L'EPR était un projet franco-allemand imaginé par Areva et Siemens ; Siemens avait d'ailleurs une partie du capital d'Areva. Après l'accident de Fukushima, Mme la chancelière Merkel a décidé le retrait des Allemands et nous nous sommes retrouvés avec un EPR qui n'était pas tout à fait de la paternité d'EDF. C'était donc déjà un compromis. Cela a eu lieu dans les années 2011 ou 2012.
Lorsque s'est produite l'affaire Alstom, j'ai évoqué l'idée d'une union des pays européens non pas sur le nucléaire, cœur du réacteur, mais sur les outils énergétiques industriels que Siemens et Alstom avaient en commun, turbines à vapeur et énergies renouvelables. Quand les Américains ont attaqué Alstom, j'ai organisé la parade en allant chercher les Allemands et les Japonais, qui travaillaient ensemble. Je considérais que mieux valait un bon accord avec nos amis allemands, avec nos points forts et nos points faibles, que la destruction d'Alstom Power par les Américains – ce qui s'est peu ou prou passé.
Une rencontre a eu lieu dans mon bureau avec Joe Kaeser, le président de Siemens, et son directeur général, pour déterminer comment trouver un accord. Il était possible, mais difficile en raison du ferroviaire ; dans ce secteur, il y avait beaucoup de doublons et on risquait une catastrophe sociale. Or, l'Airbus de l'énergie ne pouvait pas s'envisager sans le ferroviaire. D'ailleurs, dans l'accord que nous avons pu passer avec General Electric grâce au décret du 14 mai 2014, j'avais imposé le rachat par Alstom Transport de la signalisation ferroviaire ; mais cela non plus n'a jamais eu de suite, cet accord n'ayant pas été mis en œuvre par la France et par mon successeur. J'étais dans une situation complexe : j'étais contraint d'accepter un accord avec les Américains mais j'en fixais les modalités et les conditions. L'accord avec nos partenaires et amis allemands n'a pas pu se faire. Il aurait pourtant, selon moi, été plus équilibré, en dépit des obstacles relatifs au volet ferroviaire.