Les femmes qui sont confrontées à une interruption de grossesse spontanée doivent être dignement prises en charge et accompagnées, notamment sur le plan psychologique. C'est l'objet de la proposition de loi présentée par ma collègue Sandrine Josso, dont je tiens à saluer le travail. Je la remercie de s'être attaquée, dans la continuité du travail de Paula Forteza, à ce sujet crucial encore tabou. Ce travail est un bon socle de départ en faveur de l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausses couches. Je salue les travaux menés en commission avec l'ensemble de mes collègues. Ils permettront l'extension au partenaire de la possibilité d'une prise en charge par des psychologues, prévue dans le texte initial pour les patientes victimes de fausse couche, ainsi que le renforcement de la sensibilisation du public et la formation des professionnels aux conséquences psychologiques des fausses couches.
Nous pouvons encore aller plus loin. Il manque quelque chose d'essentiel dans ce texte : la possibilité, pour les patientes confrontées à une fausse couche et pour leurs partenaires, de bénéficier d'un temps à eux, d'un temps de récupération psychologique et physique leur permettant de se remettre de ce traumatisme. Nous pouvons ce soir créer un congé fausse couche. Concrètement, il s'agit de permettre aux deux parents affectés par une fausse couche de solliciter auprès de leur employeur un congé de trois jours, ou deux. Le Gouvernement a annoncé vouloir lever les jours de carence pour les arrêts maladie en cas de fausse couche. Nous saluons cette annonce, mais nous devons aller plus loin. Il y a urgence à « dépathologiser » la fausse couche et à la reconnaître à son juste titre. Je l'ai dit : ce n'est pas une maladie, mais une perte. Certaines femmes préféreront en effet bénéficier du congé maladie par souhait de ne pas révéler leur grossesse. Cela peut se comprendre, dans la mesure où le projet d'enfant est aujourd'hui encore source de discrimination dans le monde de l'entreprise. Mais il est impératif de laisser aux femmes le choix. L'instauration d'un congé fausse couche permettra par ailleurs aux patientes qui le souhaitent de ne pas dépendre de leur médecin pour y avoir accès.
Enfin, la création d'un congé fausse couche permettra de lever le tabou persistant sur ce phénomène traumatique et de reconnaître une réalité vécue par une femme sur dix aujourd'hui en France. Les conséquences psychologiques d'une fausse couche sont bien réelles. Les patientes et leurs partenaires qui y sont confrontées ont évidemment besoin d'un accompagnement. Mais ces personnes ont également besoin de pouvoir récupérer pendant quelques jours, de prendre le temps. Écoutez-les. Un tel congé existe déjà pour l'annonce de la survenue d'un handicap ou d'une maladie grave chez un enfant. Pourquoi ne serait-il pas envisageable d'octroyer trois jours de repos à un couple touché par une fausse couche ? Nous sommes le 8 mars et, monsieur le ministre, vous disiez tout à l'heure que vous vouliez apporter aux femmes toutes les mesures et tous les outils. Ce soir, nous vous demandons un outil de plus. L'intime est politique, quoi que vous en pensiez. Il est vraiment primordial, j'y reviens, de laisser les femmes choisir entre l'arrêt maladie, qui protège la confidentialité, et le congé fausse couche, si elles le désirent et si elles ont la volonté de briser le tabou.
Il est vrai que ces mesures auraient un coût, mais celui-ci est minime comparé au coût des inégalités entre les hommes et les femmes dans notre pays qui est estimé, pour l'État, entre 102 et 118 milliards d'euros par an. Ce sont ces mêmes inégalités qui font des fausses couches un tabou aujourd'hui, au détriment de la santé physique et psychologique des femmes. Il reste du chemin à parcourir pour que la fausse couche ne soit plus un tabou et pour que la grossesse ne soit plus discriminante pour les femmes. C'est de cela qu'il s'agit ce soir. Quelle valeur acceptons-nous d'accorder aux traumatismes des femmes et quelle réponse sommes-nous prêts à y apporter ?