Qui, en 2023, peut encore céder aux sirènes du populisme pénal ? Le Rassemblement national, comme nous venons de le voir ; les Républicains, comme nous le verrons peut-être. Dans ce texte, c'est une députée de la minorité présidentielle qui l'affirme : certains, dans ce pays, pensent que la justice est laxiste. Qu'ils m'expliquent, dans ce cas, pourquoi nos maisons d'arrêts sont occupées en moyenne à 142 % de leur capacité maximale !
Madame la rapporteure, j'ai cru comprendre que votre proposition de loi faisait grincer les dents au sein même de votre intergroupe politique. Le délinquant rationnel que vous tirez de l' homo economicus n'existe que dans votre tête. Dites-moi, s'il vous plaît, qui sort son code pénal pour vérifier le quantum de la peine encourue avant de commettre une infraction ! Je me permets de vous donner la réponse : absolument personne.
Je dois rappeler aux nostalgiques du sarkozysme que les peines plancher introduites en 2008 n'ont jamais eu aucun effet sur la récidive, ni sur le passage à l'acte en général. Elles ont seulement augmenté la durée d'enfermement des personnes écrouées. Pour faire face à l'engorgement des prisons, une loi sur les aménagements de peine fut promptement adoptée un an plus tard.
En 2014, ces peines plancher furent enfin abolies. Elles fragilisaient le principe constitutionnel d'individualisation des peines, que notre Déclaration de 1789 protège. Dans un État de droit, la peine et ses modalités d'exécution doivent correspondre au degré de gravité des faits sanctionnés et être adaptées à la situation du condamné.
Au mépris de l'avis des organisations syndicales de la filière insertion et probation, vous organisez le grand retour des SPIP dans les tribunaux en phase post-sentencielle. Avec quels moyens ? Avec quel argent ? Dans quels locaux ? On ne le sait pas. Ce n'est pas la création, à l'article 6, d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs, en guise de gage, qui nous donnera le détail budgétaire de cette mesure.
Vous proposez de convoquer le condamné immédiatement après la fin de son procès. Vous allez saboter dès le départ son adhésion à tout programme de réinsertion. Vous ne tenez pas compte des heures tardives auxquelles s'achèvent les audiences, surtout s'agissant des comparutions immédiates. Vous allez envoyer les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation au casse-pipe.
Par son automaticité, le texte casse la logique de l'individualisation des peines. Dans ce contexte, vous ne vous donnez ni les effectifs, ni les moyens, ni le temps pour prévenir la récidive, en fixant des objectifs irréalisables à l'administration.
Au bout du compte, que reste-t-il ? Des propositions surréalistes, incohérentes et contradictoires, qui illustrent l'incompétence de ceux qui les ont rédigées. Difficile de traiter d'un sujet aussi sérieux si votre vision est obstruée par des œillères dogmatiques ! Car c'est bien cela, votre problème : vous vivez dans une réalité parallèle et refusez d'affronter le réel, qui vous est insupportable – celui d'une densité carcérale hallucinante qui n'en finit plus d'augmenter, celui d'un manque d'accès, en prison, au travail, à la formation professionnelle, à la santé, à la culture, à l'hygiène et à l'intimité, celui du taux de suicide des détenus et des conditions de travail toujours plus insupportables des surveillants, qui doivent supporter les défaillances de nos politiques publiques en matière de santé mentale !
Vous voulez vraiment lutter contre la récidive ? Commencez par introduire un mécanisme de régulation carcérale, que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) appelle de ses vœux ! Luttez contre les conditions de détention indignes dans nos prisons !