On peut évaluer l'efficacité d'une procédure au nombre d'actions intentées chaque année et à leur issue. Le moins que l'on puisse dire est que l'action de groupe à la française n'est pas à l'origine de l'engorgement de nos juridictions. Peu utilisée, peu efficace, elle n'est pas parvenue à trouver sa place dans notre droit, et ce en raison de verrous procéduraux que les associations peinent à lever.
En 2014, le législateur avait voulu introduire les actions de groupe dans notre droit, mais il tenait absolument à éviter les dérives des class actions qui existent dans le droit anglo-saxon. Huit ans plus tard, nous ne déplorons effectivement aucune de ces dérives, mais aucun véritable progrès non plus.
Cette proposition de loi a le mérite de rendre la procédure plus claire et plus accessible. L'élargissement du nombre des demandeurs, la simplification de la procédure, la création de juridictions spécialisées sont des avancées que nous ne pouvons que saluer. Nous qui, au sein de cette même commission, nous sommes récemment prononcés en faveur de juridictions spécialisées pour les violences intrafamiliales, nous restons cohérents quant à notre vision de la justice. Sans doute peut-on regretter que les actions de groupe aient leurs juridictions spécialisées avant les enfants victimes de violence. Mais j'imagine que tout vient à point à qui sait attendre…
Vous l'aurez compris, nous sommes favorables aux actions de groupe. Notre seule interrogation, peut-être, porte sur le principe de l' opt-in, c'est-à-dire cette faculté pour les victimes de ne se manifester qu'à la fin d'une procédure pour obtenir indemnisation. Maria José Azar-Baud, maître de conférences à l'université de Paris-Saclay et fondatrice de l'Observatoire des actions de groupe et autres actions collectives, indique que dans les pays où ce principe est appliqué, moins de 5 % des victimes adhèrent à la procédure. Elle préconise de renverser la logique et d'adopter le système de l' opt-out, qui permet, d'emblée, d'intégrer les victimes potentielles à la procédure, à l'exception de celles qui se manifestent expressément pour ne pas l'être. L' opt-out est déjà en vigueur aux Pays-Bas et au Portugal, et il fonctionne. Du point de vue des victimes, il permettrait un plus grand nombre d'indemnisations. Il serait en outre dissuasif pour les professionnels malintentionnés qui, mécaniquement, s'exposeraient à des sanctions plus lourdes, proportionnelles au nombre de victimes potentielles.
Notre droit est vivant, et la pratique nous dira sûrement si des évolutions législatives sont encore nécessaires.
En l'état, le groupe GDR-NUPES est favorable à cette proposition de loi.