Intervention de André-Hubert ROUSSEL

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 11h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

André-Hubert ROUSSEL, président exécutif d'ArianeGroup :

La dissuasion représente l'un des deux piliers de notre activité industrielle. Dans la filière des lanceurs spatiaux et des lanceurs mer-sol balistiques stratégiques (MSBS), l'héritage technologique, laissé par le général de Gaulle, a été transmis à ArianeGroup à sa création en 2016 par l'apport de l'ensemble des activités de lanceurs civils et militaires de ses deux actionnaires, Airbus et Safran. ArianeGroup est en effet le maître d'œuvre des lanceurs européens Ariane 5 et Ariane 6 dont elle assure la conception, le développement et la production, ainsi que la commercialisation et la réalisation de services de lancement à travers sa filiale Arianespace. ArianeGroup assure enfin la maîtrise d'œuvre du système de missile M51, déployé sur les sous-marins de la force de dissuasion océanique française.

ArianeGroup génère environ 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et emploie près de 6 000 personnes en France, auxquelles s'ajoute environ un millier d'employés en Allemagne. Notre entreprise s'appuie sur une chaîne industrielle de plus de 1 000 fournisseurs directs et indirects en France. Nos principaux sites français d'ingénierie et de production se situent dans le Bassin parisien – Les Mureaux et Vernon –, dans le Sud-Ouest – autour de la métropole bordelaise et à Toulouse –, et sur les lieux d'intégration des lanceurs – près de l'île longue dans le Finistère, et près du pas de tir au centre spatial guyanais à Kourou.

La dissuasion nucléaire française repose sur ses composantes océaniques et aéroportées. Elles doivent être adaptées au contexte stratégique, aux objectifs politiques et aux défenses prévisibles à l'horizon de leur déploiement et pendant toute leur durée de vie. La première mission d'ArianeGroup au sein de la composante océanique est d'assurer une veille de l'évolution des défenses adverses, lesquelles se renforcent partout dans le monde, en particulier au sein des grandes puissances dotées de l'arme nucléaire, dans un contexte international très volatil caractérisé par le risque accru de prolifération dans certains États. L'année 2022 a marqué un record puisque 376 tirs balistiques militaires ont été recensés, contre 186 tirs de lanceurs civils l'an dernier.

Dans ce contexte et dans sa logique de stricte suffisance, la dissuasion française est fondamentalement liée à la performance de ses systèmes d'armes. ArianeGroup est l'industriel de référence de la direction générale de l'armement (DGA) et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans la filière MSBS. La performance du missile balistique français M51 doit être continuellement adaptée en fonction du développement des défenses antimissiles. Elle se mesure à travers une série d'indicateurs, que nous appelons les « 3P » : tout d'abord, la portée, qui permet de définir à la fois les objectifs accessibles et les zones de patrouille des sous-marins associés ; la pénétration, qui contribue à l'efficacité du système d'armes en tenant compte des systèmes de défense ; enfin, la précision, associée à la puissance de la charge.

Pour anticiper l'évolution des menaces, répondre aux objectifs politiques et opérationnels, donc contribuer en permanence à la crédibilité de la dissuasion, il a été décidé dans les années 2000 de procéder au développement incrémental du M51. Ainsi, chaque évolution technologique du système d'armes est dotée de performances qui anticipent l'évolution des défenses à horizon de vingt ou trente ans. Aujourd'hui, les SNLE sont dotés des systèmes M51.1 et M51.2, mis en service respectivement en 2010 et en 2016. Nous développons actuellement l'incrément M51.3 pour une première mise en service à bord d'un SNLE prévue pour 2025.

Le prochain développement, que la loi de programmation militaire (LPM) 2025-2030 devra confirmer, constitue pour ArianeGroup un enjeu stratégique mais également industriel essentiel : il sera indispensable de programmer un nouveau développement à partir de 2025 pour maintenir dans la durée des compétences et un outil industriel exceptionnels, capables de concevoir, de produire et de maintenir de tels systèmes en condition opérationnelle. En effet, il faut ajouter aux « 3P » que j'évoquais un quatrième P : celui de people ou de personnel. Les ressources humaines d'ArianeGroup sont l'actif le plus précieux de l'entreprise dans la conception et dans les opérations. Avec les équipes de Naval Group, nos ingénieurs et nos techniciens sont aux côtés des marins à l'île Longue, à bord du sous-marin, au départ et au retour des patrouilles. En effet, ArianeGroup assure également le MCO du système dont la disponibilité dûment évaluée affiche un niveau remarquable depuis 2010. Nos équipiers savent aussi se montrer entièrement résilients et participent à la continuité de la posture, comme en a témoigné le tir d'acceptation au sortir du confinement en juin 2020 ou encore le renforcement de la posture avec la sortie des trois sous-marins au début de la crise ukrainienne.

Enfin, la dualité reste au cœur du mode de gestion technique, industrielle, commerciale et des ressources humaines d'ArianeGroup. La rotation des équipes au gré des calendriers, des projets et des programmes contribue à l'attractivité des bassins d'emploi français et à la conservation des talents de notre base de défense. La dualité rend également possible la mutualisation des processus ainsi que d'outils techniques, de conception, de modélisation de phénomènes physiques ou encore d'environnement et de validation du modèle de simulation par des vols. Elle consolide la résilience de l'appareil industriel et de toute la chaîne industrielle en agrégeant des volumes de production et en optimisant les coûts de développement et de production de nos programmes actuels et futurs. Elle permet également d'atteindre une certaine taille critique, autorisant des investissements plus importants. L'organisation d'ArianeGroup en fait un modèle à part, reflet d'une politique d'investissements raisonnés et de synergies continues qui ont permis à la France de se doter et de conserver une industrie de premier rang au service de la dissuasion océanique française et du transport spatial européen.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion