Intervention de Pascale d'Artois

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 15h15
Commission des affaires sociales

Pascale d'Artois, directrice générale de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) :

Vous connaissez l'Afpa, mais vous connaissez peut-être moins l'Afpa d'aujourd'hui. L'Afpa a changé, elle s'est transformée et se transforme encore. Elle a presque 80 ans, mais elle n'est plus une vieille dame. Elle a retrouvé une dynamique d'action par son inscription dans l'innovation et par son engagement dans la coopération avec tous les acteurs de son écosystème sur les territoires, au service des publics les moins qualifiés et les plus éloignés de l'emploi. C'est cette transformation d'ampleur menée depuis 2017 que je souhaite vous présenter aujourd'hui.

Après avoir été une association pendant soixante-dix ans, l'Afpa est devenue un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) le 1er janvier 2017, sous la double tutelle du ministère du travail et du ministère du budget. Pour comprendre la transformation de l'Afpa, il faut prendre la mesure de son histoire récente depuis 2004 et de sa situation en 2017.

L'Afpa a été créée après-guerre et a accompagné toutes les grandes transformations économiques de la France : la reconstruction, la tertiarisation de l'économie et le chômage de masse. Opérateur unique de l'État pour la formation des adultes, son fonctionnement s'est trouvé bouleversé entre 2004 et 2009 par le nouveau paysage de la formation professionnelle qui a connu deux évolutions majeures, de manière concomitante.

La première évolution a concerné la décentralisation de la compétence formation des demandeurs d'emploi aux régions. La régionalisation s'est accompagnée de financements plus aléatoires que les recettes antérieures de l'État, qui étaient stables, prévisibles et conséquentes ; de l'ordre du milliard d'euros. La seconde évolution a porté sur l'ouverture à la concurrence du secteur de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi, qui s'accompagne d'une modification importante du système d'achat de la formation et qui a placé l'Afpa face à de nouvelles exigences entrepreneuriales et concurrentielles étrangères à son histoire et à son fonctionnement.

La situation de l'Afpa est désormais clarifiée par la loi du 5 mars 2014, qui prévoit le transfert des biens immobiliers à l'Afpa ; puis par la « loi Rebsamen », qui prévoit la création par ordonnance d'un Epic, acteur du service public de l'emploi (SPE). Le 1er janvier 2017, cent seize sites ont ainsi été dévolus à l'Afpa. Ce transfert prévoit l'affectation des sites aux missions de service public garantissant un égal accès à la formation professionnelle sur tous les territoires. Ce dispositif a été validé par la Commission européenne, au prix de la création de deux filiales garantissant la réalisation de l'activité concurrentielle. Nous répondons donc à tous les marchés, qu'ils soient publics ou privés, via nos deux filiales, qui rémunèrent l'Epic pour l'utilisation de ses plateaux techniques, de son ingénierie et de ses ressources humaines.

Faute d'une vision stratégique claire et en raison de plans stratégiques successifs qui n'ont pas été mis en œuvre pendant douze ans, l'Afpa n'a pas su ou n'a pas pu opérer sa reconversion. Un déficit structurel en a résulté, au point de menacer son existence même avec un déficit d'exploitation devenu chronique et régulier. Au 1er janvier 2017, date à laquelle j'ai été nommée, la situation était alarmante et l'Afpa présentait d'importants défauts de pilotage. Elle n'avait pas encore la confiance de ses tutelles, elle avait perdu celle de ses financeurs, les conseils régionaux et les entreprises en particulier ; il lui manquait cruellement la confiance de ses salariés, de son management et de ses organisations syndicales.

En 2017, il fallait certes transformer l'Afpa, mais la transformer vers quoi ? Même si certains administrateurs partageaient alors des éléments de vision pour cet outil, la durée de son redressement paraissait incompatible avec des résultats attendus dans un délai court. En 2018, la voie de la restructuration a été arbitrée : l'Afpa n'avait pas encore les moyens de faire la preuve opérationnelle de sa compréhension des enjeux d'un écosystème qui n'a pas attendu qu'elle se transforme pour modifier totalement le paysage dans lequel elle évolue.

Entre-temps sont nés en effet le compte personnel de formation, le conseil en évolution professionnelle, la notion d'investissement formation pour les entreprises et le forfait parcours. Les centre de formation d'apprentis (CFA) d'entreprises se sont multipliés, avec le développement de l'apprentissage et le développement des organismes de formation pure players du digital.

Alors, puisqu'aucune vision n'était vraiment établie, nous avons travaillé à pied d'œuvre. En même temps que nous annoncions un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), nous avons agi avec les équipes de terrain pour proposer des orientations stratégiques qui nous permettraient de réenclencher une réelle dynamique de développement, tout en préservant l'ADN de l'Afpa.

Annoncé en octobre 2018, le PSE a duré deux ans. Après des interruptions par des juridictions différentes et par la crise sanitaire, et après avoir négocié son évolution en plan de départ volontaire, 1 064 salariés ont quitté l'Afpa entre mars et mai 2020, dont près de 920 sur la base du volontariat. Ce fut évidemment une période très difficile pour tous les salariés et toutes les équipes de l'Afpa. Ce plan a aussi été l'occasion d'ouvrir une vaste phase de mobilité interne, avec plus de 1 200 personnes concernées, sur la base d'une nouvelle organisation qui a dynamisé des équipes qui n'avaient plus connu d'évolution professionnelle ni d'évolution salariale depuis douze ans.

Les orientations stratégiques votées en 2018 et traduites dans le contrat d'objectifs et de performance 2020-2023 visent ainsi à renouveler notre offre de services pour répondre prioritairement aux besoins des individus, des entreprises et des territoires, autour de cinq grandes orientations.

La première consiste à moderniser et adapter l'outil de production aux besoins de compétences d'aujourd'hui et de demain, en conservant notre maillage territorial et en nous délocalisant dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires, de manière plus légère et plus agile. L'Afpa a repris une dynamique d'investissement depuis quatre ans en consacrant 50 millions d'euros par an aux investissements dans ses plateaux techniques de formation et dans la rénovation de son patrimoine immobilier.

La deuxième orientation s'attache à passer de l'offre catalogue à la solution personnalisée, en utilisant toutes les modalités pédagogiques, présentielle, distancielle, en alternance, en situation de travail et en échanges entre pairs. La troisième vise à transformer les centres en villages des solutions. J'y reviendrai ultérieurement.

Ensuite, la quatrième orientation a pour objectif de renouveler le contrat social en interne, pour redonner un sens individuel et collectif aux missions des salariés, dans une logique de développement des compétences et de trajectoire professionnelle au sein de l'établissement.

Enfin, la dernière orientation porte sur la performance et la mise en place d'un pilotage par les résultats économiques, pour assainir la situation financière de l'Afpa.

La transformation réelle, accompagnée par plus de soixante-dix chantiers transverses, n'a pu se mettre en place qu'à compter du second semestre 2020. Elle est avant tout le fruit des échanges avec les équipes des centres et des visites de terrain, dans une stratégie bottom-up essentielle à sa réussite.

Notre stratégie est d'abord une stratégie d'innovation : innovation territoriale, en repensant les usages de nos infrastructures pour organiser de manière plus fluide l'accompagnement et la formation sur un même bassin de vie ; innovation pédagogique, en repensant notre signature et en mettant le bénéficiaire, son besoin et sa demande au cœur de la réponse individualisée à lui proposer ; innovation en termes d'ingénierie et de développement des compétences, pour répondre aux transitions écologique, technologique et numérique ; innovation en termes de captation des publics pour « aller vers », mais aussi « faire venir » les publics les plus éloignés de l'emploi.

Notre stratégie est ensuite une stratégie d'ouverture et d'alliance avec l'ensemble des acteurs de notre écosystème qui s'installent avec nous, physiquement en résidence ou sous forme de permanences, pour accompagner, dans une même temporalité d'action, les parcours professionnels et de vie des personnes heurtées par la précarité plurielle. Nos villages des solutions sont l'opposé d'un guichet unique : ce sont des guichets multiples installés au même endroit où s'exerce la valorisation réciproque des offres de services des partenaires, en fonction des besoins des personnes. Nous proposons à nos publics et à ceux de nos partenaires d'amener à eux l'information et l'accès aux droits communs, dans une logique de lutte contre le non-recours.

Si une solution n'existe pas sur le territoire, la coopération entre acteurs se décide au sein de nos conseils de village qui sont aussi le lieu où se coconstruisent des réponses aux appels d'offres ou des initiatives à porter ensemble dans le cadre de projets de territoires. En septembre 2022, nous avons par exemple inauguré le village des solutions de Vénissieux en plein cœur du quartier des Minguettes, qui regroupe plus de quarante-cinq partenaires, acteurs de la formation, de l'insertion, de la mobilité, de la santé, du logement, de la parentalité et des usages numériques.

Notre stratégie vise enfin à redonner l'initiative aux territoires. Dans le cadre d'un changement culturel important, nous avons ainsi renversé le modèle hiérarchique et pyramidal de l'Afpa. D'une structure très verticale où tout était décidé depuis le siège de Montreuil, nous avons redonné l'initiative à nos équipes locales qui embrassent des fonctions d'entrepreneurs sociaux, maîtrisant la connaissance de leur environnement, de leurs partenaires et des dynamiques de développement économique du territoire. Plus aucun projet de centre n'est impulsé par le siège et aucun de nos villages ne se ressemble.

Dans le respect du cadre de la stratégie nationale, les équipes locales nous proposent leurs projets, que nous avons appelés « Ambitions territoires », afin de disposer d'une vision pluriannuelle des enjeux de développement et d'investissement, que nous validons en concertation avec eux. L'appui et le pilotage ont remplacé le contrôle, pour leur donner plus de visibilité et de leadership afin de reconstruire des équilibres qui, à certains endroits, restent encore très fragiles.

Cette transformation couvre la période 2020-2023 ; elle est toujours d'actualité. Dans le travail en cours d'élaboration de notre prochain contrat d'objectifs et de performance 2024-2027, les administrateurs de l'Afpa ont déjà validé la conservation et l'actualisation de nos orientations stratégiques, qui seront confortées pour les années à venir. C'est une première pour l'Afpa. Il faudra certes effectuer une mise à jour, mais la stratégie sera consolidée jusqu'en 2027 ; et le maintien du même cap dans la durée constitue une véritable chance pour l'agence.

Ce plan de transformation produit les effets escomptés. À l'heure où il est chaque jour question de relocalisation et de réindustrialisation, l'Afpa est parfaitement alignée avec les enjeux auxquels notre pays est confronté. Qu'il s'agisse d'accompagner les transitions écologique, technologique ou digitale, de se préparer aux métiers de demain, de répondre aux besoins immédiats des acteurs économiques ou de proposer des parcours à la carte pour les personnes éloignées de l'emploi ; l'Afpa dispose de tous les atouts pour apporter, avec ses partenaires, des solutions de proximité.

Aujourd'hui, l'Afpa est un opérateur de référence pour l'emploi et la formation professionnelle. En 2022, elle a formé près de 95 000 personnes et reste le premier opérateur français de formation professionnelle continue. Notre offre de formation est très large et couvre un grand pan de l'économie avec plus de deux cinquante métiers. Nos formations donnent accès à une certification, favorisant ainsi la sécurisation des parcours professionnels. C'est la « marque de fabrique » de l'Afpa : une formation pour tous, mais une formation qui conduit à une certification reconnue par les branches et les employeurs.

Les résultats sont là puisqu'à l'issue d'une formation à l'Afpa, 74 % des personnes accèdent à un emploi durable, c'est-à-dire dans le cadre d'un contrat de plus de six mois. Ce taux atteint 77 % pour les jeunes de 16 à 25 ans et 89 % pour les réfugiés bénéficiaires de la protection internationale. C'est un résultat supérieur à celui de nos concurrents, et qui est en progression constante depuis 2020.

Pourtant, nous ne nous adressons pas aux publics les plus proches de l'emploi, mais à tous les actifs, demandeurs d'emploi et salariés, en donnant la priorité aux premiers niveaux de qualification, et en nous adressant particulièrement aux personnes les plus éloignées. Cependant, les deux tiers des 95 000 personnes formées, soit 65 000 personnes par an, retrouvent un emploi dans le mois qui suit la fin de la formation. Aujourd'hui l'Afpa a regagné la confiance des financeurs privés et publics, notamment de Pôle emploi, des conseils régionaux, des opérateurs de compétences et des entreprises.

Nous répondons, comme d'autres, aux mises en concurrence et sommes achetés tout autant pour notre compétitivité que pour la qualité de nos solutions d'ingénierie de formation, de certification, mais aussi d'attractivité et de recrutement. Depuis la fin de 2021, comme tous les organismes de formation, nous devons faire face à la tension du marché du travail et nous nous heurtons à la pénurie de candidats, qui privilégient l'emploi plutôt que la formation. Dans le contexte de reprise rapide de l'activité économique après la crise sanitaire, nous devons nous adresser à des publics de plus en plus éloignés de l'emploi.

Notre offre de services est parfaitement adaptée, mais ces publics sont plus difficiles à faire venir vers la formation. La réalité nous conforte dans notre projet stratégique, avec nos villages des solutions, mais cette réalité constitue un défi au quotidien qui suppose « d'aller vers » les publics et de construire les passerelles entre les politiques d'insertion des départements, les politiques de formation des régions et les besoins des employeurs.

Pour y parvenir, l'Afpa continue à innover et poursuit sa transformation. En premier lieu, l'Afpa déploie sa stratégie « Villages », tiers lieux de l'insertion sociale et professionnelle sur tous les territoires. En accueillant des partenaires et en favorisant le travail en réseau, nous souhaitons apporter, collectivement, la réponse la plus adaptée sur tous les territoires. Nous nous sommes par exemple délocalisés à Lamastre en Ardèche depuis Valence dans la Drôme, et en février dernier, à Condom dans le Gers, depuis Tarbes dans les Hautes-Pyrénées. Dans les villages des solutions ou dans les places délocalisées, nous devenons des incubateurs de solutions avec Pôle emploi et les missions locales, nos cousins du SPE bien sûr, mais aussi avec des entreprises, des acteurs de l'insertion, des collectivités locales, des associations.

L'Afpa devient une plateforme physique de rencontres qui propose de « jouer collectif » pour assurer l'accueil inconditionnel des publics et apporter les solutions à chaque difficulté. Je me permets d'insister sur ce point, car c'est ici que se situe tout l'enjeu des intentions de France Travail. Quelle que soit la situation de la personne, elle doit être prise en charge dès le premier contact, quelle que soit la distance qui l'éloigne de l'emploi. Cela nécessite un véritable accompagnement au changement de nos équipes, qui pensent depuis longtemps « intérêt général », mais qui doivent penser « solutions » avant de penser « périmètres ».

On ne peut plus dire non à une personne qui n'a pas les prérequis pour entrer dans une formation, on doit lui proposer un accompagnement.

On ne peut plus dire non à une personne qui veut faire une formation chez le concurrent, on doit la mettre en relation avec le concurrent qui devient alors partenaire.

On ne peut plus dire non à une personne en situation de monoparentalité et en recherche d'autonomie qui n'a pas de solutions de garde d'enfant, on doit lui prendre rendez-vous avec la crèche d'insertion partenaire.

On ne peut plus dire non à un stagiaire dont la voiture est en panne, mais on doit l'orienter vers le garage solidaire.

On ne peut plus dire non à des personnes qui dorment dans leur voiture, on doit être en capacité de leur proposer un hébergement même si elles n'ont pas le statut de stagiaire de la formation professionnelle.

On ne peut plus dire non à des femmes et à des hommes qui font l'effort de trouver le chemin du service public dans le dédale de notre complexité systémique ; il faut leur apporter le soutien sans lequel ils peuvent rapidement retomber dans l'invisibilité et le non-recours aux droits.

Ce changement-là est majeur. Toutes nos équipes sont en train de le mettre en œuvre, en dépit de la difficulté d'appropriation de nouveaux process et de nouveaux outils collaboratifs pour décloisonner notre organisation interne, mais aussi nos logiques partenariales. Mais ces solutions doivent trouver leur financement, et là, c'est une affaire de conviction chevillée au corps et de pugnacité vis-à-vis de l'ensemble des financeurs de ces services.

Accompagnés par la Banque des territoires depuis 2019, une quinzaine de centres ont déjà été labellisés Villages des solutions ; treize autres sont accompagnés en 2023 – à Bourg-en-Bresse, Montceau-les-Mines, Orléans, Lorient, Corte, Nancy, Lille Lomme, Stains, Angoulême, Le Havre, Albi, Avignon et Nantes – pour essaimer la méthode de déploiement auprès de nos directions régionales, qui devront ensuite accompagner tous les autres centres d'ici 2025.

L'Afpa innove également en proposant des programmes nationaux d'accompagnement, financés par l'État. À côté des formations qualifiantes, l'Afpa a créé un nouveau pilier de son activité en garantissant l'égalité d'accès aux savoirs-socles sur l'ensemble du territoire. Il s'agit de programmes nationaux de construction ou de consolidation du projet professionnel en appui du conseil en évolution professionnelle : le programme « Prépa compétences », dédié aux demandeurs d'emploi de longue durée ou aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; la « Promo 16.18 », seul dispositif répondant à l'obligation de formation des 16-18 ans en décrochage scolaire ; le programme « Déclic pour l'action » au profit des jeunes de 18 à 25 ans ; le programme Hope pour l'hébergement et l'orientation vers l'emploi des réfugiés.

Ce sont 65 000 personnes que nous accompagnons chaque année à découvrir des métiers, à essayer des secteurs professionnels en immersion sur nos plateaux techniques ou en entreprise, et à reprendre confiance en elles. Nous mettons à leur disposition une ingénierie d'accompagnement agile par ateliers en présentiel ou en distanciel, qui s'adapte aux besoins de chacun.

Ensuite, l'Afpa renouvelle aussi son offre de formation en proposant des modalités pédagogiques innovantes et adaptées aux nouveaux usages de la société apprenante. L'avenir des organismes de formation se jouera sur la capacité à pouvoir mettre en œuvre toutes les modalités pédagogiques, en réponse adaptée à la demande sociale ou aux besoins des entreprises. Qu'elles soient présentielles, distancielles, en mix learning, en situation de travail, en validation des acquis de l'expérience (VAE), en alternance, en pratique du geste professionnel, en réalité virtuelle ou encore en apprentissage entre pairs, les modalités pédagogiques doivent se combiner pour proposer le meilleur parcours.

Au temps de la société de la connaissance où tous les savoirs sont disponibles sur internet, la plus-value de la formation se trouve dans la qualité de son encadrement. Le formateur n'est plus un sachant transmetteur de son savoir, mais un accompagnateur des apprentissages, un accompagnateur de la motivation à se former pour se qualifier, un « préventeur » de l'abandon. La concurrence future des organismes de formation ne se jouera plus sur les contenus, mais sur la qualité de la signature pédagogique et sur la capacité à tenir la promesse client, à savoir la manière dont vous êtes accueilli, considéré et accompagné dans vos apprentissages, la qualité des plateaux techniques, des hébergements, de la restauration.

Pour aller plus loin, l'Afpa déploie des incubateurs de compétences. Il s'agit de construire, en lien avec des entreprises, les contenus et parcours de formation des métiers de demain. Nous déployons par exemple des incubateurs de compétences hydrogène, pour former aux métiers dont la filière hydrogène vert a besoin pour se développer. Ainsi, pour la production, mais aussi pour le stockage, la distribution ou le transport, des compétences spécifiques sont attendues. À Marseille, à Pau, à Cherbourg ou à Saint-Nazaire et grâce à notre convention de partenariat avec France Hydrogène, nous définissons les compétences de demain avec les industriels du secteur.

Nous développons des incubateurs de compétences sur d'autres secteurs : la fabrication additive, le rétrofit des véhicules légers, les techniciens de dispositifs d'assistance respiratoire, les réparateurs outdoor, les agents de commissionnement du bâtiment, par exemple. Les transitions écologique et numérique, l'industrie du futur, la robotisation ou encore le développement de l'économie du care, embarquent de profondes évolutions des métiers et l'Afpa est au rendez-vous.

La transition écologique est ainsi devenue un axe majeur de notre transformation. Nous avons fait évoluer notre offre de formation pour intégrer les exigences et les besoins qui lui sont liés. Dans le secteur du bâtiment par exemple, nous proposons quatre-vingt-six titres professionnels, et avons mis sur pied une offre de cent dix formations sur la performance énergétique, pour répondre à l'enjeu national de rénovation énergétique des bâtiments. Nous souhaitons aller plus loin, avec le projet des reconstructeurs, en partenariat avec l'entreprise Hellio et les compagnons du devoir, qui doit permettre d'assurer le passage à l'échelle en formant 300 000 nouveaux professionnels et lancer la massification de la rénovation globale.

Nous venons d'inaugurer à Corte notre première école de l'eau cofinancée par la collectivité territoriale de Corse, pour laquelle la question de la gestion de l'eau est devenue un enjeu crucial. Ce sont plus de dix métiers de techniciens qui sont concernés. Autre exemple, nous inaugurons en avril prochain la première École nationale du recyclage et de la ressource (EN2R), avec la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC), qui s'installera au cœur de notre village des solutions de Lille, avec le soutien du conseil régional des Hauts-de-France. Nous allons répondre ici aux besoins de 1 300 entreprises implantées sur l'ensemble des territoires, qui ont des besoins de formation très importants d'ici 2030 et qui ne disposent pas de l'offre mobile ou numérique adaptée.

Enfin, nous innovons avec nos partenaires entreprises, nous accompagnons des projets de relocalisation et de réindustrialisation des territoires. Avec l'entreprise Cycles Victoire à Beaumont en Auvergne, qui a recréé un savoir-faire disparu en France autour du tube en acier pour la fabrication de cadres de vélo, nous avons créé un plateau technique de formation unique en France de cadreurs cycles. Nous souhaitons l'essaimer sur d'autres territoires pour accompagner la relocalisation de la fabrication de vélos en France.

Nous accompagnons également l'ingénierie de compétences de l'entreprise Gazelle Tech à Bordeaux, qui a créé une voiture électrique légère et évolutionnaire en matériaux composites et qui ambitionne de développer sa commercialisation dès 2024 sous forme de micro-usine de production sur les territoires. Enfin, nous avons formé avec l'Union des industries et métiers de la métallurgie 1 200 techniciens de fabrication d'éoliennes pour l'entreprise Siemens Gamesa au Havre .

De fait, l'accompagnement des dynamiques territoriales est au cœur de notre stratégie. Nos partenariats sont essentiels avec les collectivités. Nous avons de nombreux liens avec les conseils départementaux et nous développons de nouveaux projets avec les intercommunalités. Nos centres sont au cœur de leurs besoins pour les territoires : avec ses 9 millions de mètres carrés de foncier, l'Afpa est de fait, un acteur de l'aménagement solidaire du territoire.

Nous avons ainsi la capacité, avec nos deux cents sites et nos nouvelles implantations locales, de changer d'échelle en déployant des programmes nationaux sur tout le territoire, de la même manière que nous sommes capables de faire du sur-mesure au niveau local, en déployant des actions sur des territoires dépourvus d'offres structurelles.

Par ailleurs, la situation économique de l'Afpa s'est considérablement améliorée depuis 2017 : la trajectoire suivie est sérieuse et vertueuse, et nous étions, en 2021, quasiment à l'équilibre. L'année 2022 marque malheureusement un recul, mais le déficit constaté est très largement dû à deux facteurs exogènes et conjoncturels : d'une part, la baisse du taux de chômage et les difficultés de sourcing des candidats, constatées par tous les opérateurs de formation ; d'autre part, la hausse importante des prix de l'énergie, qui a eu un impact considérable sur les factures de nos centres.

Si l'Afpa a continué à bénéficier du soutien exceptionnel de l'État, cette aide n'est pas de même nature, puisque les crédits bénéficient à la transformation de l'agence alors que les précédentes subventions sur la période 2012 à 2017 soutenaient les déséquilibres structurels. Rappelons également que notre structure est singulière, puisque dans un monde de la formation en profonde mutation depuis quelques années, nous constatons une forme d'ubérisation des acteurs, qui font de plus en plus appel à des formateurs indépendants sous statut d'autoentrepreneur. C'est un constat, une réalité, mais ce n'est pas le modèle que nous soutenons pour nos équipes, afin de garantir la qualité du service rendu aux personnes formées.

Mesdames et messieurs les députés, vous l'avez compris, l'Afpa n'est pas un organisme de formation comme les autres. Elle accompagne la difficulté sociale, conduit à l'emploi durable, innove et forme aux métiers de demain ; et elle est devenue depuis 2017, un acteur de l'aménagement des territoires. Elle bénéficie d'une richesse exceptionnelle, avec des équipes très engagées, au contact de nos publics chaque jour.

C'est la raison pour laquelle je défends et j'appelle à poursuivre le développement de notre activité autour de quatre axes : des missions nationales de service public dans une vision interministérielle de l'outil Afpa, au profit de toutes les politiques publiques dans le cadre de la mise en place de France Travail ; des missions au titre des services publics régionaux de la formation professionnelle des régions et des services publics en faveur de l'insertion et de l'emploi des départements ; le développement au service des entreprises dans le cadre du marché privé ; le développement au service des individus, porteur d'un compte de formation.

Nous nous adressons à des personnes très différentes : des demandeurs d'emploi, de longue durée ou non, des salariés en reconversion, des apprentis, des femmes ou des hommes qui élèvent seuls leurs enfants, des seniors, des réfugiés, des jeunes qui ont décroché et qui sont sans projet, des personnes qui dorment dans leur voiture, comme des salariés qui ont besoin de développer leurs compétences pour construire leur vie. Ces personnes ont en commun le besoin de travailler à proximité de leur lieu d'habitation, et nous aimons dire que, « à la cantine de l'Afpa, il y a toute la France qui se forme ».

Je vous remercie et je vous invite à venir visiter les centres Afpa, dans vos circonscriptions.

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