Comme l'a rappelé M. le président Houlié, cette proposition de loi met en œuvre les préconisations d'un rapport d'information qui, cosigné en 2020 par Philippe Gosselin et moi-même, avait été adopté à l'unanimité par cette même commission. Je tiens à souligner le travail que nous avons mené ensemble depuis le début de la précédente législature. Ce rapport établissait le bilan de la procédure d'action de groupe instaurée en 2014. Elle a d'abord concerné la consommation, puis, à partir de 2016, la santé, l'environnement, la protection des données personnelles et la lutte contre les discriminations. Elle a enfin été étendue aux locations immobilières dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite Elan, en 2018.
Avec seulement une petite trentaine d'actions de groupe répertoriées, ce bilan était et demeure décevant. Plusieurs raisons expliquent ce maigre résultat, à commencer par une trop grande complexité juridique. De fait, les actions de groupe reposent sur sept fondements législatifs et sur des procédures différentes, relativement à des points aussi importants que la qualité à agir ou le champ des préjudices indemnisables, lesquels peuvent couvrir non seulement le préjudice corporel mais aussi, parfois, le préjudice moral, qui obéissent chacun à un régime très différent.
Ce peu de succès s'explique aussi par l'étroitesse du champ matériel : les actions de groupe ne couvrent pas l'ensemble des droits subjectifs, ce qui a conduit à l'échec de plusieurs d'entre elles, notamment en matière d'immobilier, les juridictions ayant estimé qu'elles n'entraient pas dans les champs définis par les lois de 2014 et de 2016. Depuis, la loi Elan a permis de corriger cela.
Le petit nombre d'acteurs autorisés à intenter ce type d'actions explique également ce mauvais résultat. Seules seize associations sont agréées pour mener des actions de groupe, et certaines d'entre elles n'en ont pas toujours les moyens. Je précise cependant que le socle commun introduit en 2016 autorise d'autres associations à agir, notamment celles qui ont cinq ans d'ancienneté et dont l'objet comprend la défense des intérêts visée par l'action de groupe. Cependant cela ne concerne que quelques domaines – santé, environnement, protection des données personnelles, etc.
L'action de groupe est pourtant très utile à notre ordonnancement juridique. Elle est particulièrement adaptée lorsque de très nombreuses victimes subissent un préjudice peu important et d'un faible montant, ou quand elles sont dans un état de vulnérabilité qui ne leur permet pas d'entamer seules une action en justice. L'action de groupe permet alors de rééquilibrer le rapport de force avec le défendeur.
Alors que le droit européen encourage les actions de groupe, la France est très en retard par rapport à ses partenaires. Le Portugal, où nous nous sommes rendus, a par exemple inscrit cette procédure dans sa Constitution. Paradoxalement, ce retard s'explique par l'avance que la France avait naguère s'agissant de la protection des consommateurs, avance qui, plus largement, se manifestait dans la défense de toutes les parties faibles au contrat, que ce soit en droit des assurances, du travail ou de la concurrence. Cet avantage historique se transforme aujourd'hui en inconvénient, alors même que la finalité reste la même : rééquilibrer le rapport des forces en présence.
Il nous faut à présent rattraper notre retard. Pour ce faire, et c'est la philosophie de notre proposition de loi, il faut faciliter l'accès au juge.