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Intervention de Béatrice Descamps

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps :

Nous sommes confrontés à un phénomène récent dont l'ampleur nous dépasse : nos enfants sont exposés de plus en plus tôt au monde numérique, qui peut offrir le meilleur comme le pire. L'essor du numérique et la rapidité à laquelle se diffusent les usages nouveaux qui y sont associés ne coïncident pas avec le temps long de la loi. Que faire ? À plusieurs reprises, notre assemblée a tenté de s'adapter à ces innovations technologiques pour protéger les mineurs, garantir leurs droits et accompagner les parents.

Le rapporteur a montré son dévouement sur le sujet, en étant notamment à l'origine de la loi sur les enfants influenceurs et de celle visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Je tiens vraiment à saluer votre travail, monsieur le rapporteur. Malgré cela, il nous faut à nouveau légiférer, cette fois pour garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Comme d'autres l'ont rappelé, certains chiffres sont inquiétants : un mineur apparaîtrait en moyenne sur près de 1 300 images en ligne avant ses 13 ans, et cette diffusion à outrance a souvent lieu sur ses propres comptes ou sur ceux de ses proches. Les parents ont une responsabilité en la matière et le présent texte permet de clarifier le cadre juridique existant pour veiller à ce que l'intérêt supérieur de l'enfant prime toujours et pour que la diffusion de contenu – le fameux sharenting – se fasse toujours dans le respect de sa vie privée.

L'article 1er vise à ajuster la définition de l'autorité parentale pour inclure expressément le respect du droit à la vie privée de l'enfant et ainsi expliciter un droit déjà protégé, puisque l'autorité parentale vise déjà à protéger la sécurité et la moralité du mineur, notamment en ce qui concerne sa vie privée. Sur le fond, le groupe LIOT ne s'opposera bien sûr pas à cet ajout un peu superfétatoire, mais nous tenons à rappeler que le code civil ne se modifie pas tous les jours et n'a pas vocation à se transformer en une liste non exhaustive.

Nous sommes cependant pleinement favorables à ce que l'enfant soit associé à l'exercice de son droit à l'image, en fonction de sa maturité : l'autorité parentale doit être un instrument de dialogue au sein du cercle familial. J'espère que cette proposition de loi conduira à une prise de conscience chez certains parents, s'agissant notamment des risques liés à l'exposition en ligne de leur enfant.

Une des autres évolutions fortes que contient le texte tient au renforcement de la palette de pouvoirs du juge aux affaires familiales : il lui permet notamment, en cas de conflit conjugal, d'interdire à un parent de publier certains contenus de l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent. Notre groupe salue cette mesure, qui doit cependant être limitée aux cas d'actes affectant sensiblement la vie de l'enfant. Il ne faudrait pas qu'un des parents puisse empêcher totalement l'autre de partager les moments passés avec son enfant.

Le texte ouvre également la possibilité pour le juge de prononcer une délégation de l'autorité parentale en cas de diffusion d'images portant atteinte à l'intégrité de l'enfant. Une telle mesure n'est pas anodine mais elle peut malheureusement s'avérer nécessaire, compte tenu de l'existence de risques relatifs à la dignité humaine de l'enfant. Notre groupe a des interrogations quant à la rédaction proposée, qui propose de modifier l'article du code civil traitant des cas de désintérêt manifeste envers l'enfant voire de crime commis contre l'autre parent. Pour assurer la proportionnalité de la mesure, nous défendrons un amendement visant à cibler spécifiquement les cas les plus graves. En effet, certaines images et vidéos, parce qu'elles touchent directement à l'intégrité morale du mineur, n'ont pas leur place sur les réseaux sociaux, même lorsqu'elles sont postées par les titulaires de l'autorité parentale.

Je terminerai non par un regret mais par une demande : il manque indéniablement à la proposition de loi un volet préventif concernant le droit à l'image en ligne des enfants ; si nous voulons lutter efficacement contre certaines dérives des réseaux sociaux, il faut mieux accompagner, former et alerter les parents. J'espère que la navette parlementaire permettra de compléter le texte en ce sens et c'est dans cette perspective que notre groupe le votera.

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