L'examen de ce projet de loi quelques jours avant le triste anniversaire de la catastrophe de Fukushima est hautement symbolique. Il organise la relance du nucléaire à marche forcée, alors que vient d'être voté un texte sur les énergies renouvelables qui contient plus de freins que d'accélérateurs – sinon pour le marché. Alors que plusieurs débats publics se tiennent en ce moment sur l'opportunité de la relance du nucléaire et qu'une nouvelle stratégie française de l'énergie et du climat doit être discutée à l'automne, cette politique du fait accompli apparaît comme un coup de force et un déni démocratique dénoncés même par la Commission nationale du débat public.
Le président Macron a lancé l'offensive dès le discours de Belfort. La droite sénatoriale, soutenue par la minorité présidentielle, a même été plus loin en détricotant l'actuelle PPE sans étude d'impact et sans avis du Conseil d'État, faisant notamment sauter les plafonds de production et de part dans le mix électrique de l'énergie nucléaire. Pire, c'est dorénavant la construction de vingt-trois réacteurs qui est envisagée, alors que le PDG d'EDF lui-même n'a osé s'engager que sur six.
L'État reprend la main de manière autoritaire et centralisée. La participation du public et les procédures environnementales sont rognées et le financement de cette relance n'est jamais sérieusement évoqué, alors que nous parlons, au bas mot, de 160 milliards d'euros. Et que dire, encore, du démantèlement de l'IRSN, qui se fait contre les salariés et au rebours des principes de la politique de sûreté, et qui décorrèle la recherche et l'expertise du contrôle et de la décision ?
L'objectif est clair : faire sauter les garde-fous pour prolonger la durée de vie des centrales et réduire l'exigence de sûreté pour miser sur des technologies du type EPR2 ou SMR (petits réacteurs modulaires), qui ne sont aujourd'hui que des rêves industriels, voire le fantasme d'un président qui se rêve en nouveau de Gaulle, pour le pire ou pour le pire encore.
Nous devons pourtant nous garder de jouer les apprentis sorciers, parce que les risques inhérents au nucléaire sont immenses et l'accident toujours possible, mais aussi pour la stabilité géopolitique et pour notre souveraineté énergétique – car, rappelons-le, l'uranium ne pousse pas dans nos jardins.
Enfin, ce choix de société engage les générations futures en raison de l'accumulation sans fin et sans solution de déchets radioactifs. À l'heure où le ministre Béchu prévoit un scénario de réchauffement à plus de 4 degrés, avec son lot de sécheresses, ce projet de loi n'est pas seulement climato-sceptique, mais aussi climato-sourd et aveugle. De fait, l'eau n'est pas seulement nécessaire pour refroidir une centrale, mais d'abord pour la faire fonctionner : ce n'est pas l'uranium qui fait tourner la turbine !
Enfin, alors que de nouvelles centrales ne pourront être mises en service avant 2037, cette fuite en avant nous écarte de nos engagements climatiques et de l'objectif de 100 % d'énergie renouvelable, scénario pourtant rendu crédible par RTE.
Il est donc urgent, non pas d'accélérer la construction de nouvelles installations, mais bien de planifier la sortie de l'atome à un horizon de temps raisonnable, en intégrant la transition professionnelle des salariés du secteur. Nous appellerons donc à voter contre ce texte.