Les articles 1er et 2 du projet de loi touchent au domaine de la santé, tandis que l'article 17 concerne le droit du travail. Les deux premiers visent l'objectif général de garantir la bonne couverture des besoins sanitaires des athlètes olympiques et paralympiques, ainsi que des personnes accréditées par le Mouvement olympique pour la durée des jeux. L'événement durera six semaines, les épreuves olympiques s'étalant du 26 juillet au 11 août et celles paralympiques du 28 août au 8 septembre.
Pendant la durée des jeux, les délégations et les personnels accrédités par le Mouvement olympique seront hébergés au sein du village olympique, dont la construction est répartie sur trois communes de Seine-Saint-Denis. Il est conçu comme une bulle sécuritaire, puisqu'il ne sera pas ouvert au public et que les flux avec l'extérieur se trouveront limités.
Pendant les jeux Olympiques et Paralympiques, quelque 15 000 athlètes résideront dans ce village, sans compter leurs accompagnants ni les personnels accrédités. C'est une véritable ville qui va surgir au milieu du département de la Seine-Saint-Denis, avec des besoins sanitaires d'autant plus considérables que les athlètes sont fortement consommateurs de certains soins. Il n'était évidemment pas question que cela affecte les territoires environnants.
Par ailleurs, l'organisation des différentes épreuves des jeux Olympiques et Paralympiques va susciter d'importants besoins de sécurisation, notamment, sur le plan sanitaire, qui doivent être traités par des moyens spécifiques à la hauteur de cet événement.
Les décisions prises par Paris 2024 sont largement dictées par sa ratification du contrat de ville hôte, dans lequel le Comité international olympique prévoit des engagements précis, comme l'obligation de créer une polyclinique olympique dans le village pour dispenser des soins d'urgence et de premier recours, ainsi que de faciliter l'exercice des médecins et professionnels de santé étrangers en France durant l'événement.
L'organisation adoptée découle aussi de l'expérience des précédents jeux Olympiques et Paralympiques, notamment ceux de Londres en 2012, et de la tradition olympique, qui veut par exemple qu'on se repose largement sur des volontaires pour couvrir les besoins liés aux athlètes et aux épreuves.
Dans la version transmise par le Sénat, l'article 1er porte création de la polyclinique olympique, et propose qu'elle prenne la forme juridique d'un centre de santé, formule administrativement légère et correspondant bien à l'offre de soins qu'on y trouvera. Cette polyclinique sera ouverte et gérée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) dans le cadre d'une convention en cours de négociation avec Paris 2024 qui prévoit la compensation à l'euro près de toutes les charges assumées par l'AP-HP. Concrètement, l'AP-HP va détacher une équipe de direction ainsi qu'une quinzaine de professionnels de santé qui seront référents pour chacune des disciplines proposées dans la polyclinique. Les soins et les tâches administratives seront cependant, pour l'essentiel, assurés par 200 volontaires français et 30 volontaires internationaux recrutés par Paris 2024.
L'expérience tirée des précédents jeux montre que les soins les plus demandés par les athlètes relèvent généralement de la médecine du sport, mais aussi du dentaire ou de l'ophtalmologie, ainsi que de certaines disciplines plus spécialisées pour les athlètes handicapés, comme l'orthopédie et l'urologie. Je précise à cet égard que l'accueil de ces derniers sera évidemment au cœur de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de manière générale et de la polyclinique en particulier. J'ai vu, à travers vos amendements, que c'était pour vous une préoccupation importante mais je pense que nous n'avons pas d'inquiétude à avoir.
L'établissement hébergera des équipements lourds d'imagerie médicale, notamment deux imageries par résonance magnétique (IRM), ainsi qu'une antenne de la pharmacie à usage intérieur de l'hôpital Bichat. Au total, la polyclinique devrait couvrir une bonne partie des besoins sanitaires du village olympique, mais pas tous. Un athlète nécessitant des soins plus spécialisés, une chirurgie ou une hospitalisation sera pris en charge dans un hôpital référent de l'AP-HP. Bichat, Avicenne et Pompidou seront ainsi mobilisés pour des volumes qui devraient être tout à fait absorbables dans leur activité quotidienne.
Je partage votre préoccupation quant à la charge que représentent les jeux pour les hôpitaux franciliens, mais elle ne découlera pas tant de l'accueil des délégations que de la sécurisation des épreuves et de l'accueil du public. Le ministère de la santé et Paris 2024 travaillent ensemble afin d'en estimer l'ampleur et de prévoir les renforts nécessaires à nos hôpitaux, dont nous connaissons la fragilité, en particulier durant la période estivale. Néanmoins, et c'est plutôt rassurant, on observe généralement durant les jeux Olympiques et Paralympiques un important effet de substitution entre ceux venant assister à l'événement et les touristes étrangers habituels, qui préfèrent décaler leur venue. De même, la pression subie par le système de soin est réduite en raison de l'annulation des festivals et des grandes manifestations ayant normalement lieu en France à cette période, laquelle restera cependant un défi sanitaire à correctement anticiper. À ce titre, nous devons veiller à recruter des volontaires ne venant pas uniquement d'Île-de-France mais de toutes nos régions.
L'article 2 permet aux médecins ainsi qu'aux professionnels de santé étrangers accompagnant les athlètes et les organismes du Mouvement olympique d'exercer en France durant la période des jeux, dans des conditions strictement encadrées. Les premiers ne pourront intervenir qu'auprès des athlètes et des délégations qu'ils accompagnent, dans des lieux déterminés. Les seconds entreront en action lors des compétitions, mais rarement avec une mission de soin. Cet article prévoit également une autorisation d'exercer pour les volontaires internationaux pratiquant leur art au sein de la polyclinique, qui ne me semble poser aucun problème en raison de son strict encadrement.
Le recrutement des volontaires internationaux pour la polyclinique se fera par voie de cooptation par Paris 2024, qui sélectionnera des profils connus du Mouvement olympique. On sait déjà qu'un spécialiste américain mondialement connu de l'imagerie de l'appareil locomoteur de l'athlète a proposé d'y exercer. Tous les volontaires s'engageront à respecter les conditions d'exercice de leur profession en France.
Les articles 1er et 2 semblent répondre de manière satisfaisante au besoin de couverture sanitaire tant des délégations que des épreuves. Notre commission devra cependant rester saisie de la réponse apportée aux besoins sanitaires de notre pays sur cette période, et suivre les mesures d'anticipations mises en place. Peut-être pourrions-nous auditionner le ministre de la santé sur cette question au cours de la prochaine session ordinaire, avec le recul d'un été que nous espérons sans crise sanitaire ?
L'article 17, quant à lui, ouvre au préfet la faculté d'autoriser un établissement de vente au détail mettant à disposition des biens ou des services à déroger à la règle du repos dominical, afin de répondre aux besoins résultant de l'afflux exceptionnel d'athlètes, de touristes et de travailleurs sur le territoire. Je rejoins l'analyse du Gouvernement, selon laquelle aucune des dérogations à la règle du repos dominical proposées par la législation en vigueur ne paraissait répondre entièrement aux besoins de l'événement, qu'il s'agisse des dérogations permanentes et de droit, sans contreparties légales pour les salariés, de celles fondées sur un critère géographique, ou encore de celles accordées par les préfets ou les maires. La création d'un dispositif dérogatoire ad hoc, bien qu'inspiré du droit en vigueur, s'imposait donc comme la solution idoine. Il sera strictement encadré et ne s'appliquera qu'à la condition qu'aucune dérogation ne soit pas déjà applicable.
Il appartiendra au préfet d'accorder une dérogation en tenant compte « des besoins du public résultant de l'affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs ». En outre, celle-ci ne pourra être accordée que dans un périmètre géographique circonscrit aux communes d'implantation des sites de compétition et à celles limitrophes ou situées à proximité de ces sites, et pour une période limitée dans le temps, comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2024. Cette période est certes plus étendue que celle des jeux mais cela s'explique par le fait que la hausse de la fréquentation des lieux accueillant les épreuves sportives débutera quelques semaines avant l'ouverture de la trente-troisième olympiade, et prendra fin plusieurs jours après la clôture de la dix-septième paralympiade. Il s'agit cependant d'une période maximale, le préfet n'étant nullement tenu d'autoriser un établissement à ouvrir le dimanche durant l'intégralité de la période.
Du reste, avant de prendre sa décision, il devra recueillir l'avis de plusieurs autorités : le conseil municipal, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont la commune est membre, la chambre de commerce et d'industrie, la chambre des métiers et de l'artisanat, les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés intéressées.
Point fondamental, les employés concernés par la mesure bénéficieront d'un certain nombre de garanties fixées par la loi et inspirées de celles existant en droit du travail. Les salariés pourront se porter volontaires et devront faire part à leur employeur de leur accord par écrit, mais pourront revenir à tout moment sur leur décision. Ils bénéficieront en outre d'une rémunération au moins égale au double de celle normalement due pour une durée identique ainsi que d'un repos compensateur équivalent en temps, à l'instar des salariés travaillant le dimanche sur décision du maire. Ils devront être également en mesure d'exercer personnellement leur droit de vote à l'occasion des scrutins nationaux et locaux qui pourraient se tenir durant la période considérée.
La commission des affaires sociales du Sénat a apporté une modification de fond à l'article 17 en remplaçant le dispositif prévoyant l'extension à plusieurs établissements d'une autorisation accordée à un établissement par la faculté laissée au préfet d'autoriser d'emblée un ou plusieurs d'entre eux à déroger à la règle du repos dominical. Présentée comme une mesure de simplification de la procédure, cette solution soulève en réalité une difficulté : elle contraint chaque établissement souhaitant bénéficier du dispositif ad hoc à formuler une demande auprès du préfet, et soumet la délivrance de l'autorisation à une instruction par les services préfectoraux. Puisqu'elle ne présente aucune valeur ajoutée ni pour les services, dont la charge de travail s'en trouvera alourdie, ni pour les établissements intéressés, je proposerai le rétablissement du dispositif initialement prévu par le Gouvernement dans une rédaction clarifiée et simplifiée.
Je veux dire pour conclure que l'article 17 est conforme aux normes juridiques qui revêtent une autorité supérieure à celle des lois, ainsi que cela ressort de l'analyse du Conseil d'État. Il est ainsi compatible avec les stipulations de la convention n° 106 de l'Organisation internationale du travail. Parce qu'il n'affecte pas la durée du repos hebdomadaire, le repos étant donné un autre jour que le dimanche, il est également compatible avec le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui reconnaît aux salariés le droit au repos, et avec l'article 5 de la directive du 4 novembre 2003 garantissant une période minimale de repos hebdomadaire. Il ne prive pas davantage de garanties légales l'exigence constitutionnelle résultant du dixième alinéa du même Préambule, qui charge la nation d'assurer à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Enfin, il ne porte pas atteinte au principe d'égalité, en particulier entre salariés, entreprises ou collectivités territoriales.