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Intervention de Sandrine Josso

Séance en hémicycle du mercredi 8 mars 2023 à 21h30
Accompagnement des couples confrontés à une fausse couche — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Josso, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Qu'est-ce que la fausse couche exactement ? Un phénomène bien trop fréquent, qui touche 200 000 femmes chaque année, et dont une femme sur dix fait l'expérience au cours de sa vie. C'est donc un phénomène fréquent et injustement banalisé – et une cause à laquelle je vous sais profondément sensible, monsieur le ministre.

Nous avons tendance à considérer qu'une fausse couche, lorsqu'elle est précoce, n'est pas grave, parce que l'embryon était encore si petit qu'il n'y a pas de raison d'en faire tout un drame. Les médecins nous expliquent, à juste titre, que la nature fait bien les choses et qu'elle élimine des embryons qui n'étaient pas viables parce qu'ils étaient affectés de malformations chromosomiques graves. S'il ne s'agit pas de nier ces faits, en revanche, il est tout à fait contestable d'estimer qu'en cas de fausse couche précoce – survenant avant quatorze semaines d'aménorrhée –, il n'y a pas de deuil périnatal.

Aujourd'hui, avec cette proposition de loi, nous décidons ensemble d'agir pour changer le regard que la société porte sur ces événements qui sont parfois vécus comme de véritables épreuves physiques et psychologiques.

La fausse couche peut en effet être un véritable drame, pour la femme d'abord, mais aussi pour son partenaire, voire pour toute la cellule familiale. En effet, les études montrent par exemple que 20 % à 55 % des femmes ayant subi une fausse couche présentent des symptômes dépressifs, 15 % développant même un véritable stress post-traumatique, et que 17 % des partenaires présentent également des symptômes dépressifs après une fausse couche. Car l'impact émotionnel n'est pas proportionnel au nombre de semaines de grossesse : tout dépend de la manière dont les futurs parents se projettent. Une femme enceinte de quelques semaines peut déjà se sentir mère !

La prise en charge médicale des fausses couches est aujourd'hui parfaitement maîtrisée, c'est incontestable. Pour ce qui est de l'accompagnement, si certains professionnels savent trouver les mots justes et qu'il existe des initiatives locales exemplaires, les pratiques vertueuses, qui reposent sur des initiatives individuelles, ne sont hélas pas généralisées, et en tout état de cause loin d'être majoritaires. En pratique, les professionnels de santé sont trop souvent démunis pour annoncer et expliquer la fausse couche. La proposition de loi vise donc à mettre fin à l'isolement des femmes et des couples qui y sont confrontés.

Introduit en commission des affaires sociales, un nouvel article 1er A prévoit ainsi la création de parcours fausse couche sur l'ensemble du territoire, dont l'objectif est d'assurer une prise en charge globale de la fausse couche, de la formation et de l'information jusqu'au suivi médical et psychologique. Lorsque cela est pertinent, ce parcours peut être proposé aux deux membres du couple.

Pour les développer, il nous a semblé judicieux de nous appuyer sur les expériences réussies déployées dans certaines régions. Notre démarche partira donc du terrain : dans un premier temps, les agences régionales de santé (ARS) recenseront les initiatives existantes. Nous privilégierons ainsi une approche souple, fondée sur la mise en réseau des initiatives et des acteurs locaux. Les parcours fausse couche seront ensuite généralisés partout en France au plus tard le 1er septembre 2024.

Ces parcours d'accompagnement psychologique se traduiront notamment par la mise à disposition d'un livret d'information sur la fausse couche, l'accès à un site institutionnel, et la mise en relation avec une association spécialisée, un groupe de parole et un psychologue conventionné. Une consultation médicale de suivi après la fausse couche sera également proposée.

Il est important de laisser chaque ARS s'organiser en fonction des dispositifs déjà existants, tout en veillant à offrir un socle commun de prise en charge pour éviter toute inégalité territoriale. Si ce parcours ne saurait être imposé, il sera en revanche accessible à toutes les femmes qui en ressentiraient le besoin, ainsi qu'à leurs partenaires.

Les couples seront donc systématiquement informés de la possibilité de bénéficier d'un soutien psychologique pris en charge par la sécurité sociale : c'est précisément l'objet de l'article 1er , qui permet aux sages-femmes d'adresser directement leurs patientes – et les conjoints de celles-ci – vers un psychologue dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, créé en avril dernier grâce à la détermination de nos collègues Stéphanie Rist et Éric Poulliat. C'est le premier dispositif à garantir une prise en charge pérenne, par la sécurité sociale, de huit séances annuelles avec un psychologue libéral conventionné. C'est donc une grande avancée pour la santé mentale des Françaises et des Français.

Certains considèrent que ce n'est pas suffisant, qu'il faudrait davantage de séances et surtout des tarifs plus élevés. Mais 90 000 patients ont déjà eu recours à ce dispositif en moins d'un an, ce qui prouve qu'il est efficace – même si, comme j'ai pu le constater lors des auditions que j'ai menées, il reste encore trop peu connu. Pour y remédier, j'en appelle au Gouvernement : il faut communiquer beaucoup plus largement autour de ce dispositif, à la fois auprès des patients et des professionnels de santé.

Je vous ai présenté les principales mesures défendues dans la proposition de loi dont nous débattons ce soir, et qui a été adoptée à l'unanimité en commission des affaires sociales – preuve que le sujet dépasse les habituels clivages politiques.

En commission, j'avais reconnu que certaines questions restaient en suspens : en particulier, nous avions longuement débattu de la question du congé pour fausse couche, que vous étiez nombreux à appeler de vos vœux et auquel je suis, au contraire, réticente. En effet, je le trouve trop stigmatisant, en particulier parce qu'il oblige les femmes à révéler leur fausse couche – parfois même leur projet de grossesse – à leur employeur. En outre, chez certaines femmes, la fausse couche s'accompagne d'un sentiment de culpabilité, voire de honte : leur imposer de l'annoncer publiquement nuirait gravement à leur intimité et à leur vie privée, et pourrait même bafouer le secret médical, puisque la fausse couche est une pathologie. En commission, j'avais donc suggéré la levée du délai de carence pour les arrêts maladie délivrés après une fausse couche : le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, et je tiens à l'en remercier vivement. Je salue d'ailleurs l'ambition du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour les années 2023 à 2027 dévoilé aujourd'hui par la Première ministre, Élisabeth Borne.

Pour conclure, je voudrais simplement partager avec vous les propos du professeur René Frydman, l'un des pionniers de la procréation médicalement assistée (PMA) et éminent soutien de la proposition de loi – il est d'ailleurs présent ce soir –, qui m'a récemment confié qu'« il existait un réel vide juridique pour l'accompagnement psychologique des fausses couches ». En adoptant le texte, nous pouvons désormais combler ce vide et envoyer un signal fort : la société progresse et ose reconnaître les souffrances les plus sourdes. La proposition de loi représentera une avancée considérable pour le droit des femmes et pour la santé mentale des Français, et je vous invite, mes chers collègues, à la soutenir.

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