Je ne me risquerais pas à poser des mots sur l'épreuve que représentent les fausses couches pour les personnes qui les vivent. Nous avons jeté comme un voile pudique sur un événement qui n'a pourtant rien de rare. Mais ce que l'on refuse collectivement de voir ne cesse pas d'exister pour la seule raison que l'on n'en parle pas. C'est cet inconscient collectif qui conduit les couples à ne pas annoncer une grossesse à leurs proches avant la fin du premier trimestre. Or l'investissement affectif, l'attachement et la projection n'attendent souvent pas cette échéance. Et si nous avons tous intégré le risque élevé de fausse couche lors des trois premiers mois, nous y sommes pourtant peu préparés.
Je crois que ce qui ajoute à ce drame, c'est aussi l'incompréhension. Très souvent, aucune explication n'est donnée quant à cette perte : elle arrive, tout simplement. La fatalité d'un tel événement, ne trouvant aucune justification, rend la situation plus dure encore. « Il n'y avait rien à faire », dit-on. Alors, n'y aurait-il rien à dire ? Nous ne pouvons plus nous résoudre à cette fatalité. Pendant trop longtemps, les fausses couches ont été minimisées, presque banalisées. Mais le fait qu'elles surviennent fréquemment n'amoindrit en rien la souffrance de ceux qui y sont confrontés. Leur récurrence dans la population n'apporte aucune forme de consolation. Il faut rompre avec la vision de cet impensé de notre parcours de soins, rompre avec le tabou qui conduit à vivre ce drame de manière silencieuse, dans l'intimité. Aujourd'hui, nous savons le traumatisme physique et psychique qu'un tel événement peut engendrer. Nous connaissons les témoignages des femmes qui racontent la souffrance dans leur corps, l'anxiété, le chagrin et parfois la dépression. Nous connaissons aussi les conséquences que les fausses couches ont sur le partenaire et leurs implications dans les couples, dans les familles. Elles peuvent laisser des traces douloureuses. Rien ne justifie aujourd'hui de continuer à reléguer ces drames dans la stricte sphère intime.
Je remercie donc la rapporteure d'avoir inscrit cette proposition de loi à notre ordre du jour. Je veux la remercier aussi pour les améliorations qu'elle lui a apportées. En effet, il fallait aller au-delà de l'accompagnement psychologique en instaurant un accompagnement bien plus large, y compris sur le plan médical. L'amendement adopté en commission, relatif au parcours que devront proposer les agences régionales de santé, rend le dispositif beaucoup plus ambitieux qu'initialement. Il faudra veiller à la bonne application de ce parcours, dans tous les territoires. À terme, nous devons garantir un protocole complet dès la première consultation pour grossesse, avec une information sur les risques de fausse couche et sur l'accompagnement possible. Ce protocole doit systématiser le suivi médical des femmes victimes de fausse couche, avec au moins un entretien médical le jour même et un nouvel examen dans les semaines suivantes.
Ce qui revient le plus souvent dans les témoignages des femmes, c'est leur sentiment d'isolement et le manque d'empathie qu'elles ont ressenti. Aussi la formation des professionnels de santé, qui sont la clé pour un meilleur accompagnement, doit-elle impérativement intégrer le sujet des interruptions spontanées de grossesse. Nous saluons aussi l'ouverture de l'accompagnement aux couples, car les deux partenaires sont concernés, mais nous appelons à faire du suivi des femmes une priorité.
Notre groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires continue de douter de l'opportunité de faire reposer le suivi psychologique sur le dispositif MonParcoursPsy. Depuis le début, les professionnels se sont élevés contre un dispositif lourd et restrictif. Il est encore tôt pour dresser un bilan qualitatif de ce dernier, mais notre crainte est que le nombre de psychologues conventionnés soit insuffisant, notamment dans certains territoires sous-dotés. Nous proposerons par ailleurs un congé spécifique en cas de fausse couche, car ce sujet dépasse le strict cadre médical : c'est un deuil à part entière. Plus largement, nous appelons à élargir notre réflexion sur la prise en charge de la santé sexuelle et reproductive féminine. Se pose notamment la question des difficultés d'accès, dans certains territoires, à des professionnels de santé. Il est également nécessaire d'investir dans la recherche sur les causes des fausses couches et de l'infertilité. À ce titre, la prévention des maladies comme l'endométriose, qui touche une femme sur dix, devrait être systématique et gratuite.
Chers collègues, en cette Journée internationale des droits des femmes, nous avons l'occasion de rappeler que nous avons besoin de garantir un accompagnement global et bien plus ambitieux à toutes les étapes de la santé sexuelle et reproductive féminine. C'est une exigence de santé publique et la condition d'une réelle égalité. Notre groupe votera évidemment cette proposition de loi.