Ce texte vise à garantir la sécurité des enfants dans un monde où le numérique est désormais omniprésent : 300 millions de photographies sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux et plus d'un internaute sur deux prend une photo avant tout dans le but de la partager en ligne, sur Facebook ou Instagram. Consacré par l'article 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant ainsi que par la directive SMA – services de médias audiovisuels – et le règlement DMA – Digital Markets Act – de l'Union européenne, le droit à l'image des enfants doit être renforcé par une meilleure régulation du numérique. Les enfants sont malheureusement surexposés sur les réseaux sociaux, et ce dès leur plus jeune âge, à travers les comptes de leurs parents ou leurs propres comptes. Sans aboutir forcément à des situations dramatiques, ces images peuvent ultérieurement porter préjudice à l'enfant car rien ne disparaît réellement de la toile. Par ailleurs, les photos et vidéos finissent parfois sur des sites pédopornographiques : 50 % des images diffusées sur ces sites ont initialement été prises par les parents. On estime qu'un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant qu'il n'atteigne l'âge de 13 ans, sur ses comptes propres ou sur ceux de ses parents et de ses proches.
La publication, sur les comptes des parents, de contenus relatifs à leurs enfants constitue ainsi aujourd'hui l'un des principaux risques d'atteinte à la vie privée des mineurs, pour deux raisons. D'une part, il est difficile de contrôler la diffusion de son image quand on est mineur ; d'autre part, un conflit d'intérêts est susceptible de survenir dans la gestion du droit à l'image des enfants par leurs parents. Les parents, titulaires de l'autorité parentale, sont pourtant les garants et les protecteurs du droit à l'image de leur enfant. Il est important de le leur rappeler. En effet, avec l'essor des réseaux sociaux et l'économie d'influence qui en résulte, de nombreux parents exploitent l'image de leurs enfants et, partant, les surexposent sur Internet. Cette exploitation donne parfois lieu à des séquences humiliantes, dégradantes ou néfastes pour l'enfant. Comme le soulignent la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants dans leur rapport annuel sur la protection des droits des enfants : « les violations du droit à l'image des enfants, composante du droit au respect de leur vie privée, restent en pratique communément admises ». Ce texte privilégie donc l'impératif de l'intimité face à la tentation de la viralité afin de protéger la vie privée de l'enfant.
Dans la continuité de la loi « enfants influenceurs » de 2020, qui ne concerne qu'une infime partie des enfants exposés, la proposition de loi vise à protéger la vie privée des enfants de manière pédagogique par quatre articles modifiant le code civil. L'article 1er introduit la notion de vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale. L'article 2 énonce que le droit à l'image de l'enfant mineur est exercé par les deux parents conjointement. L'article 3 explicite les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur. Enfin, l'article 4 ouvre la voie à une délégation forcée de l'autorité parentale dans les situations où l'intérêt des parents entre en conflit avec celui de l'enfant dans l'exercice du droit à l'image de ce dernier.
Si nous partageons la volonté de mieux protéger les enfants, nous estimons que cette proposition de loi est superfétatoire. En effet, toutes les dispositions qu'elle contient sont déjà comprises dans la définition de l'autorité parentale mentionnée à l'article 371-1 du code civil. L'autorité parentale y est définie comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. » « Intérêt de l'enfant », « le protéger dans sa sécurité et sa moralité », « respect dû à sa personne »… Tout y est déjà. Par ailleurs, la circulaire du 19 avril 2017 relative à la protection judiciaire de l'enfant dresse la liste des droits du titulaire de l'autorité parentale, en particulier celui d'être informé des choix importants relatifs à la vie de l'enfant et celui de surveiller son éducation. Ces deux textes garantissent qu'au titulaire de l'autorité parentale reviennent l'ensemble des droits et des obligations des parents envers leurs enfants.
Toutefois, nous ne nous opposerons pas à cette proposition de loi qui permettra de sensibiliser les parents aux dangers auxquels ils exposent leurs enfants en diffusant leur image sur les réseaux sociaux.