Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mardi 7 mars 2023 à 17h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

C'est la quatrième fois depuis votre prise de fonctions, madame la ministre, que vous venez devant notre commission. Ces rencontres régulières sont vraiment une nécessité : nous sommes cernés par un ensemble de difficultés et de défis qui suscitent une assez grande perplexité, voire une assez grande inquiétude quant à notre capacité à répondre à la situation internationale, non pas que nous soyons défaillants mais parce qu'il est difficile de suivre une ligne claire et efficace dans un tel contexte.

S'agissant de la guerre en Ukraine, les deux belligérants sont, à ce stade, dans une posture de combat qui écarte – je crois que vous en conviendrez, hélas – toute perspective de négociation à moyen et à court terme. L'Occident ne pouvant accepter la défaite de l'Ukraine et la Chine semblant avoir des difficultés, même si son attitude a pu varier, à accepter la défaite de la Russie, il existe actuellement une sorte d'équilibre qui nous paraît inquiétant. Je vous pose donc, d'emblée, cette question : pourquoi l'Occident – les puissances européennes et les États-Unis, en l'occurrence – tarde-t-il tant à mettre le paquet sur l'aide à l'Ukraine ?

Ce qu'il faudrait faire est très clair, même si nous ne sommes pas tous d'accord ici sur ce point : nous devons, comme l'a dit le président de la République, aider les Ukrainiens à reconquérir leur territoire. Or nous avons l'impression qu'on mégote partout en Occident, par exemple pour les chars. Même s'il existe une solidarité, il y a, dans ce camp-là, un manque d' impetus, d'élan, qui ne s'explique pas. Si l'on veut être efficace, il faut mettre le paquet pour permettre à l'un des deux belligérants, celui dont nous approuvons le combat, de marquer des points et de créer une situation nouvelle qui permettrait de déboucher sur la paix.

La situation est également très difficile en Afrique. Nous avons reçu à huis clos l'ambassadeur de France au Burkina Faso, rappelé à Paris, qui nous a livré une analyse très intéressante. Lors de son voyage en Afrique, le président de la République a déclaré que la Françafrique était terminée. Ce n'était pas une information nouvelle mais il est entré dans le détail et il a fait preuve de beaucoup de conviction. Il est néanmoins allé voir des personnages, certainement très intéressants, tels que M. Bongo, à la veille d'un scrutin, et M. Sassou-Nguesso. Le degré de notre implication aux côtés des dirigeants légitimes de la République démocratique du Congo (RDC) a également fait l'objet d'interrogations. Nous avons donc besoin de votre éclairage.

Je fais partie de ceux qui pensent que nos difficultés en Afrique ne sont pas du tout de notre faute. C'est un peu, dans un autre domaine, une application de la loi formulée par Tocqueville, qui soulignait que plus les inégalités se réduisent, moins elles sont tolérables. La situation a effectivement changé mais nos interlocuteurs ne correspondent pas exactement à ce que nous espérions. En réponse, nous transformons certaines bases et nous en créons d'autres.

En Afrique du Nord, nous avons des difficultés, qui se nourrissent mutuellement, avec l'Algérie et le Maroc, malgré les bonnes relations que nous cherchons à avoir avec ce dernier pays et les liens de tous ordres qui nous unissent au premier.

S'agissant de l'Europe, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est revenue sur le devant de la scène mais on se demande quelle articulation sera proposée en matière de sécurité. La loi de programmation militaire n'est pas entièrement claire au sujet de la contribution que nous comptons apporter à un ensemble de défense qui passera nécessairement, si nous voulons être sûrs de notre avenir, par une affirmation des Européens par rapport aux Américains, non par méfiance mais simplement parce qu'il est possible que ces derniers soient demain beaucoup moins solidaires de nous qu'ils le sont aujourd'hui de l'Ukraine.

Nous avons aussi de profondes inquiétudes à propos du Moyen-Orient. Comment percevez-vous la situation en Iran ? Sur le plan intérieur, on a l'impression que la contestation et les manifestations se calment, mais que le régime est profondément ébranlé. À cela s'ajoute le défi nucléaire, qui est terrible – vous aviez d'ailleurs appelé notre attention sur ce sujet lors de votre dernière audition. N'a-t-on pas atteint un point de rupture ? Les risques de conflit paraissent d'autant plus importants que, dans le même temps, la situation en Israël est rien moins que satisfaisante. Les Israéliens ont remporté un succès géopolitique de premier ordre en rétablissant des relations avec certains pays arabes, ce qui leur permet de se dégager de l'étau dont ils étaient prisonniers depuis le début, mais ils subissent une sorte d'effondrement moral, puisqu'ils paraissent s'éloigner des principes démocratiques fondamentaux qui étaient jusqu'à présent les leurs.

En ce qui concerne la situation en Turquie, nous avons reçu des responsables du Centre de crise et de soutien et nous connaissons l'action très positive qui a été menée par la France après le séisme. Nous aimerions toutefois savoir comment vous percevez les relations avec la Turquie, ainsi qu'avec l'Inde, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine.

J'en reviens, pour conclure, à la Chine. N'avez-vous pas le sentiment que les Chinois, après avoir été très prudents vis-à-vis des Russes, sont en train de changer d'attitude ? Les Américains, qui ont décidé au début de la guerre en Ukraine de publier certaines informations, ont déclaré que les Chinois s'apprêtaient à donner un sérieux coup de pouce militaire aux Russes, ce qui pourrait recréer, au profit des Russes, une situation qui ne favoriserait pas la paix. Quelle est votre analyse ?

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