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Intervention de Jean-Philippe Tanguy

Réunion du mardi 7 février 2023 à 20h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Tanguy :

Votre objectif, à l'époque, n'était pas la décarbonation mais la baisse des émissions des gaz à effet de serre. À cet égard, j'ai comparé les résultats de la politique allemande de développement massif des énergies renouvelables intermittentes et ceux de notre programme électronucléaire. Le programme Messmer a permis à la France de faire passer la part des énergies fossiles dans le mix électrique de 65 à 10 % en l'espace de seulement douze ans, soit entre 1976 et 1988. Le développement des énergies renouvelables, quant à lui, a entraîné une baisse de seulement 2 à 3 points de la part des énergies fossiles depuis 2008. Le programme nucléaire français a également permis de multiplier par quatre la quantité d'électricité produite. Il s'est traduit par une diminution considérable des émissions de gaz à effet de serre, qui n'a été égalée par aucune autre économie industrielle.

Vous dites que rien n'a été fait en Allemagne. Je dirais qu'au contraire, beaucoup y a été fait, puisque 500 milliards d'euros ont été consacrés au programme de transition énergétique « Energiewende ». Toutefois, le mix électrique allemand produit toujours entre cinq et six fois plus de dioxyde de carbone que le modèle français. Le programme nucléaire français a donc permis d'obtenir les résultats que vous espériez en arrivant au pouvoir ; le modèle allemand a eu des effets bien moindres en termes de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

De même, ni le système allemand, ni, par exemple, celui du Danemark ou de l'Espagne n'ont permis de réduire la pollution atmosphérique dans le même ordre de grandeur que le programme Messmer.

Les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) pour 2018 montrent que, pour produire un térawattheure d'électricité solaire, il faut 16 millions de tonnes de matériaux lorsqu'il est issu de l'énergie solaire, 8 millions de tonnes lorsqu'il est issu de l'éolien et une tonne lorsqu'il émane de l'énergie nucléaire. Comment perceviez-vous à l'époque le fait que le modèle des énergies renouvelables intermittentes nécessite autant de matériaux et comment estimiez-vous possible de le généraliser au monde entier ?

À la lecture de l'interview que vous aviez donnée à Libération, je constate qu'en effet, vous n'avez pas défendu le charbon pour les économies occidentales. Toutefois, vous avez dit que l'on pouvait remplacer le nucléaire par du cycle combiné gaz, ce qui soulève le problème des émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, vous avez affirmé, à l'époque, que ni le stockage ni l'intermittence n'étaient un problème. En vertu de la théorie du foisonnement, il y a une forme de constance de l'énergie éolienne, la production d'une zone climatique compensant l'excès ou le déficit de production dans une autre zone climatique. Cela se vérifie en partie, sauf dans les périodes de très grand froid ou de très forte chaleur. Dans ces conditions, comment fait-on, la nuit, pour avoir de l'électricité, lorsqu'il n'y a pas de vent ? Quelle réponse apportiez-vous à cette question lorsque vous étiez au gouvernement ? Les pays qui ont mené cette politique à grande échelle, comme l'Allemagne ou le Danemark, n'ont pas démontré son efficacité.

Vous avez affirmé qu'il existait une rente nucléaire, tout en contestant sa rentabilité, ce qui me paraît contradictoire.

Vous avez également rappelé qu'on ne pouvait pas assurer les activités nucléaires. Toutefois, on ne peut pas davantage assurer les centrales à charbon, à gaz ou fonctionnant à partir d'autres énergies fossiles contre les dommages qu'elles portent à la santé : le risque est entièrement à la charge de la société, et cela se fait d'une manière bien plus pernicieuse que pour le nucléaire.

Vous avez indiqué avoir proposé, avec M. Gayssot, un programme d'investissement massif dans les transports collectifs, notamment urbains. Pourtant, les problèmes de transport collectif se sont aggravés dans toutes les métropoles françaises depuis les années 1990. Le métro a connu une très forte dégradation du service. Quant aux habitants des communes rurales du Jura, département dont vous étiez l'élue, je ne pense pas qu'ils disposent d'une véritable solution de transport collectif.

Vous avez raison au sujet du secteur fluvial mais la situation du ferroutage s'est dégradée.

Vous dites qu'il faut relocaliser l'industrie, mais une des raisons principales qui explique que nos systèmes électriques aient tenu dans les années 2000 et 2010 tient à la forte désindustrialisation de l'économie française. Si nous avions gardé une part de 20 % de l'industrie dans le PIB, le système électrique ne pourrait pas subvenir actuellement à nos besoins. Dans ces conditions, comment peut-on remplacer les voitures thermiques par des modèles électriques ou hybrides, même plus légers, tout en relocalisant l'industrie primaire ? Comment y parviendrait-on avec de l'énergie intermittente ?

Vous avez affirmé à plusieurs reprises que l'on avait torpillé la filière photovoltaïque. Pouvez-vous préciser vos propos ? Pensez-vous à l'Union européenne ? Je ne vois pas de quelle filière vous voulez parler. Il en va de même pour l'éolien, en faveur duquel nous avons dépensé beaucoup d'argent sans créer de filière.

Enfin, vos propos sur Superphénix m'étonnent car le CEA développe depuis les années 1970 des recherches très performantes sur les moyens de faire face aux incendies consécutifs à des fuites de sodium. Ces solutions étaient parfaitement opérationnelles dans les années 1990. Par ailleurs, si cela n'avait pas fonctionné, on aurait pu faire de la surgénération au plomb.

Quelle solution proposez-vous pour les déchets nucléaires existants ? Si on ne pratique ni la surgénération, ni l'enfouissement, que fait-on ? Les écologistes de gauche n'apportent pas de réponse à cette question.

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