Nous avons, la semaine dernière, participé aux travaux de la section de l'intérieur, puis à la réunion de l'assemblée générale du Conseil d'État, après avoir échangé, dès le mois de janvier, avec le rapporteur de notre texte. C'est un exercice auquel je ne m'étais pas encore livrée. Ces échanges très riches et constructifs nous obligent et nous assurent une assise juridique beaucoup plus forte.
Nous vous présenterons des amendements de réécriture de la version initiale du texte, car il nous a fallu à la fois tenir compte des observations judicieuses du Conseil d'État et transposer la directive du 25 novembre 2020.
Le code de procédure civile étant de nature réglementaire – et relevant à ce titre du Gouvernement –, nous avons pensé, initialement, qu'il fallait insérer l'action de groupe au sein du code civil, pour des raisons d'accessibilité notamment. Mais le Conseil d'État – dont les recommandations, principalement légistiques, ne concernent pas le fond du texte – a estimé qu'une loi de procédure n'avait « pas vocation à prendre place dans le code civil ». Il nous a donc conseillé de réécrire notre texte sous la forme d'une loi-cadre, type de véhicule historiquement privilégié pour l'inscription dans notre droit des principes qui régissent les actions de groupe. Nous ralliant à l'avis du Conseil d'État, nous avons donc déposé des amendements de réécriture mais, pour la loyauté des débats – et grâce à la célérité des administrateurs –, l'avons fait dès samedi afin de permettre à chacun de les sous-amender car, s'ils sont adoptés, ils feront évidemment tomber les vôtres, chers collègues.
Les principales modifications concernent tout d'abord la publicité préalable. Les dispositions la concernant ont été supprimées, le Conseil d'État considérant qu'elles n'avaient pas de caractère normatif. Je précise toutefois que des mesures de publicité sont prévues après le jugement en responsabilité.
Concernant le registre des actions de groupe en cours que nous avons instauré, nous l'avions à l'origine confié au Conseil national des barreaux. Il s'agissait pour nous d'associer les avocats à ce texte, alors qu'ils réclament, de façon récurrente, la possibilité d'être partie au procès – ce que nous leur refusons pour éviter les dérives à l'américaine. Le Conseil d'État nous a toutefois rappelé que le Conseil national des barreaux n'avait pas ce genre de compétence ; aussi avons-nous finalement confié ce registre à la Chancellerie.
D'autre part, nous proposons d'introduire une disposition importante qui ne figurait pas dans le texte initial : l'obligation, pour les demandeurs, de fournir une attestation sur l'honneur qu'ils n'ont ni objectif lucratif ni intérêt économique à agir. Avec cette obligation, nous souhaitons nous prémunir contre les faux-nez, contre l'action d'acteurs malintentionnés qui souhaiteraient déstabiliser un concurrent. Il ne s'agit pas d'un document sans grande valeur, puisque les mentions irrégulières figurant sur cette attestation seraient passibles de sanctions pénales. Nous renversons, en quelque sorte, la charge de la preuve : le demandeur est présumé de bonne foi et c'est au défenseur de prouver qu'il ne l'est pas.
Si le Conseil d'État nous accompagne positivement pour ce qui est du triple objectif – action générale, procédure unifiée et élargissement de la qualité à agir –, il émet des réserves sur la sanction civile. Si nous pensons disposer d'arguments juridiques pour la maintenir, nous avons néanmoins remodelé le dispositif pour tenir compte des observations du Conseil d'État. Ainsi, seul le parquet a désormais la possibilité de requérir cette sanction, dont le champ a par ailleurs été précisé. Grâce à ces modifications, nous croyons pouvoir maintenir la mesure de sanction civile sans encourir le risque de l'inconstitutionnalité.
Pour ce qui est de la directive ici transposée – cela aurait dû être fait en décembre –, elle ne s'applique qu'aux actions de groupe transfrontières. En effet, les États membres restent libres d'établir leur propre régime juridique pour les actions nationales. Nous prévoyons des modalités spécifiques pour agir en dehors de nos frontières, en particulier une habilitation spéciale.
La spécialisation des tribunaux se fera quant à elle en toutes matières. Ainsi, il n'existera pas un tribunal spécialiste de l'environnement à Lyon ni un autre spécialiste de la santé Marseille. Cela n'aurait aucun sens. Nous avons donc prévu que chaque juridiction spécialisée pourrait agir dans tous les domaines.
Enfin, suivant en cela une suggestion du Conseil d'État, nous prévoyons une évaluation du dispositif. Nous l'avons prévue à quatre ans, compte tenu de la longueur des procédures, même si nous espérons que notre texte contribuera à réduire leur durée.