Vous avez raison de le souligner : les stratégies d'influence font de plus en plus fréquemment usage de l'intimidation. Il existe en effet de plus en plus de manières subtiles de pousser à la violence ou à l'intimidation sans se rendre soi-même coupable de violence.
Par exemple, le fait de stigmatiser un universitaire ou un intellectuel qui aurait écrit un ouvrage ne plaisant pas différents pays, jusqu'à exciter une communauté sur les réseaux sociaux, est difficilement prouvable ou opposable. La personne incriminée pourra toujours plaider la liberté d'expression pour se défendre. Pour autant, elle aura réussi à faire passer à l'acte violent d'autres personnes via les réseaux sociaux, dans une forme de manipulation.
Il est donc nécessaire d'apporter des réponses nouvelles. Le fait de vouloir faire taire quelqu'un ou d'empêcher la tenue d'un débat via des procédures bâillons entraîne un affaiblissement. L'intimidation peut prendre la forme de procès pour diffamation qui n'ont aucune chance d'aboutir mais gâchent la vie de la personne et dissuadent ses collègues de la soutenir de manière publique. Simultanément, il est possible d'exciter sur les réseaux sociaux une multitude d'individus anonymes.
Il existe des dispositifs juridiques pour poursuivre de tels agissements, par exemple l'incitation à la haine. Mais certains intervenants y échappent, dans le cadre du jeu subtil de l'influence, notamment lorsqu'elle est anonymisée. Pour autant, nous connaissons des personnes qui sont d'excellents manipulateurs sur les réseaux sociaux et qui font peser in fine sur la cible un sentiment de crainte, par exemple lorsque celle-ci est reconnue et abordée dans la rue, comme cela est déjà arrivé à certains de mes collègues.
Pouvons-nous isoler des « meneurs » ? Disposons-nous d'un arsenal juridique suffisant ? Il est difficile de répondre, car la liberté d'opinion peut facilement être évoquée. Exprimer un désaccord dans un débat est une chose ; laisser entendre que ce que dit une personne est ignoble et qu'elle n'a pas le droit de le dire en est une autre. Dans ce cas, je crois qu'il faut se montrer un peu plus ferme.