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Intervention de Naïma Moutchou

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou, rapporteure :

Dans la continuité des travaux que nous menons depuis plusieurs années pour une justice plus efficace, plus juste et qui protège mieux, j'ai souhaité, avec mon groupe, m'emparer du problème de la récidive, qui malheureusement demeure d'actualité en dépit des politiques publiques menées depuis plus de vingt ans – je salue à cet égard les efforts du Gouvernement, de la Chancellerie en particulier, et de la majorité, pour augmenter les budgets.

Les chiffres en témoignent, nos concitoyens en sont conscients : le phénomène de la récidive progresse chaque année. Plus de 40 % des condamnés sont des récidivistes ou des réitérants. La proportion des seuls récidivistes a augmenté de 8 points en trois ans seulement, de 2018 à 2021. L'un des visages de la récidive sur lesquels nous avons souhaité mettre l'accent, ce sont les violences commises contre ceux qui sont les garants de la vie en société, représentent la République et permettent la vie en commun.

Ces violences, malheureusement, se propagent. Nos forces de l'ordre sont des cibles, ce qui est insupportable. Plus récemment, et de façon inquiétante, les pompiers, les personnels de santé, les enseignants et les chauffeurs de bus, bref les agents publics dans leur ensemble, le sont devenus, victimes eux aussi de la remise en cause de l'autorité dans notre société.

C'est pour compléter les précédentes réformes et apporter une réponse aux défis que nous constatons ensemble que le présent texte de loi vous est présenté. Il procède, par le biais de mesures complémentaires, d'une approche globale de la récidive, pour apporter une solution d'ensemble à un problème dont je ne nie pas la complexité.

Le tout répressif de 2007 n'a pas donné les résultats escomptés. Le seul accompagnement de 2014 a montré ses limites. Il faut donc agir sur ces deux leviers pour répondre efficacement à la récidive : dissuader et sanctionner, mais aussi accompagner et prévenir. Telle est l'ambition du texte, pour éviter les écueils sur lesquels se sont échouées les tentatives de réponses faites en 2007 et en 2014.

S'agissant de la dissuasion, l'article 1er prévoit une peine minimale sciemment ajustée. Elle s'applique aux faits commis en état de récidive légale, est d'un an d'emprisonnement et concerne les violences volontaires délictuelles commises contre les dépositaires de l'autorité publique et les agents chargés d'une mission de service public. Le juge dispose de la faculté de déroger à ce minimum d'un an en fonction des circonstances de l'espèce.

À en juger par les amendements à l'article 1er, certains diront que ses dispositions sont exorbitantes, d'autres qu'elles sont insuffisantes. J'y vois, modestement, la preuve de leur caractère équilibré.

Concernant le procès en excès, l'article 1er ne fait pas renaître de leurs cendres les fameuses « peines plancher » de 2007. Je rappelle que la réforme dite « Dati-Sarkozy » s'appliquait peu ou prou à tous les crimes et à tous les délits, soit quelques milliers d'infractions par an, et qu'elle prévoyait des planchers très élevés. Tout cela n'a globalement pas fonctionné. Je n'en souhaite pas le rétablissement.

Dire que les dispositions que je propose et celles de 2007 sont comparables est une erreur de lecture. J'introduis une peine minimale sur un sujet particulier : le respect de l'autorité. J'ai fait le choix de dire, de façon assumée, que la récidive doit être mieux sanctionnée, et j'ai fait le choix du calibrage. Les unes et les autres ne jouent pas dans la même cour.

L'article 1er ne bride pas le juge. Il l'accompagne dans le plus strict respect de la Constitution et du principe d'individualisation des peines, comme l'atteste l'abondante jurisprudence constitutionnelle sur ce point.

À l'accusation de manque d'ambition, je réponds que le ciblage est cohérent et pertinent, et que la durée minimale proposée sera effective et utile. Elle n'est pas démesurée et s'avère parfaitement dosée, compte tenu des peines prononcées, qui sont en moyenne de huit mois.

Il n'y a donc ni automatisme, ni laxisme, mais un équilibre qui nous paraît utile, d'autant que l'article 1er n'est qu'un aspect de la réponse que nous vous proposons, une mesure parmi d'autres qui, elles, ciblent l'accompagnement et s'appuient notamment sur les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

L'article 3 prévoit la présence des SPIP en juridiction, sous forme de permanence. J'ai eu connaissance des réticences ou des inquiétudes de certains syndicats, mais les auditions que j'ai menées ont conforté ma conviction de l'intérêt d'une telle mesure. Elle n'a pas l'effet que certains redoutent, celui de placer les SPIP sous l'autorité des juridictions : les SPIP conserveront leur organisation et leur identité.

Je rappelle, à toutes fins utiles, que cette mesure est directement issue des travaux des États généraux de la Justice ; elle est donc le fruit de mois de concertation et d'échanges. Par ailleurs, il s'agit d'une expérimentation, qui n'a rien d'obligatoire, ni de systématique : elle nous permettra de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, afin que nous puissions, bien éclairés, déterminer les suites à lui donner.

L'article 4 s'inscrit dans la logique du renforcement de l'accompagnement des condamnés, en rendant obligatoire l'organisation, pour les personnes bénéficiant d'une libération sous contrainte, d'un programme visant à prévenir la récidive. Obligatoire ne veut pas dire uniforme. Les SPIP seront chargés d'établir ces programmes de façon adaptée aux besoins de chacun ; c'est donc bien un accompagnement sur mesure qui est proposé.

Ces trois mesures – dissuasion, accompagnement et suivi individualisé – permettront d'apporter une première réponse à la question de la récidive.

Pour poser les jalons d'une réflexion encore plus large, nécessaire pour mieux appréhender la récidive en tant que phénomène, l'article 5 complète le dispositif en prévoyant l'organisation d'une conférence de consensus, inspirée de celle organisée par Christiane Taubira en 2012, dont notre collègue Roger Vicot était membre. Fondée sur une démarche pluridisciplinaire, associant des personnes qualifiées issues d'horizons variés et complémentaires, elle permettra d'avoir un débat plus objectif et moins politisé, ainsi qu'une actualisation des connaissances, et fera émerger des propositions consensuelles.

L'article 2 systématise l'information des maires sur les suites données aux infractions commises dans la commune. Cet outil améliore l'information des élus, qui sont chargés de la sécurité locale. Il reprend un amendement du groupe Démocrate adopté en 2021 et une proposition issue des travaux de la mission flash sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux que Philippe Gosselin et moi-même avions conduite.

En résumé, nous proposons un dispositif ciblé, mesuré, juridiquement robuste, permettant d'accompagner des mesures sur la probation en plaçant les SPIP au cœur de la lutte contre la récidive. L'article 1er ne peut pas être considéré isolément. Il est le fruit d'une démarche globale, qui appréhende la récidive dans son ensemble, pour atteindre un objectif essentiel à nos yeux : améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

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