Parmi les questions que vous m'avez transmises, je n'ai pas encore répondu à la première, à savoir : « Comment avez-vous réagi à l'agression mortelle du 2 mars 2022 ? ». J'ai réagi avec stupeur, indignation et incompréhension. Comment de tels faits peuvent être commis en milieu carcéral, surtout quand l'agresseur et l'agressé ont l'un et l'autre le statut de DPS ? D'où ma précédente remarque sur le caractère supposé protecteur de ce statut. Je suis donc sidéré lorsque je l'apprends.
« Pourquoi avoir refusé avant ce drame de radier Yvan Colonna du répertoire DPS ? » Je crois, monsieur le rapporteur, avoir déjà répondu à cette question.
Pour ce qui est des consignes transmises ou reçues visant à maintenir le statut de DPS d'Yvan Colonna, je vous ai également répondu précisément.
« Avez-vous le sentiment qu'Yvan Colonna a été traité au cours de sa détention comme un détenu de droit commun ? » En tant que Premier ministre, aucun élément n'a été porté à ma connaissance qui me permettrait de fournir une réponse éclairée à cette question.
« Pourquoi a-t-il fallu attendre l'agression mortelle d'Yvan Colonna pour lever le statut de DPS d'Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri ? En quoi cet évènement a-t-il rendu obsolètes les critères justifiant jusqu'alors leur maintien au répertoire des DPS ? » M. le président m'a posé cette question dans son propos liminaire et j'y ai apporté une réponse.
Sixième question : « Quelles leçons tirez-vous de l'agression mortelle du 2 mars 2022 et de ses causes ? Au regard de votre expérience, souhaitez-vous formuler des recommandations ou des préconisations à la commission d'enquête ? ». Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire et comme vous l'avez rappelé, j'ai immédiatement saisi l'Inspection générale de la justice pour que la lumière soit faite, indépendamment de l'instruction pénale ouverte par les autorités judiciaires et du travail de votre commission. Il était convenu que l'IGJ rende un rapport provisoire le 22 mars 2022, ce qu'elle a fait. Je crois qu'elle a remis son rapport définitif en juin, alors que je n'étais plus Premier ministre. Il appartenait donc à ma successeure de tirer toutes les conséquences de cette affaire.
Le premier point important concerne le statut de DPS – que nous avons déjà abordé – et sa procédure, prévue par un décret et une circulaire d'application. Ma recommandation – ou plutôt mon interrogation –, à cet égard est que cette procédure mêle des décisions prises par l'autorité judiciaire, comme les demandes de liberté conditionnelle dont j'ai parlé tout à l'heure, et d'autres qui sont prises par les autorités administratives et politiques. Je vous avoue ma perplexité. J'ai eu à prendre de telles décisions dans les conditions que vous avez fort bien rappelées ; elles sont, pour l'autorité politique, très difficiles. Ne faudrait-il pas faire évoluer le droit régissant le statut de DPS, d'abord pour lui donner un contenu plus précis, le décret dont il relève n'étant pas, si vous me passez l'expression, très consistant, et qui renvoie à une circulaire. Je pense que cela devrait être revu. En outre, la décision ne devrait-elle pas plutôt revenir au juge de l'application des peines (JAP) ou à une autre autorité judiciaire ? D'abord, parce que l'autorité judiciaire intervient tout au long de l'application de la peine ; ensuite parce qu'elle a une influence sur les décisions que peut prendre l'autorité administrative ; enfin parce que cela permettrait d'objectiver les choses et d'éviter, monsieur le président, les arrière-pensées et certains questionnements – même si une décision juridictionnelle peut se contester, comme les miennes l'ont été –, surtout lorsqu'il s'agit d'une commission qui donne un avis et qui n'est pas elle-même décisionnelle. Ma principale recommandation, à l'endroit de cette commission – et en dehors du cas précis de l'agression de M. Colonna –, serait de revoir cette procédure. Cela relèverait sans doute davantage du pouvoir réglementaire que du pouvoir législatif, sauf si le Parlement décidait souverainement d'en confier la responsabilité à un juge, auquel cas il me semble que cela serait plutôt du domaine de la loi.
Venons-en à la question de la radicalisation de l'agresseur. Cet aspect de l'affaire est porté à ma connaissance après l'agression dont a été victime M. Colonna. Il s'agit donc pour moi d'un fait extérieur à la gestion de ce dossier. J'ai vu que l'Inspection générale avait formulé un certain nombre de recommandations qui me paraissent de bon aloi.