. Or aujourd'hui, nous sommes confrontés au phénomène inverse : nous dégageons 200 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'arbitrage rendu. En tant qu'Epic, le plafond d'emploi se situe à 500 millions d'euros de chiffre d'affaires, quand celui-ci est aujourd'hui de 685 millions.
Nous avons donc évidemment utilisé des CDD, et désormais, deux possibilités s'offrent à nous : soit nous revoyons la copie des plafonds d'emplois ; soit nous essayons de sécuriser l'ensemble des salariés du secteur public, en lien avec le Greta. En résumé, nous agissons en faveur de la professionnalisation et du développement de la polyvalence de nos salariés, mais nous menons également une réflexion pour déprécariser l'emploi. Si la difficulté des statuts nous empêche d'aller plus loin aujourd'hui, nous y travaillons, en lien avec les organisations syndicales et nos tutelles.
S'agissant de France Travail, je ne sais pas où nous sommes attendus, n'ayant pas encore pu recevoir le rapport de France Travail. Quoi qu'il en soit, l'ambition de France Travail consiste à mieux faire coopérer les opérateurs sur un même territoire. Nous sommes en avant-phase de ce sujet, mais nous disposons déjà de l'agilité nécessaire pour pouvoir mettre en place quinze à vingt heures d'activités à destination des bénéficiaires du RSA, soit 34 % des 50 000 personnes accompagnées à ce jour. Avec les villages des solutions et les opérateurs qui commencent à travailler avec nous, nous sommes donc en bonne position pour accompagner France Travail.
En revanche, la question d'une fusion avec Pôle emploi ne se pose pas aujourd'hui. En effet, si l'Afpa, Pôle emploi et les missions locales sont cousins au sein du SPE, les missions et activités respectives demeurent différentes. De notre côté, nous sommes formateurs, c'est notre cœur de métier ; ce qui n'est pas le cas de Pôle emploi ni des missions locales. Pour autant, nous travaillons de plus en plus ensemble, sur les territoires.
Par ailleurs, le dispositif Promo 16.18 a été lancé en juillet 2020 par le plan « 1 jeune, 1 solution » et mis en œuvre en novembre de la même année. Nous avons éprouvé initialement de grandes difficultés à recruter des jeunes, dans la mesure où nous n'étions pas attendus. Lorsque nous avons proposé à l'État de nous occuper des décrocheurs scolaires, nous avions en tête que tout est possible à cet âge, et nous souhaitions les accompagner vers l'apprentissage. De fait, 10 000 jeunes ont été accompagnés en 2022 et 75 % bénéficient d'une sortie positive, majoritairement en apprentissage.
Dès qu'ils sont en mixité avec des adultes en formation, des jeunes qui ne se sentent pas bien dans le système scolaire découvrent les métiers de manière différente. Le fait de rencontrer des équipes techniques et des entrepreneurs permet de créer des vocations. Je pense notamment à une jeune femme de 18 ans que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans le cadre des trophées « Métiers pour Elles », que nous remettons chaque année. À 16 ans, elle est entrée dans la Promo 16.18 en ne connaissant rien à l'industrie. À cette occasion, elle a découvert le métier d'agent en câblage électronique, qu'elle a complètement épousé et qui l'épanouit.
Ainsi, notre métier consiste également à aider les demandeurs d'emploi à multiplier les rencontres avec les employeurs. Pour y parvenir, il nous faut encore mieux connaître les problématiques de recrutement et d'attractivité de ces entreprises. De fait, nous avons fortement travaillé sur l'ingénierie d'accompagnement des entreprises dans l'attractivité de leurs métiers et sur les ingénieries de recrutement. Par exemple, nous accompagnons une branche qui éprouve des difficultés à recruter et demande à ses entreprises de participer à un événement dans un centre Afpa, avec les plateaux techniques, pour réaliser une information globale sur les métiers en recrutement dans nos territoires.
En 2018, nous avons lancé un PSE et annoncé des fermetures de centres, décidées en fonction du faible nombre de commandes que ceux-ci recevaient. Pour neuf d'entre eux, nous avons mis en place des projets alternatifs, mais nous avons également dû fermer vingt et un centres qui étaient en déficit structurel et qui avaient peu d'activité.
Dans d'autres cas, nous avons dû suivre une logique d'optimisation à une période où nous perdions de l'argent et où nous avions peu de commandes. Il a donc fallu effectuer des choix pour permettre à des centres de retrouver l'équilibre. Monsieur Vincendet, vous déploriez lors de votre intervention que l'Afpa n'ait pas prévenu les élus de la fermeture du centre de Rillieux-la-Pape. Je dois vous indiquer que nous n'avons pas pu transmettre cette information dans la mesure où il s'agissait d'un PSE : il n'est pas possible de le faire en amont de l'annonce dudit PSE, sous peine de nous voir exposés à un délit d'entrave. En résumé, ce furent des moments difficiles pour l'Afpa et les élus, mais nous n'avions pas les moyens légaux d'agir différemment.
Vous m'avez également interrogée sur la stratégie immobilière de l'Afpa. Notre stratégie pluriannuelle comporte une obligation d'optimisation, dans le cadre de notre contrat d'objectifs et de performance. Ainsi, nous devons réduire de 20 % les surfaces foncières. Par exemple, à Perpignan, nous disposons d'un centre de 22 hectares. Nous sommes en train de céder des parcelles de terrain et nous en informons prioritairement les collectivités, afin de savoir si elles sont intéressées par la reprise du foncier ou du bâti.
Les produits de ces cessions sont ensuite utilisés pour nous permettre de nous redéployer, pas uniquement dans les villes. Ainsi, nous investiguons un grand nombre de territoires ruraux. À ce titre, nous nous sommes installés au mois de février dans la ville de Condom, dans le Gers. Je précise qu'à Condom ou à Lamastre en Ardèche, il n'existe pas d'offre structurelle à moins d'une heure et demie de trajet en voiture. Il s'agit donc d'une première étape d'accompagnement, menée conjointement avec Pôle emploi et l'ensemble de nos partenaires.
Ensuite, vous avez évoqué la question des hébergements. Il n'est pas forcément aisé de développer la formation professionnelle tout en héritant d'un patrimoine de 9 millions de mètres carrés ; il s'agit là de deux métiers complètement différents. Cependant, nous devons composer avec l'histoire et cet atout magnifique : d'un trésor du passé, nous pouvons faire de l'Afpa une pépite pour l'avenir.
Les centres de formation disposent de plateaux techniques rénovés, d'hébergements et de restaurants, que nous avons d'ailleurs ouverts à d'autres publics que les stagiaires de la formation professionnelle. Cela nous permet d'accompagner des publics particuliers visés par des politiques publiques. Je pense notamment à des jeunes sortis de l'aide sociale à l'enfance sans solution, aux saisonniers du tourisme, aux personnes qui sortent de prison sans possibilité de retourner à leur domicile ou encore aux femmes victimes de violences pouvant être accueillies avec leurs enfants. À Chambéry, nous recevons par exemple des femmes ultramarines qui n'ont pas possibilité de rester outre-mer à la suite de grossesses précoces et qui sont accueillies avec leurs enfants.
Nous avons donc la possibilité de mettre en place des sas d'accueil et d'accompagnement, avec l'ensemble de nos partenaires. Cet enjeu est particulièrement important pour nous. Il est hors de question aujourd'hui de nous débarrasser de nos offres de restauration et d'hébergement, qui sont essentielles sur les territoires.
Initialement, nous pensions céder une partie de nos hébergements à des professionnels de l'hébergement, tout en conservant des places prioritaires. Nous avons ainsi cédé à ce titre deux hébergements, tout en conservant des places réservataires. Néanmoins, nous pensons aujourd'hui qu'il est peut-être pertinent de rénover des bâtiments avec des artisans pour proposer ces hébergements à des bénéficiaires en insertion.
S'agissant des investissements, et notamment en matière immobilière, nous n'avons pas autant de besoins qu'auparavant. Par ailleurs, nous ne restons pas inactifs : nous sommes allés chercher 29 millions d'euros dans le cadre du plan de relance pour changer nos chaudières ou nos toitures. Nous avons également mis en place une ferme photovoltaïque dans le centre de Corte et nous allons chercher des financements dans le cadre des contrats de plan État-région. Enfin, depuis quatre ans, nous menons une politique d'investissement à hauteur de 50 millions d'euros, dont la moitié est consacrée à la rénovation immobilière et l'autre moitié aux plateaux pédagogiques et au village des solutions.
En matière d'insertion professionnelle, nous avons réussi à devenir prescripteurs de l'insertion par l'activité économique et nous travaillons en partenariat avec les entreprises concernées. À ce titre, de nombreuses entreprises s'installent en résidence avec nous, ce qui nous permet de fournir des solutions immédiates à des difficultés, notamment dans les territoires ruraux.
Sur les seniors, nous finalisons actuellement une proposition à destination de l'État. Nous avons ainsi l'intention d'utiliser le dispositif Prépa compétences pour mettre en place une expérimentation appelée « Compétence experts ». L'idée consisterait ici à proposer aux seniors de démarrer par un séminaire d'expert pour leur permettre de réfléchir à leurs parcours et leurs compétences, mais également d'entreprendre, en fonction des besoins du territoire, là où ils se trouvent. Évidemment, nous mènerons cette expérimentation sur certains territoires avant de nous déployer sur l'ensemble de la France, puisque tous nos centres mettent en œuvre les dispositifs des programmes nationaux.
Dans le domaine du handicap, les villages et solutions ont des petites identités. À Lardy en Essonne, nous avons la chance de disposer, en face de notre centre, d'un très beau château qui nous a été donné. Nous avons décidé d'en faire un village du care et des aidants, afin de proposer un environnement où les aidants familiaux pourraient réfléchir à leur parcours professionnel tout ayant la possibilité d'avoir un temps de répit dans ce fameux château. En l'espèce, nous sommes financés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Ensuite, il est possible d'estimer que le déficit s'établit à 149 millions d'euros si l'on tient compte des investissements. En réalité, le déficit en excédent brut d'exploitation est de 64 millions, dont 34 millions liés aux factures d'énergie. Le reste du déficit est constitué par un déficit d'exploitation, notamment lié au manque de stagiaires dans nos formations.
Nous avons désormais de nombreuses solutions et nous ne sommes plus confrontés à des problèmes de commande. Nous essayons de convaincre que nous pouvons être utiles et pertinents, notamment dans la révision des titres professionnels et dans la politique de certification. De plus, nous sommes très soutenus par l'État : nous ne pourrions pas investir aujourd'hui si l'État n'appuyait pas nos projets d'investissement et notre stratégie. Il est effectivement nécessaire de pérenniser nos programmes nationaux parce qu'ils sont utiles à la nation, mais il convient de veiller à ne pas retomber dans la subvention nécessaire à l'activité, laquelle enlèverait l'énergie essentielle pour innover. Nous tenons absolument à demeurer un organisme de formation qui est à la page des évolutions des métiers et des compétences.