…que confirmeraient les chiffres de la récidive. Je voudrais donc donner quelques chiffres et rappeler certaines actions, avant de partager avec vous quelques réflexions.
Le premier chiffre que l'on peut donner est, il est vrai, celui de l'augmentation de la récidive légale. Or, comme l'ont démontré le garde des sceaux et l'une des expertes sur la question carcérale, la réitération et la récidive sont des vases communicants : c'est précisément parce que les juges reconnaissent davantage la récidive légale qu'ils sont plus sévères dans leur qualification des faits et donc qu'ils condamnent davantage. Les chiffres publiés par l'Insee en 2019 et en 2021, et récemment actualisés, démontrent que la sévérité des juges explique l'augmentation de la récidive légale, laquelle n'est rien d'autre que la qualification des faits par le juge.
Le garde des sceaux vous a expliqué tout à l'heure que, pour les infractions donnant lieu à cinq ans d'emprisonnement ou plus, les peines prononcées par les magistrats sont en moyenne de quatorze mois de prison, c'est-à-dire plus que ne le permettrait la proposition de loi. En 2000, les condamnations prononcées par les juges en matière délictuelle étaient en moyenne de 6,8 mois ; vingt et un ans plus tard, en 2021, elles sont de neuf mois, soit une aggravation de deux mois des peines prononcées. En matière criminelle, en 2005, la durée moyenne d'emprisonnement était de 14,4 années. Elle est désormais de 16,1 années, ce qui représente, là aussi, une augmentation significative, avec les conséquences que l'on connaît sur l'emprisonnement. En matière d'emprisonnement ferme, le nombre d'années prononcées est passé de 55 000 en 1999 à 93 000 en 2019 : là encore, ce chiffre combat l'idée que les infractions ne seraient pas réprimées ou qu'elles ne le seraient pas de manière suffisamment sévère, puisque le nombre global de peines prononcées a augmenté de plus de 70 %. En matière de peines fermes, c'est-à-dire celles qui donnent véritablement lieu une incarcération, nous sommes passés, en vingt ans, de 28 % en 2000 à 36 % de peines donnant lieu à une incarcération ; c'est une autre explication à la surpopulation carcérale.
J'en viens aux actions menées sur le terrain de la prévention. Nous avons adopté un code de justice pénale des mineurs, lequel fait actuellement l'objet d'une évaluation par deux de nos collègues de la commission des lois, Cécile Untermaier et Jean Terlier, qui rendront leurs travaux prochainement. Depuis son entrée en vigueur, c'est-à-dire depuis un peu moins de deux ans, le délai de jugement des mineurs a été divisé par deux, passant de dix-huit mois à huit mois. En installant une épée de Damoclès au-dessus de la tête des mineurs, cette accélération a une incidence directe sur la réduction de la délinquance, car l'on sait que la réitération – appelée récidive quand le juge reconnaît le phénomène légal de récidive – se cristallise sur les premiers actes de délinquance. Pour ceux qui voudraient faire un détour par la littérature, il y a d'ailleurs d'excellents récits, comme L'Éducation d'un malfrat de l'Américain Edward Bunker, qui montrent la fixation de la délinquance juvénile.
Sur la question de l'exécution des peines, les statistiques publiées par le ministère de la justice indiquent que 95 % des peines sont mises à exécution. En outre, plus de la moitié des peines de plus d'un an prononcées en l'absence du condamné ont finalement été exécutées, et les stocks ont significativement baissé. La proposition de loi semble méconnaître ces chiffres ; pourtant, ils ont été clairement exposés.
Voilà qui devrait répondre à un certain nombre de vos questions concernant les peines prononcées, l'exécution des sanctions et l'efficacité – ou le laxisme supposé – de la justice.
J'en viens aux statistiques propres aux forces de l'ordre. Tout d'abord, le taux de présentation devant le procureur de la République est très élevé : il est quasiment multiplié par dix pour les violences commises à l'encontre de forces de sécurité intérieure, ce qui indique une attention particulière des parquets, conséquence directe des circulaires de politique pénale émises à l'encontre des auteurs de ces infractions.
Ensuite, lorsqu'une ITT est constatée pour une personne dépositaire de l'autorité publique, dans 71 % des cas, une peine de prison est prononcée pour la première infraction – pas pour la deuxième, pas pour une récidive légale, mais pour la première ! Rappelons qu'une personne dépositaire de l'autorité publique n'est pas forcément membre des forces de sécurité intérieure ; elle peut aussi être un professeur ou un élu.
Ces bons résultats en matière de lutte contre la délinquance ne sont évidemment pas le fruit du hasard : ils s'expliquent, pour commencer, par les budgets successifs du ministère de la justice que nous avons adoptés. J'observe d'ailleurs que la seule mission du projet de loi de finances pour 2023 qui a été examinée dans son intégralité par le Parlement, et qui a été adoptée, est celle du ministère de la justice, examinée par la commission des lois. Nous avons donc déjà largement débattu des questions que nous abordons aujourd'hui et je ne me souviens pas que nous ayons été amenés à discuter d'un quelconque amendement sur les peines planchers. Sur ce sujet, les positions de certains députés ont d'ailleurs évolué. On pourrait évidemment s'interroger sur les raisons de leur changement, mais on ne peut pas reprocher à la majorité sa constance dans le refus des peines planchers – sauf à être malhonnêtes : nous sommes cohérents.
En ce qui concerne le budget du ministère de la justice, il a connu une hausse de 44 % entre 2017 et 2023 et augmentera de 60 % à l'horizon 2027. Le plan de recrutement est désormais connu : 10 000 fonctionnaires de justice, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, vont être embauchés d'ici à 2027. Nous devrons évidemment en tenir compte lorsque nous examinerons l'article 2 et la question de savoir quelles tâches devront être confiées à ces magistrats et à ces greffiers, s'agissant notamment de la notification des procédures aux élus.
En ce qui concerne la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, la Lopmi, que les députés du groupe Horizons et apparentés ont soutenue, je rappelle qu'ils n'ont pas non plus formulé de propositions sur les infractions à l'encontre des forces de l'ordre lors de sa discussion. Et pour cause : le texte contient plusieurs dispositifs en ce sens. La Lopmi prévoit 15 milliards d'euros pour le ministère de l'intérieur d'ici à 2027 et le recrutement de 8 500 policiers et gendarmes sur cinq ans, en plus des 10 000 postes créés au cours du précédent quinquennat. Vous le voyez, ici non plus, point de laxisme – cela nous a d'ailleurs été maintes fois reproché par des députés de la gauche de l'hémicycle, parmi lesquels on nous range aujourd'hui parce que nous rejetons la proposition de loi !
Qu'avons-nous fait depuis 2017 pour lutter contre la récidive ? Tout d'abord, nous avons fait adopter la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. C'est un texte que vous connaissez bien, madame la rapporteure, puisque vous vous êtes grandement impliquée dans son élaboration. Vous vous étiez d'ailleurs mobilisée, à l'époque, aux côtés du Premier ministre, pour repousser les peines planchers. Édouard Philippe était particulièrement avisé sur cette question puisqu'il avait exercé, trois mois durant, la fonction éminente de ministre de l'intérieur, cumulée à sa fonction de Premier ministre. À cette période, y compris devant les syndicats de policiers, il expliquait l'inefficacité et l'inutilité des peines planchers, qu'il n'entendait donc pas introduire dans la loi.