Le sujet de la politique du médicament et des pénuries que nous avons pu connaître, inscrit à l'ordre du jour à la demande de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, que nous remercions, est majeur. Il inquiète considérablement nos concitoyens, qui se retrouvent parfois démunis. Je viens d'ailleurs de recevoir un SMS me signalant des problèmes d'approvisionnement en antibiotiques aujourd'hui même à Paris. Nous avons connu de tels problèmes avec le paracétamol, par exemple.
En trente ans, à l'image de celle des vêtements, des jouets ou encore des appareils électroniques, la fabrication des médicaments s'est peu à peu délocalisée, pour l'essentiel en Asie. Aujourd'hui, 80 % des principes actifs entrant dans la composition des médicaments vendus en Europe viennent d'Inde ou de Chine. C'est le cas par exemple de la plupart des médicaments génériques. Le paracétamol, antalgique parmi les plus populaires, est désormais produit exclusivement hors d'Europe. Seules les phases finales de fabrication, comme le conditionnement en comprimés ou en gélules, sont la plupart du temps effectuées sur le territoire européen.
Cette mondialisation entraîne des risques majeurs pour la santé publique. D'abord, la qualité des principes actifs fabriqués dans les pays émergents n'est pas vraiment suivie par les autorités sanitaires européennes et américaines, faute de moyens. La direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé, organe du Conseil de l'Europe, procède à une trentaine d'inspections annuelles hors d'Europe, un chiffre à rapporter au millier de sites de production implantés en Chine et en Inde.
Autre problème, la fourniture des principes actifs peut ne plus être assurée à la suite d'événements géopolitiques, climatiques ou sanitaires, comme cela a été le cas avec la pandémie de covid. Du fait des confinements et d'une moindre demande, la production de médicaments et de leurs principes actifs a baissé de manière significative durant cette période. Avec les reprises épidémiques et la priorité donnée à la demande nationale par certains pays producteurs, le redémarrage de la production à vocation internationale a été mal évalué et mal anticipé. Cela a provoqué des tensions d'approvisionnement sans précédent. La guerre en Ukraine, la crise de l'énergie et une hausse de la demande mondiale n'ont fait qu'aggraver la situation.
La très grande majorité des pénuries concernent les médicaments dits matures, c'est-à-dire ceux dont les brevets sont libres. Parce que les droits de propriété intellectuelle ont expiré, leur brevet est tombé dans le domaine public et le médicament original peut être légalement copié. On parle alors de médicaments génériques, dont la fabrication est forcément moins chère, donc moins rentable et moins attractive pour l'industrie pharmaceutique de nos pays développés.
Les conséquences en matière de santé publique peuvent être lourdes, les patients n'étant plus en mesure de trouver leur traitement en pharmacie. Selon l'association France Assos Santé, 45 % des personnes confrontées à des pénuries ont été contraintes de reporter leur traitement, de le modifier ou d'y renoncer. Dans certains cas, comme celui des médicaments utilisés contre le cancer, cela peut entraîner une perte de chance notable pour les malades, ce qui n'est tout simplement pas acceptable.
On l'a compris, avec la mondialisation, les flux de l'industrie pharmaceutique se sont complexifiés. Après avoir acheté des matières premières à un endroit, fabriqué des principes actifs dans un autre, on les assemble avec les excipients encore ailleurs ; le tout peut encore être conditionné dans un pays tiers. Aux difficultés d'approvisionnement et donc de production s'ajoutent celles liées au transport, notamment maritime. Le tout, mis bout à bout, allonge les délais et rend le secteur pharmaceutique de moins en moins réactif.
Dès lors, nul besoin de rappeler qu'il est urgent d'agir et de choisir la relocalisation de la production de médicaments pour se prémunir des pénuries et sécuriser l'approvisionnement. Peut-être serait-il ainsi nécessaire de réformer les critères de la politique de remboursement pour mieux prendre en compte la territorialité de la production, sans quoi l'externalisation des activités pharmaceutiques en Asie ou sur les autres continents continuera de se développer, avec tous les risques pour la qualité sanitaire et l'approvisionnement qu'elle implique.
Je ne peux donc qu'être sensible à la proposition de nos camarades d'instaurer une politique du médicament permettant d'éviter les difficultés que j'ai décrites. L'autonomie en la matière, qu'elle soit française ou européenne, est particulièrement importante et pose une question de souveraineté. Rappelons en outre – mais c'est un autre débat –…