La souveraineté est au cœur de la vie et de la survie des nations et nous n'échappons pas à cette règle. C'est une grande conquête que d'être souverain ; c'est un acquis de la Révolution française et s'interroger sur le sens de la souveraineté n'est pas une grossièreté. C'est le droit et la liberté d'une nation de choisir son destin et de s'organiser pour ce faire. Cette question nous ramène à la question de l'indépendance, et donc de la non-dépendance, et à la liberté de choisir. Éviter d'être soumis au chantage et aux pressions, c'est pour un pays la définition de la puissance, de la force, et donc de la grandeur. Ces mots existent dans les tréfonds collectifs de notre pays, toutes sensibilités politiques confondues.
Quant à l'énergie, c'est évidemment la sève de l'économie, non un but en soi mais « l'industrie de l'industrie » : sans maîtrise de ses outils industriels de production énergétique, un pays n'a pas d'indépendance économique. Nos anciens l'ont compris, qui, génération après génération, ont bâti méticuleusement ces outils. Et lorsque nous parlons maintenant de réindustrialiser, impératif national étant donné la situation économique de notre pays, nous sommes en droit de nous demander avec quels outils énergétiques nous allons le faire.
Dans le questionnaire que vous m'avez adressé, vous m'interrogez sur ma sensibilité à la question de la souveraineté énergétique dans l'exercice de mes fonctions ministérielles. Le ministère du redressement productif était l'un des premiers ministères souverainistes puisqu'il avait pour mission explicite de conserver les appareils productifs. C'était un travail terrible dans ce moment d'affaissement économique qu'était la suite de la grande récession de 2008-2009, une époque marquée par l'effondrement de notre industrie. J'étais chargé de lutter contre une vague de désindustrialisation, d'abord en conservant et en préservant le plus possible. J'avais nommé des commissaires au redressement productif dans tous les territoires ; certains existent encore, comme existent encore certaines petites ou moyennes entreprises comme il y en a dans votre région, monsieur le président, pour la survie desquelles nous nous sommes battus. J'ai le souvenir de batailles épiques, y compris contre des institutions judiciaires qui voulaient en finir avec telle entreprise aujourd'hui florissante. La bataille était d'abord culturelle : il s'agissait de bien vouloir admettre que, tout comme les malades qui se présentent à la porte des hôpitaux, toute entreprise en difficulté n'est pas condamnée à mourir. Nous essayions donc d'organiser leur survie, et pendant ce demi-quinquennat j'ai fait ce travail de Titan avec mon équipe, les commissaires au redressement productif, les préfets et les directions régionales de l'industrie de la recherche et de l'environnement. Ayant repris les archives, je peux vous dire qu'il y a eu 1 693 interventions concernant 250 000 emplois menacés dont nous avons sauvé 210 000. Ce résultat vaut ce qu'il vaut ; il n'enjolive rien et ne décrit pas grand-chose mais il dit les efforts faits.
Le deuxième volet de mon action visait à recréer ce que nous avions perdu : rapatrier, peut-être, mais en tout cas recréer. C'était le sens des trente-quatre plans industriels que vous avez mentionnés. Ils n'ont pas été élaborés par le ministère mais par les filières concernées, dont la filière nucléaire et celle des minerais et des matières premières. Nous avons pour cela réussi à faire travailler ensemble de grandes et de petites entreprises – je disais souvent que c'était le contraire de la politique européenne de la concurrence, puisque nous organisions des cartels… Ce sont ces plans construits par les filières que nous avons portés et en partie financés. Neuf sur trente-quatre concernaient peu ou prou les questions énergétiques ; j'ai apporté la documentation archivée correspondante.
Sur les raisons de la situation actuelle, j'ai trois réponses à vous donner.
La première est que nous n'avons pas résolu le problème de notre dépendance aux énergies fossiles – elle s'est même aggravée. C'est une première responsabilité : on aurait pu imaginer, au cours des années écoulées, une autre trajectoire pour ce qui est de la consommation de charbon et surtout de pétrole et de gaz. Ensuite, les énergies renouvelables ont échoué à remplacer les énergies fossiles. Enfin, nous avons affaibli nous-mêmes l'indépendance que nous avions constituée avec notre appareil de production électrique d'origine nucléaire.
Nous vivons aujourd'hui un choc pétrolier qui n'est pas mondial mais seulement européen, auquel je vois deux causes. La première est notre incapacité structurelle à mener des politiques d'économie d'énergie. Nous n'avons jamais réussi à desserrer l'étau de cette dépendance. J'en veux pour preuve le bâtiment. On parle depuis vingt ans au moins de la rénovation thermique des bâtiments et les plans se succèdent ; il y en a eu un, deux, dix, annoncés par chaque gouvernement et même chaque ministre : quatre ministres de l'environnement ou de l'écologie se sont succédé en deux ans et demi pendant que j'étais ministre de l'industrie, et pendant cette période, il y a eu au moins deux plans relatifs à la rénovation thermique des bâtiments. Nous sommes donc dans une impasse, pour la raison simple qu'il n'y a pas de système financier capable de supporter l'absence de rentabilité, sachant qu'il faut entre quarante et cinquante ans pour rentabiliser ces améliorations. Comme on n'a pas établi le système financier adéquat, on n'a pas construit les outils industriels de remplacement.
D'autre part, la France a un parc de 11 millions de chaudières au fioul et au gaz, et on ne s'est pas vraiment préoccupé de savoir par quoi les remplacer. Des solutions technologiques n'ont pas été exploitées, par exemple la géothermie de surface dont vous savez l'impact, monsieur le président, vous qui êtes alsacien. On aurait pu bâtir une industrie de la pompe à chaleur géothermale ; comme on ne l'a pas fait, des Français, aujourd'hui, ne se chauffent pas l'hiver parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer le prix du gaz.
On ne peut non plus se voiler la face au sujet de nos échecs dans les transports. Je n'accuse personne – et s'il y avait accusation, je pourrais m'accuser moi-même – mais en matière de transports on ne peut pas tout miser sur l'électrique quand il y a en France 38 millions de véhicules thermiques et un million de véhicules électriques. Notre analyse était qu'il fallait pousser le véhicule électrique à condition que nous maîtrisions ce qui en fait la valeur – la batterie. Quelques briques manquant à ce sujet au laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten) du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), j'avais élaboré « un plan batterie ». Quand je discutais avec M. Carlos Ghosn, patron de Renault à l'époque, je lui disais vouloir des batteries produites en France, à quoi il me répondait qu'elles seraient coréennes ou japonaises parce que ce n'était pas possible ici. En désaccord avec ce point de vue, j'ai insisté sur la nécessité d'un plan spécifique avec l'industrie automobile, dont l'élaboration prendrait le temps qu'il faudrait mais qui serait fait. Ce plan était doublé d'un autre, celui des deux constructeurs français PSA et Renault, qui visaient la fabrication d'un véhicule consommant deux litres aux 100 kilomètres. Si nous disposions aujourd'hui de véhicules de ce type, ne pensez-vous pas que notre industrie automobile aurait un certain succès ? Quand on a 38 millions de véhicules thermiques, on sait parfaitement qu'on ne pourra pas les remplacer tous au prix où est vendu le véhicule électrique !
Malheureusement, ces plans industriels ont été abandonnés après mon départ. Je le regrette, parce que je considère que les politiques industrielles sont des politiques transpartisanes, quels que soient les ministres et les alternances. Mon prédécesseur, M. Christian Estrosi, avait laissé derrière lui le Conseil national de l'industrie ; j'ai jugé cela très bien et nous l'avons laissé poursuivre ses activités. Mon successeur, un honorable ministre qui a eu un certain destin, n'a pas donné suite à ces plans, et maintenant, on sort un « plan batterie » tendant, dit-on, à fabriquer des batteries en France – à savoir assembler des pièces venues d'ailleurs. Si l'on avait pris ces dix ans pour bâtir le plan batterie que j'avais envisagé, outre que l'on n'en serait peut-être pas là sur le plan de la souveraineté, on ne serait peut-être pas non plus dans une situation telle que des Français ne peuvent aller travailler, incapables qu'ils sont d'alimenter leur véhicule avec de l'essence ou du gazole vendus deux euros le litre. Aujourd'hui, la consommation moyenne est de six litres aux 100 kilomètres. En serions-nous à deux litres, soit trois fois moins, que nous aurions gagné en indépendance énergétique, donc en souveraineté. Nous l'avions pensé il y a dix ans, il y n'a pas eu de suite. C'est dommage, et la commission d'enquête peut ouvrir l'esprit public sur cette absence de continuité transpartisane, voire transpersonnelle, puisque, en l'espèce, la majorité était la même.
Le deuxième élément d'aggravation est l'atteinte à l'indépendance énergétique de la France par les décisions européennes. Je n'accuse pas particulièrement l'Europe – comme vous venez de l'entendre, j'ai quelques critiques à notre propre encontre – mais enfin, que dire des règles de fixation du prix de l'électricité européenne, indexé sur le gaz ? Cela ne posait pas de problème jusqu'à ce que le gaz devienne un bien rare coûtant une fortune. Quand ce mécanisme organise la contagion de la flambée du prix du gaz aux factures d'électricité du particulier, du petit entrepreneur et de la grande entreprise, il détruit l'économie française, actuellement en état d'étouffement économique. Quand le patron de Michelin expose publiquement que la facture électrique du groupe était de 250 millions d'euros l'année dernière, qu'elle dépasse maintenant le milliard et que si cette ascension se poursuit encore six mois il déménagera toutes les usines Michelin hors de France, c'est qu'il y a un problème.
Et encore : une pétition circule, que j'ai signée parce que je suis entrepreneur. Je fabrique des glaces à la ferme, et je peux vous dire que, à ce rythme, nous allons les fabriquer à perte. Je suis obligé de continuer à travailler – j'ai des employés, et des paysans travaillent – mais le prix de l'électricité a explosé et comme nous sommes en bout de ligne, nous ne pouvons renégocier les contrats : le prix est imposé, et c'est tout. Aussi, circule sur le Net une pétition signée par 25 000 entrepreneurs demandant que nous nous déconnections non du marché européen mais de la fabrication du prix européen de l'énergie. Cela ne nous empêchera pas de vendre et d'acheter l'électricité mais nous donnera un peu de liberté. La présidente de la Commission de régulation de l'énergie, ancienne ministre, me dit que « ça va venir ». Mais il y a urgence ! J'appelle donc votre commission à reprendre ce cri d'alarme de la base que l'on n'entend pas. On a entendu les boulangers, mais toute l'économie est concernée.
La deuxième cause de la situation actuelle, c'est l'échec des énergies renouvelables à remplacer les énergies fossiles. Cet échec n'est pas seulement français, il est européen. L'Allemagne a investi 500 milliards d'euros dans les énergies renouvelables et, en quinze ans, elle a ouvert dix centrales à charbon et au gaz – c'est la réalité : j'en ai la liste. Pour notre part, nous avons investi 200 milliards d'euros, et nous n'avons pas fermé nos centrales à charbon : Cordemais et Saint-Avold ont été réouverts et continuent à fonctionner – Mme Batho et moi-même les avions fermées. Mieux : on a ouvert, en 2022, une centrale au gaz à Landivisiau. On voit bien que la mécanique des énergies renouvelables, c'est un couplage avec de l'énergie pilotable. Or, les énergies renouvelables ne sont pas pilotables – nous ne décidons ni le vent ni l'ensoleillement –, elles sont aussi coûteuses que le nucléaire et elles réduisent le solde d'exportation d'électricité puisque le nucléaire permet d'exporter de l'électricité produite par des réacteurs amortis, et donc peu chère. Pour les énergies renouvelables, nous importons du matériel, et nous n'avons jamais réussi à convaincre les Allemands d'imposer des taxes anti-dumping aux panneaux photovoltaïques chinois. J'avais demandé au ministre américain de l'énergie, de passage à Paris, comment les États-Unis procèdent à ce sujet. Sa réponse avait été : « Nous taxons et nous avons des représailles que nous assumons ». De cette manière, les Américains ont conservé leur industrie du panneau photovoltaïque. Nous ne l'avons pas fait, si bien que l'industrie allemande, italienne, espagnole et française du panneau photovoltaïque a été détruite, et quand on installe les panneaux photovoltaïques, on fait des chèques aux Chinois.
L'échec des énergies renouvelables s'explique aussi par la perte de contrôle d'Alstom, qui faisait de la France le leader des turbines hydrauliques avec 25 % du marché mondial et qui est passé sous contrôle américain. Il y avait les machines et les turbines pour l'éolien maritime, passées sous contrôle américain. Il y avait la Business Unit des réseaux, passée sous contrôle américain – par notre propre faute : ce n'est pas l'Europe, c'est nous.
Enfin se pose le problème de l'acceptabilité sociale de ces modes de production de l'énergie.
Ces éléments ont fait que non seulement les énergies renouvelables n'ont pas réussi à nous débarrasser de la dépendance des énergies fossiles mais que nous n'avons pas construit les outils industriels qui nous auraient permis d'être puissants en ce domaine.
La troisième raison, à mon avis la plus importante, de la situation présente, est l'affaiblissement par nos propres efforts, si j'ose dire, de notre indépendance énergétique patiemment construite dans la filière nucléaire. De cet affaiblissement, dont j'ai été le témoin oculaire et actif, je voudrais vous faire la narration aussi précise que possible, aussi documentée que nécessaire. J'ai apporté les éléments et documents internes à l'administration et au gouvernement de l'époque pour que vous disposiez des traces écrites des discussions qui ont eu lieu au sein du collège gouvernemental au sujet du nucléaire.
Parce que je souhaite être aussi honnête et désintéressé que je dois l'être, je rappellerai par souci déontologique que j'ai été élu pendant dix-huit ans en Saône-et-Loire comme président du département et comme député pendant trois mandats. La Saône-et-Loire abrite toute l'industrie de la forge, de la chaudronnerie industrielle de Framatome, l'ex-Areva devenu Framatome et Orano. J'ai eu à connaître de l'intérieur cette industrie : ses fragilités, ses forces, l'extraordinaire génie qui lui a permis de reprendre une licence Westinghouse et de construire en très peu de temps une industrie aussi fiable, qui n'a pas connu d'accident, qui a su organiser son propre contrôle pour éviter les dérapages et offrir à la France une indépendance exceptionnelle tout en faisant travailler ses territoires. Huit ans après la fin de mon dernier mandat, celui de conseiller général, je n'ai pas changé d'avis. J'exprime donc la parole d'un homme libre, qui n'a pas d'intérêt dans l'industrie nucléaire mais qui pense que c'est un attribut considérable pour l'indépendance de la France.
Je ferai débuter mon témoignage au mois de novembre 2011. Á l'époque, j'étais membre du bureau national du Parti socialiste, parti que j'ai quitté il y a un certain temps. J'ai donc été témoin de l'adoption par le Parti socialiste de l'accord passé avec Europe Écologie Les Verts.
J'étais arrivé troisième à la primaire, après avoir mis en ballottage Mme Aubry et M. Hollande. M. Hollande a gagné la primaire, Mme Aubry dirigeait le parti socialiste et j'étais dans la majorité de Mme Aubry ; j'étais donc au courant de l'accord qui avait été passé avec Mme Duflot, qui dirigeait à l'époque le parti Europe Écologie Les Verts. Ces deux dirigeantes de haute qualité, dont l'une avait été ministre et l'autre allait le devenir, ont décidé en 2011 de conclure un accord prévoyant de limiter à 50 % de la production électrique l'électricité d'origine nucléaire à l'horizon 2025, ce qui devait se traduire par la fermeture de vingt-quatre réacteurs à cette échéance. Cet accord, négocié sans que je participe aux négociations, était passé en contrepartie de circonscriptions : soixante circonscriptions avaient été offertes au parti écologiste. Cela a d'ailleurs provoqué de nombreuses réactions, y compris en Saône-et-Loire. Une circonscription de mon département lui ayant été affectée, j'ai indiqué que nous ne soutiendrions en aucun cas quelqu'un qui allait taper sur l'industrie nucléaire dans le département où l'on fabriquait des chaudières nucléaires ; nous avons présenté une des vice-présidentes du conseil général, qui a été élué contre le candidat des Verts, parce que nous ne voulions pas accepter cet accord.
Vous avez demandé à plusieurs dirigeants politiques comment avait été noué cet accord, présenté à l'époque par Mme Aubry comme un changement de société et par Mme Duflot comme une rupture historique. Pour moi, c'est un accord de coin de table : on s'est mis d'accord sur un marqueur politique propre à frapper les esprits et on s'est retrouvé avec un programme conformément auquel il fallait fermer 24 réacteurs – et après, vogue la galère ! L'accord a quand même fait l'objet d'un vote au bureau national du Parti socialiste ; il a recueilli 33 voix favorables contre 5, dont la mienne. Quelques prises de parole ont eu lieu pour dire qu'il n'était pas acceptable de briser d'un trait de plume une industrie de cette nature. Nous n'étions pas très nombreux à nous exprimer ainsi ; les réactions qui se sont enchaînées au sein du parti étaient principalement dues à la question des circonscriptions et bien trop peu au problème des réacteurs. Je crois que M. Cazeneuve s'est exprimé en ce sens mais je ne pense pas qu'il était membre du bureau national. Même si vous êtes remontés jusqu'à l'époque du gouvernement Jospin avec la fermeture de Creys-Malville et du prototype de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium, c'est avec cet accord qu'a commencé l'affaiblissement de la filière nucléaire, car cette fois il s'agissait d'arrêter vingt-quatre réacteurs en état de marche.
Quelles conséquences cela a-t-il eu dans le processus décisionnel ? M. François Hollande, candidat de notre parti, a immédiatement déclaré ne pas vouloir fermer vingt-quatre réacteurs mais seulement le plus ancien d'entre eux, Fessenheim, et il a maintenu l'objectif de la réduction de moitié de la part de l'électricité d'origine nucléaire dans la production d'électricité du pays à l'horizon 2025. Il est entré à l'Élysée sur cette base, ayant en quelque sorte nettoyé l'accord de ses excès. En arrivant au ministère en 2012, je trouve une filière nucléaire très structurée autour d'EDF, Areva et du CEA, qui rassemble 2 500 entreprises employant 220 000 salariés, avec un chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros, exportant pour 5,6 milliards et investissant 1,8 milliard en recherche et développement, ce qui fait d'elle une des filières les plus innovantes du pays, et qui prévoyait 110 000 recrutements.
En cette période d'affaissement de l'économie et de l'industrie, nous avons là une filière qui tient debout, solide sur ses bases, et qui se trouve confrontée au programme du nouveau président. En 2011, le Conseil de politique nucléaire avait désigné EDF chef de file de la filière et j'ai jugé qu'il n'y avait aucune raison de remettre en cause cette excellente décision. Au sein de ce conseil, où je siégeais ès qualités, nucléaire civil et nucléaire militaire discutent de la cohérence de la politique d'ensemble, et nous avions évidemment tous en tête la réussite de ce modèle d'entreprise publique grâce à laquelle le prix de l'électricité en France était deux fois et demie moins élevé qu'en Allemagne. Á l'époque, nous avions des problèmes de compétitivité et nous étions contents que, grâce aux efforts des générations précédentes, le prix de l'énergie en France soit le moins cher d'Europe, que cette électricité soit la moins émettrice de CO2 d'Europe, qu'elle s'appuie sur deux technologies, l'hydraulique et le nucléaire. Á l'exportation, nous étions à Taïshan et à Olkiluoto ; Hinkley Point est ensuite arrivé avec Sizewell. Donc, EDF n'exportait pas que de l'énergie, toute la filière était exportatrice.
J'ai continué cet effort d'exportation et pour cela constitué « l'équipe de France du nucléaire », pilotée à l'époque par M. Proglio avec qui j'entretenais des rapports de patriotisme économique. Tout le monde sait quelles sont les opinions de M. Proglio et quelles sont les miennes, mais nous étions d'accord pour dire qu'il fallait gagner à l'exportation. J'ai donc emmené cette équipe en Arabie Saoudite. Ensuite, nous avons perdu, les Saoudiens ayant choisi une autre solution que la nôtre, mais nous avons fait ce travail très important.
Nous nous préoccupions bien sûr de toute la filière, sous-traitants compris. Vous trouverez dans la documentation que je transmets à votre commission le compte rendu du conseil de la filière que nous avions réuni pour traiter de toutes les questions sociales concrètes – recrutement, formation – avec les syndicats et le patronat des entreprises de la filière.
Mon ministère était chargé d'exprimer la politique de l'État actionnaire aux conseils d'administration d'EDF et d'Areva, mais la politique énergétique m'échappait puisqu'elle était entre les mains de ma collègue ministre de l'écologie. Or, je considère que la place du ministère de l'énergie est un sujet stratégique ; c'est, à mon sens, un sujet de réflexion pour votre commission. On peut imaginer que la question énergétique relève de l'écologie ; on peut aussi imaginer qu'elle relève de l'économie et de l'industrie. J'ai noté que depuis le Grenelle de l'environnement le ministère de l'énergie était rattaché à l'écologie ; je constate que, depuis peu, il en est détaché. À mon avis, la bonne méthode serait de faire cohabiter « l'industrie de l'industrie » et l'industrie.
Dans le contexte d'affaissement industriel que nous connaissions, nous étions confrontés à l'engagement pris par M. Hollande, président de la République, de démonter une filière archi-profitable, exportatrice et qui investissait. Pour mon équipe et moi-même, c'était un énorme problème. Je vous le dis franchement, nous considérions que cet engagement ne pourrait jamais être tenu parce qu'il menait à une impasse. Il était impossible de réduire la part d'électricité d'énergie d'origine nucléaire à la moitié moitié de la production d'électricité totale en treize ans sans fermer deux réacteurs par an. Comme c'était de l'électricité pilotable, il aurait alors fallu réouvrir les centrales à charbon et au gaz que l'on me demandait de fermer avec la ministre de l'écologie, au grand dam de travailleurs pas très contents qu'on leur annonce la fin du charbon. Nous savions que si nous fermions des réacteurs nucléaires, il se passerait la même chose qu'en Allemagne où l'on a fermé onze centrales nucléaires et, en même temps, réouvert dix centrales à charbon et au gaz. Tout le monde en avait conscience. La Belgique est en train de faire la même chose.
Nous n'avions pas la capacité de remplacement du nucléaire par les énergies renouvelables en si peu de temps : le remplacement d'un réacteur nucléaire fermé suppose l'installation de 800 éoliennes – où va-t-on les mettre ? – et coûte quatre milliards d'euros. Donc, on allait détruire des capacités de production profitables, amorties, pouvant durer encore plusieurs décennies et qu'il faudrait remplacer par de nouvelles capacités. Tout cela n'avait aucun sens ; c'était une impasse technique, économique, financière et industrielle, comme le souligne avec une parfaite clarté une note du 3 juin 2014, que je vous transmettrai, co-signée par la direction du Trésor, l'Agence des participations de l'État (APE) et la direction générale des entreprises et destinée aux ministres en fonction à Bercy.
Pour ma part, je considérais que fermer des centrales nucléaires archi-profitables, amorties et certifiées par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et envoyer leurs employés au chômage était de la pure destruction de valeur, par bêtise politique. Je vous communiquerai une note de mon cabinet en faisant la démonstration quand nous avons eu à traiter l'affaire de Fessenheim. Cette note, transmise au collège ministériel, au Premier ministre et au président de la République, fait état d'une perte de 4 milliards d'euros en vingt ans : il faudra réinvestir dans des capacités de production qui ne sont toujours pas là et, par ailleurs, 950 employés sont envoyés au chômage. Alors que je passais mon temps à éviter de fermer des usines qui faisaient faillite, on me demandait de fermer des usines rentables. C'était ubuesque, et les discussions interministérielles se passaient très mal. J'ai donc décidé, avec mon équipe, d'ouvrir la bataille politique contre cette absurdité.
J'ai d'abord pris appui sur la filière et sur le Conseil national de l'industrie qui, le 29 juillet 2013, a rendu un avis unanime. Á l'initiative de M. Jean-François Dehencq, son vice-président, président d'honneur de Sanofi, un homme réputé pour son indépendance, tous les membres du Conseil sans exception – représentants des syndicats et du patronat – ont formulé un avis exprimant le besoin d'énergie nucléaire. J'ai moi-même déclaré, ès qualités, que je considérais la filière nucléaire comme une filière d'avenir. Je voulais faire savoir à ceux qui travaillent dans les centrales et les entreprises nucléaires qu'au sein du Gouvernement des gens cherchaient à équilibrer l'absurdité de décisions prises pendant les campagnes politiques et qui n'avaient aucun sens sur le plan économique, ni donc pour l'intérêt national.
L'impasse est très vite apparue. D'abord, il y a eu la valse des ministres de l'environnement et de l'énergie – quatre ministres en deux ans et demi. Ensuite, aucun d'eux ne réussissait à élaborer la loi de transition énergétique, pour la raison que c'était impossible : vous ne pouvez pas dire « nous fermons les centrales nucléaires » si vous n'avez pas de quoi les remplacer. Aussi, chaque nouveau ministre s'attelait à la tâche et n'y parvenait évidemment pas, se rendant compte que mettre en œuvre la promesse présidentielle en limitant à 50 % de la production électrique l'électricité d'origine nucléaire à l'horizon 2025 obligerait à fermer des réacteurs… ce que le président de la République ne voulait pas, ayant compris que ça commençait à barder à Fessenheim. Donc, voulant sans vouloir, le président lui-même était empêtré dans ces compromis, ces synthèses de guingois qui rappellent la IVe République.
La première mesure prise a été de repousser l'échéance à 2030 – une première victoire. Puis il a été décidé de ne rien inscrire à ce sujet dans la loi et de renvoyer à un décret – le programme pluriannuel d'énergie. Ensuite, faute de majorité pour voter cela, il a été décidé de fixer dans ce décret un plafond de 63 gigawatts à la capacité du parc nucléaire. Et finalement n'est resté qu'un seul symbole, Fessenheim, martyr de cette politique absurde. C'est tombé sur vous, monsieur le président, sur les Alsaciens. Je signale quand même qu'au cours d'une réunion interministérielle, la directrice de cabinet de Mme Ségolène Royal, Mme Élisabeth Borne, est arrivée avec une liste des réacteurs à fermer. Je tiens à le mentionner parce que cette affaire a eu une suite : j'ai appelé moi-même Mme Royal pour lui dire qu'il était hors de question de désigner dans la loi, en fonction d'arbitrages interministériels, les réacteurs qui seront les martyrs, que je ne serais pas là pour faire cela et qu'un tel texte n'aurait pas mon contreseing. Mme Royal a convaincu sa directrice de cabinet – je crois qu'elle vous l'a dit au cours de son audition – qu'il ne fallait surtout pas mettre les noms ; mais les chiffres sont restés dans l'air. Il ne faut pas s'étonner si les promesses politiques faites dans les programmes politiques sont mises en œuvre ; aussi, mieux vaut faire attention quand on rédige les programmes, je le dis pour les oreilles éventuellement attentives.
Les combats que mon équipe et moi-même avons menés pendant cette moitié de quinquennat ont d'abord concerné Fessenheim. J'ai mis à votre disposition les notes de mon cabinet et de mon administration que j'ai adressées à mes collègues ; tout cela était mutualisé et connu. L'accord initial a été rédigé sur un coin de table par Mme Duflot et Mme Aubry, mais ensuite l'appareil d'État a examiné les conséquences de tout cela.
Mon deuxième combat a porté sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs à soixante ans et non à quarante ans. C'est l'affaire du grand carénage. Vous trouverez dans la documentation que je vous transmets un courrier que j'ai adressé au Premier ministre et au président de la République, leur disant que s'ils imposaient une limite arbitraire de quarante ans sans examen par l'ASN, il n'y aurait pas de grand carénage, si bien que même les réacteurs parfaitement en état de produire ne pourraient être prolongés, il en résulterait que l'on ne pourrait pas amortir les réacteurs sur cinquante ans si bien que le prix de l'électricité augmenterait, ce qu'ils ne voulaient pas.
Enfin, au moment de l'arbitrage relatif à la loi pour la transition énergétique et de l'idée, annoncée dans la conférence environnementale par le président de la République de l'époque, de plafonner à 63 gigawatts la capacité du parc nucléaire, j'ai adressé une lettre solennelle au Premier ministre. Je vous en ai remis copie mais je vous en lirai quelques extraits, parce que ce courrier retrace la bataille interne au Gouvernement lors de la discussion interministérielle sur ce que contiendrait la loi. Certains voulaient inscrire dans le texte les réacteurs à sacrifier ; je leur répondais qu'il n'en serait rien ; le Premier ministre et le Président de la République étaient au milieu.
J'ai donc écrit, le 6 juin 2014, une lettre au Premier ministre, Manuel Valls : « Le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie a prévu dans le texte du projet de loi pour la transition énergétique qui n'a été soumis à concertation interministérielle que ces derniers jours une limitation de la durée de vie des réacteurs du parc nucléaire à quarante ans. Cette option, qui avait été envisagée il y a un an, avait été écartée avant la dernière conférence environnementale dans le cadre d'un arbitrage rendu par le président de la République ».
Vous voyez que l'on revient sur des arbitrages du Président. La lutte était donc permanente, l'instabilité dans ce dossier était patente, et on n'arrivait pas à avoir une doctrine politique puisqu'on n'arrivait pas à mettre en œuvre les promesses délirantes faites pendant la campagne.
Je poursuis : « La programmation pluriannuelle de l'énergie établirait, en amont, une trajectoire de baisse de la capacité nucléaire installée, dont les services du Ministère de l'Énergie ont confirmé ces derniers mois qu'elle correspondrait à la fermeture d'une vingtaine de réacteurs d'ici 2025. Sur cette base, EDF devrait indiquer les réacteurs qu'il compte fermer pour respecter cette trajectoire, et seuls les autres réacteurs pourraient bénéficier d'une prolongation de leur durée de vie au-delà de quarante ans ».
On voit là que comme le Gouvernement ne veut plus désigner les réacteurs à fermer, on demande à EDF de le faire ; vous voyez à quel point d'hypocrisie on en était.
Je poursuis : « Ce mécanisme me semble particulièrement dangereux sur le plan de la sécurité d'approvisionnement, de la compétitivité de l'économie, des finances publiques et de l'emploi. Il me semble par ailleurs porter de grands risques politiques.
« En premier lieu, il consiste à décider de manière irréversible la fermeture de réacteurs sur la base de prévisions de développement des énergies renouvelables par nature très incertaines. Il en résulterait un affaiblissement de la sécurité d'approvisionnement mais également un risque fort que le développement très rapide des énergies renouvelables, rendu nécessaire par la décision de fermeture des réacteurs, soit particulièrement coûteux pour les consommateurs et les finances publiques. Par ailleurs ce rythme ne permettra pas un développement concomitant des filières industrielles concernées. Enfin, l'intermittence des énergies renouvelables devrait être compensée par un surcroît de capacités de production fossiles, ce qui irait à l'encontre des objectifs de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre qui est l'objectif principal de la transition énergétique.
« En second lieu, la limitation à quarante ans de la durée de vie des réacteurs remettrait en cause le programme d'investissement de 55 milliards envisagés par EDF pour la prolongation de la durée de vie de ses réacteurs. En effet, ce dernier ne pourra pas engager ce programme global d'investissement dans son parc au regard des incertitudes sur la possibilité ou non de disposer d'une prolongation de la durée de vie des réacteurs, décision sur laquelle il n'aura pas prise (…).
« Compte tenu de l'importance de cette question, qui engagera très fortement la politique énergique française sur les prochaines décennies, et des enjeux économiques, sociaux et politiques qu'elle emporte, j'estime nécessaire que vous puissiez l'arbitrer à votre niveau, en réunissant les ministres concernés autour de vous.
« Il faut réagir vite ».
« Je compte sur toi, amitiés ».
Ensuite, je suis parti. Donc, vous interrogerez à ce sujet mon honorable successeur, s'il répond aux convocations de votre commission d'enquête.
Mon autre combat a eu lieu en faveur du projet de réacteur à neutrons rapides Astrid, pour Advanced sodium technological reactor for industrial demonstration. Dans le cadre de l'austérité budgétaire de l'époque, on s'en est pris à un programme de recherche très important. Je crois pourtant que M. Yves Bréchet, que nous consultions, vous a dit exactement ce qu'il fallait penser de ce projet : c'était le moyen de résoudre le problème des déchets nucléaires et donc de boucler le système énergétique et d'assurer l'indépendance de la France en la matière pour de nombreuses années.
Enfin, dans la série des affaiblissements décidés par nos soins, il en est un, beaucoup plus célèbre que les autres, qui a affaibli nos capacités industrielles dans l'énergie : l'affaire de la vente de la branche « énergie » d'Alstom alors qu'Alstom était un leader dans les réseaux électriques, l'hydraulique et les turbines à vapeur utilisées dans la production d'énergie électrique nucléaire. Je considère que cette destruction aurait pu être évitée au nom de la souveraineté nationale. Je vous ai transmis la narration que j'ai faite de cet épisode dans un livre dont un chapitre est consacré à cette histoire dont j'ai tenu à ce qu'elle soit sue. Verba volant, scripta manent … les paroles s'envolent, les écrits restent, et vous comprendrez en lisant les 30 pages que je vais résumer que nous aurions pu avoir des réflexes souverainistes tout à fait acceptables.
La National Security Agency (NSA) avait été imaginée par le gouvernement américain pour lutter contre le terrorisme en écoutant toutes les conversations de la terre, et il s'en est servi à des fins économiques. Selon les révélations faites par Edward Snowden, 75 millions de conversations et de mails d'autorités et de citoyens français ont été écoutés et lus, sans que cela provoque d'ailleurs de grandes protestations. Surtout, quand un cadre d'Alstom était incarcéré, on a sorti 1,5 million de mails à charge, dont son avocat a dit que leur seule lecture lui demanderait trois ans. On comprend l'importance du système d'espionnage économique utilisé contre nous, contre Alstom et contre la France. Cette affaire a donné lieu à un chantage contre le président d'Alstom, qui a donc décidé, pour se sauver lui-même, de vendre notre fleuron national dans le dos du Gouvernement. Cela a eu pour conséquence que nous perdions 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur les 25 correspondant à l'ensemble de nos capacités industrielles en matière électrique.
J'ai alors arraché à M. Valls le fameux décret du 14 mai 2014, réplique du dispositif américain, qui permet le contrôle souverain des projets de rachat d'entreprises françaises d'intérêt stratégique. J'ai été autorisé à m'en servir seulement en partie dans l'arbitrage final qui a eu lieu avec le président de la République, ses collaborateurs, le Premier ministre et les ministres de l'économie, des finances et du travail, mais je n'ai pas été autorisé à m'en servir pour bloquer la vente. Je pense qu'elle aurait dû l'être, la preuve étant que l'on est en train de racheter l'entreprise à un prix défiant toute concurrence à la hausse. Surtout, bloquer la vente aurait été utile parce que nous aurions pu avoir une autre stratégie pour Alstom, notamment européenne. Nous étions face à des Américains qui avaient décidé de faire de la croissance externe en utilisant les méthodes déloyales que j'ai indiquées tout à l'heure pour acheter Alstom à la casse. Nous avons perdu énormément dans cette mésaventure, singulièrement les turbines Arabelle, achetées partout aujourd'hui, y compris par Rosatom – je vous rappelle que le nucléaire n'est pas sous sanctions pour la Russie. Nous avons aussi perdu l'hydraulique ; une très importante usine à Grenoble est sous contrôle américain ; les centres de décision nous échappent donc. Il en est de même pour les réseaux électriques.
Vous le lirez dans la documentation que je vous remets, j'ai été autorisé à ordonner la nationalisation de l'entreprise à hauteur de 20 %, ce qui nous permettait de reprendre la main sur ce qui restait d'Alstom. Surtout, trois co-entreprises étaient créées. Dans la négociation avec General Electric, j'avais obtenu du président de la République de l'époque, qui ne voulait pas bloquer la vente, d'en réduire le périmètre. Puisque nous étions obligés de faire avec les Américains, je cherchais une alliance. Le président ne voulait pas des Allemands ; c'est une erreur, mais soit. J'ai alors voulu conclure une alliance de la même nature de celle que Safran avait nouée avec General Electric pour les turboréacteurs, à parité. Aujourd'hui, le moteur Leap, qui a succédé au CFM 56, est un moteur d'avion qui décolle et atterrit toutes les deux secondes dans le monde, et c'est une création franco-américaine. Aussi ai-je proposé à M. Jeffrey Immelt, président de General Electric, de faire pour l'énergie ce que nous avions fait pour les moteurs d'avion, si ce n'est que pour le nucléaire je voulais garder un contrôle souverain avec une golden share, action assortie d'un droit de veto du Gouvernement qui siégera au conseil d'administration, maintenu en France. Telle était la première co-entreprise. La deuxième co-entreprise portait sur les réseaux électriques, la troisième sur les énergies renouvelables. Vous aurez copie de l'accord que j'ai co-signé avec M. Immelt pour General Electric et M. Kron pour Alstom et qui concluait cette affaire, ainsi que des déclarations que j'ai faites au nom du gouvernement français, sous arbitrage du président de la République de l'époque, indiquant les conditions dans lesquelles nous avons créé ces co-entreprises.
Ces trois co-entreprises et la nationalisation d'Alstom nous auraient permis de conserver l'outil industriel en alliance avec les Américains. Je suis parti un mois et demi plus tard. Qu'est-il advenu ensuite ? La nationalisation n'a jamais eu lieu. Nos parts des trois co-entreprises ont été vendues. La golden share est restée sans objet car le directeur général des entreprises qui devait défendre le nucléaire au conseil d'administration n'y a jamais siégé : on ne l'y a jamais envoyé. Pour savoir pourquoi, vous interrogerez mon successeur.
Nous aurions pu garder cela. J'appelle l'attention de votre commission sur le fait qu'il n'y a jamais de fatalité à ce que nous perdions nos outils industriels.