Le 8 mars est une journée d'action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l'égalité et la justice. Parmi les droits des femmes, que nous n'aurons jamais fini de défendre, le droit à la santé, c'est-à-dire le droit à bénéficier de soins, d'une prise en charge et d'un accompagnement adaptés, pour toutes, est absolument primordial.
Nous retrouver ce soir pour débattre d'une proposition de loi défendant des avancées importantes en ce sens est donc un symbole fort. Mais si les symboles comptent, parce qu'ils marquent les esprits, c'est bien à travers nos actions que nous provoquerons des changements et apporterons des progrès concrets dans la vie des femmes.
Et parce que la mobilisation pour les droits et la santé des femmes ne doit pas se limiter aux vingt-quatre heures constituant la journée du 8 mars, mener une véritable politique de santé et d'accompagnement des femmes est une priorité et un pilier de mon action. Je sais que cet objectif est largement partagé sur les bancs de l'Assemblée.
Ne soyons pas dupes : notre système de santé ne laisse pas assez de place à la santé des femmes. Cela doit changer ; or les dispositions que nous nous apprêtons à examiner contribueront à lever des tabous persistants. Passée sous silence, minimisée, voire banalisée, l'interruption spontanée de grossesse, plus communément appelée fausse couche, nous concerne et nous affecte tous, que ce soit de manière directe ou indirecte. En France, une grossesse sur cinq est interrompue par une fausse couche ; une femme sur dix sera confrontée à cette épreuve, première cause de consultation aux urgences gynécologiques. Je tiens donc à remercier chaleureusement les parlementaires qui se mobilisent à ce sujet, en particulier Mme Sandrine Josso, à l'origine de ce texte. Je vous remercie, madame la députée, parce que votre souhait d'un accompagnement psychologique spécifiquement destiné aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse nous a permis d'élaborer en commun un véritable dispositif de prise en charge de ce traumatisme.
Inscrire au sein de notre système de santé la spécificité de la fausse couche est essentiel. Qu'elle soit, d'un point de vue médical, précoce – avant la quatorzième semaine d'aménorrhée – ou tardive – entre la quatorzième et la vingt-deuxième semaine –, isolée ou répétée, l'interruption spontanée de grossesse constitue avant tout un drame intime, que les femmes concernées vivent dans leur chair et de manière très différente selon leur histoire, d'autant qu'il touche également leur conjoint. C'est pourquoi, en élaborant ces mesures, nous nous sommes attachés à trouver un équilibre : mettre à disposition et faciliter l'accès des femmes à toutes les ressources, tous les outils nécessaires, auxquels elles pourront recourir librement, sans imposer de parcours standardisé, de schéma préétabli. Encore une fois, les fausses couches sont des épreuves intimes, personnelles, de couple ou de famille, qu'il convient de respecter comme telles ; mais l'ampleur du phénomène, qui, en France, touche chaque année 200 000 femmes et par contrecoup leur entourage, en fait un sujet de santé publique et de société, rejoignant ainsi les importantes évolutions actuelles en matière de santé mentale.
Je parlais de briser les tabous : celui dont font l'objet, de longue date, les questions de bien-être et d'équilibre psychologique s'étiole au fur et à mesure des progrès qui nous amènent à une conception plus transversale, plus globale, de la santé, dont je rappelle volontiers la définition par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. » Bien sûr, les fausses couches, dont la cause est généralement pathologique – une anomalie de développement ou une maladie du fœtus –, comportent des risques, notamment infectieux, des symptômes, des répercussions physiques telles que douleurs et saignements ; mais au-delà du nécessaire accompagnement médical, un soutien psychologique est indispensable. La parole se libère : les témoignages révèlent à quel point l'arrêt brutal d'une grossesse, d'un projet de maternité, représente un choc violent, dont les conséquences peuvent se faire sentir des mois, voire des années plus tard. L'entourage, je le répète, en premier lieu le conjoint, est également affecté.
« Je pensais que ça irait et en fait non, je n'arrivais pas à le supporter. J'éclatais souvent en sanglots. » « Je me suis sentie très seule, presque abandonnée. » « Il a été notre bébé pendant quatre mois. Il a existé dans nos cœurs et nos projets. » Les mots de ces femmes laissent percer le stress post-traumatique, l'anxiété, l'angoisse, la dépression, la souffrance. Il y a aussi les périodes de questions, de remise en question, voire de culpabilité, certaines patientes allant jusqu'à douter de leur capacité à donner la vie – doutes infondés, bien sûr, il importe de le dire et de le répéter. Il y a enfin ce deuil que certaines autrices qualifient d'« impossible », un deuil sans rites, souvent solitaire. Selon une étude du Montefiore Medical Center et de l'université de médecine Albert-Einstein de New York, 66 % des personnes interrogées, soit les deux tiers, rapprochaient les conséquences émotionnelles d'une fausse couche de celles de la perte d'un enfant. Je n'ignore d'ailleurs pas que nos discussions nous conduiront à évoquer l'interruption médicale de grossesse (IMG), elle aussi subie. C'est bien afin de permettre à toutes celles qui vivent une fausse couche de faire face à cette double perte, perte physique de l'embryon ou du fœtus, perte symbolique de l'enfant à naître, que ce texte prévoit la création d'un parcours de santé adapté.
Comme le prévoit très clairement l'article 1er A, introduit dans la proposition de loi lors de son examen en commission : « Ce parcours a pour objectifs de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse, de systématiser l'information et d'améliorer l'orientation des couples qui y sont confrontés, de faciliter leur accès à un suivi psychologique et d'améliorer le suivi médical des femmes qui ont subi une interruption spontanée de grossesse. » Sous l'égide des ARS, dans une approche pluridisciplinaire, ces objectifs mobiliseront tous les acteurs : professionnels médicaux, paramédicaux, psychologues hospitaliers et libéraux. La coordination entre professionnels de santé, entre médecine de ville et hôpitaux, qui se trouve au cœur de ma vision du système de santé, devient plus nécessaire encore s'agissant d'un sujet aussi complexe et délicat. C'est dans le cadre de ce parcours que les femmes qui subissent une fausse couche, ainsi que leur conjoint ou partenaire le cas échéant, seront le mieux orientés vers une prise en charge psychologique adaptée et accessible.
Depuis avril 2022, MonParcoursPsy permet aux personnes en souffrance psychique de se voir intégralement rembourser huit séances chez un psychologue conventionné. J'entends régulièrement critiquer ce dispositif, au motif qu'il ne servirait à rien…