Intervention de Caroline Abadie

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie :

Le sujet de la lutte contre la récidive, essentiel, constitue un axe fondamental des politiques pénales et pénitentiaires que nous menons depuis 2017, avec le soutien collectif de notre majorité. Des textes sur lesquels nous avons beaucoup travaillé avec certains membres du groupe Horizons et apparentés l'illustrent, notamment la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, dont vous étiez rapporteure, madame Moutchou ; elle a permis de réprimer, par des peines plus sévères, les violences commises contre les forces de sécurité intérieure (FSI). Je citerai aussi, parmi les dispositions que nous avons soutenues ensemble depuis 2017, le renforcement du quantum de la peine en cas de violences volontaires contre les FSI, le renforcement des sanctions applicables au refus d'obtempérer et la limitation de la durée des réductions de peine pour les auteurs de violences graves contre les personnes investies d'un mandat électif public.

Les moyens de la lutte contre la récidive nous semblent devoir être appréciés à la lumière de leur efficacité : telle est la ligne directrice que nous suivons depuis 2017, et tel est l'état d'esprit dans lequel nous abordons l'examen de la proposition de loi de notre collègue Naïma Moutchou.

Nous disposons d'ores et déjà d'un bilan très clair de l'article 1er, le mécanisme des peines plancher ayant été en vigueur pendant sept ans, de 2007 à 2014, certes dans un champ d'application plus large mais avec le même régime juridique, qu'il s'agisse de la condition de récidive légale, de la faculté de décision contraire motivée du juge ou de sa faculté de prononcer une peine autre que l'emprisonnement. Ce bilan, qui figure notamment dans l'étude d'impact de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ainsi que dans plusieurs rapports parlementaires, indique clairement que le dispositif n'a pas fonctionné.

L'application des peines plancher est allée diminuant, pour atteindre 37 % en 2013 s'agissant de la peine minimale d'un an d'emprisonnement prévue dans la présente proposition de loi. Par ailleurs, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007 n'a pas entraîné un recours plus important aux peines d'emprisonnement, ce recours étant resté proche de 94 % avant comme après son entrée en vigueur. Surtout, comme l'indiquent les données de l'Insee et du ministère de la justice, la part des récidivistes n'a pas diminué de 2007 à 2014, alors même qu'elle est en baisse, couplée à celle des réitérants, en 2021.

Quant au champ retenu à l'article 1er, son opportunité ne nous semble pas évidente, dès lors que les délits sanctionnés de cinq ans d'emprisonnement, s'ils sont commis en état de récidive, sont punis d'une peine moyenne d'emprisonnement de 14,2 mois, soit plus que le minimum de douze mois prévu dans le texte. Par ailleurs, 93 % de ces délits sont sanctionnés par une peine d'emprisonnement.

Pour ces raisons, motivé exclusivement par le souci de l'efficacité de la réponse pénale et à la lumière de ce bilan défavorable, notre groupe ne soutiendra pas l'article 1er. Indépendamment des réserves qu'appellent les autres dispositions, la ligne directrice du groupe Renaissance consistera, conformément au caractère global et insécable que les auteurs du texte confèrent aux dispositions de leur proposition de loi, à ne pas en rédiger, contre leur volonté, une version dénaturée ou vidée de sa substance. Notre position est donc globalement défavorable au texte.

La fermeté à l'égard de la délinquance ciblant les représentants de l'autorité est importante. Nous n'en avons jamais manqué. Toutefois, le caractère primordial de la politique pénitentiaire de réinsertion, par le recrutement massif de conseillers SPIP, par la formation professionnelle et par le travail que nous avons récemment mené pour créer le contrat d'emploi pénitentiaire, nous semble tout aussi nécessaire pour lutter contre la récidive et la prévenir.

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